On a longtemps cru que notre planète ne comportait que 6 continents, mais comme on n’arrête pas le progrès, depuis une trentaine d’année, un septième continent s’est créé, mais il sera compliqué de l’habiter, et pour cause : il est constitué de matières synthétiques que notre société de consommation rejette chaque jour dans la nature.
Ce continent improbable qui fait provisoirement 3,43 millions de km² se trouve en plein Océan Pacifique, entre la Californie et Hawaï et a été découvert en 1997 par le capitaine Charles Moore, continent qu’il a baptisé « Great Pacific Garbage Patch ».
Il est dû aux courants marins qui ont aggloméré 2 grandes plaques de déchets plastiques dénommées Eastern et Western Pacific Garbage Patches lesquelles ne cessent de s’agrandir, triplant de taille en moins de 20 ans, ce qui représente déjà quasi 6 fois la superficie de la France.
Cette ile, la plus grande décharge du monde, a une surface estimée entre 1,5 et 3,5 millions de kilomètres carrés, avec une densité de 5 kg de fragments de plastique par km², sur une profondeur moyenne de 10 mètres.
Une étude plus récente démontre qu’il y aurait en fait 2 « iles » distinctes, une plus proche du Japon, et l’autre de la Californie, éloignées chacune d’environ 1000 km des côtes.
Globalement, sur les 260 millions de tonnes de plastique produites chaque année dans le monde, on estime que 26 millions de tonnes finissent dans les océans, alors que d’autres études plus modestes évoquent un chiffre situé entre 3 et 8 millions de tonnes de détritus plastiques.
Quand l’on sait qu’en France, nous sommes passés de 500 000 tonnes en 1960 à 6,5 millions de tonnes de plastique en 2006, on comprend à l’échelle de la planète le problème que posent les sacs en plastique, et autres dérivés.
Rien que pour fabriquer une paire de basket, il faut déjà 6 litres de pétrole.
Les seuls emballages en plastique que nous utilisons représentent tout de même 70 000 millions de tonnes tous les ans, soit la consommation en carburant d’une ville de 80 000 habitants, même si les emballages plastiques ne représentent que 1,4% issu du pétrole extrait dans le monde.
Bien sûr, depuis, il existe des plastiques que l’on dit dégradables, sauf qu’une partie de ceux-ci sont aussi à base de pétrole auquel est ajouté un additif qui favorise la dégradation de l’emballage sous l’action, entre autres, de la lumière.
Quant aux plastiques traditionnels, suivant leur composition, ils finissent toujours par se désagréger, mais il faut attendre pour cela entre 20 ans pour un emballage plastique et 450 ans pour une bouteille…alors que chaque jour qui passe amène son nouveau lot de plastique dans les mers et les océans.
Les entreprises qui s’enrichissent avec l’utilisation du pétrole ont beau affirmer que tout est fait pour valoriser la fin de vie des plastiques, citant en exemple la Suisse, l’Autriche ou l’Allemagne, lesquels recyclent plus de 70% de leurs déchets plastiques, le 7ème continent est pourtant une triste réalité.
Auparavant, les débris que nous rejetions étaient digérés par les micro-organismes marins, mais le plastique n’excite pas leur appétit, et ils s’accumulent sur une épaisseur qui peut aller jusqu’à 30 mètres.
Des 2006, le programme des Nations Unies pour l’environnement dénombrait déjà 46 000 morceaux de plastique pour 2,5 km² d’Océan, mais Charles Moore, le découvreur de ce « continent », est moins optimiste, estimant à 300 000 morceaux de plastique par km², avec des pointes à plus de 1 million de débris.
A ce 7ème continent pourrait s’en ajouter d’autres puisque le même phénomène est en train de se mettre en place dans l’Océan Atlantique Nord, ainsi que dans l’Océan indien, tout comme dans le Pacifique Sud, la difficulté étant de repérer ces zones, car souvent la plus grande partie du plastique se trouve sous la surface, donc indétectable par satellite.
La Méditerranée n’échappe pas à ce phénomène, et si l’expédition MED (méditerranée en danger) évalue à 115 000 particules de plastique par km², il est probable que, d’après François Galgani, ces quantités risquent d’augmenter considérablement avec le temps.
Cette courte vidéo montre comment, et où sont en train de se développer ces gyres.
Tout ça ne fait pas les affaires des poissons qui confondent régulièrement les micro-morceaux de plastique qu’ils avalent, les prenant pour du plancton, ou des tortues (photo) qui s’étouffent en avalant ces morceaux de plastique, les confondant avec des méduses.
Les animaux marins qui passent là sont piégés par les débris les plus grands, ou ingèrent les plus petits, ce qui les suffoque, ou obstrue leur système digestif.
Une baleine à bosse est morte de faim, l’estomac obstrué par 17 kg de plastique, dont 2 pots de fleur, et un bidon en plastique… 1 millions d’oiseaux, plus de 100 000 mammifères trouvent la mort chaque année des suites de ces déchets flottants.
Ce continent fait tout de même des heureux, tel le « patineur des mers » (l’halobates sericeus) qui pond ses eaux sur tout ce qui flotte : plumes d’oiseaux, pierres ponces… et pour qui ces nouvelles iles sont une bénédiction, mais cela va aussi déséquilibrer tout l’éco système, en augmentant la population des crabes, dont ils sont la nourriture.
Pourtant, il existe peut-être une solution.
En effet chacun sait que les matières plastiques sont à base de pétrole, et qu’il est possible de faire le parcours en sens inverse : refaire du pétrole avec du plastique.
C’est d’ailleurs ce qu’a fait Akinori Ito, de la société japonaise Blest, en mettant au point une machine capable de transformer 1 kg de plastique en 1 litre de pétrole, sans pour autant produire du CO².
Le procédé est maintenant pensé à une échelle plus grande, et la société Sita UK à lancé fin 2010 une usine de transformation des déchets plastiques en diesel.
Les déchets, une fois broyés sont transformés en lamelles, qui chauffées par pyrolyse à plus de 400° permettant à terme de produire du diesel utilisable directement.
Ainsi 1 tonne de déchets plastique se transforme en 750 litres de combustible.
De là à imaginer une plate forme off shore installée au milieu de ce 7ème continent afin de transformer les millions de tonnes de plastique, en autant de pétrole, supprimant du même coup le problème que posent ces déchets aux poissons, et autres tortues, il y a un pas…
C’est le pas que veut faire Boyan Slat.
Ce jeune néerlandais de 19 ans, entouré d’une équipe d’ingénieurs, d’experts, de modélistes, et d’étudiants, a lancé un projet original : avec une plateforme flottante, il compte dévier les masses de plastique vers une plateforme de nettoyage, autonome énergétiquement grâce à l’énergie des vagues et à celle du soleil, et assure, s’il trouve les fonds nécessaires, pouvoir peut-être (l’étude est en cours) débarrasser en 5 ans les tonnes de déchets plastique qui se sont accumulées dans les océans. lien
Il précise quand même n’en être qu’au ¼ de ses travaux d’investigation, même si les résultats préliminaires sont encourageants. lien
Le jeu en vaut-il la chandelle ?
26 millions de tonnes de plastique, cela correspond tout de même à près de 20 millions de tonnes de pétrole, soit 30% de ce que consomment le parc automobile français, poids lourds y compris, et ça permettrait en tout cas de signer la disparition de ce continent fantôme pour le plus grand bonheur de millions de poissons, et de quelques être humains, attachés à préserver la beauté de l’océan…même si ces éventuels 20 millions de tonnes de pétrole restent modestes face à ceux qui sont extraits des nappes traditionnelles de pétrole.
Plus insolite, le cabinet d’architectes néerlandais WHIL se propose de transformer ces amoncellements synthétiques en véritables territoires, créant ainsi des iles artificielles, utilisant ces déchets comme des matériaux de construction, et permettant d’accueillir les populations qui seront bientôt chassées de leur iles d’origine, suite à la montée du niveau des eaux des mers, construisant sur ces iles flottantes des bâtiments durables et autosuffisants au point de vue énergétique.
La première ile flottante envisagée serait de 10 000 km² et pourrait voir le jour bientôt, capable d’accueillir ainsi près de 500 000 réfugiés climatiques.
Si l’idée peut faire sourire, elle a au moins le mérite de pointer du doigt ce problème, tout comme celui du réchauffement climatique, mais sa réalisation est problématique car cette zone est internationale, et il sera difficile de trouver un état qui voudra assumer la responsabilité de ces iles artificielles, et encore moins s’engager dans une opération de nettoyage…
Merci aux internautes pour leur aide précieuse
Olivier Cabanel
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