Mort de Thatcher : ni fleurs ni couronnes !

mardi 23 avril 2013.
 

Margaret Thatcher est décédée lundi 8 avril. Elle sera enterrée aux frais de l’Etat qu’elle détestait. J’espère que le ministre Victorin Lurel nous donnera une nouvelle fois des nouvelles de l’état du cadavre comme il l’a fait pour Chavez puisqu’il paraît que c’est là un commentaire normal. Je dis Victorin Lurel car qui d’autre pourrait y aller ? Je n’imagine pas que ce soit notre glorieux nouveau président, ou son impressionnant premier ministre qui fassent le déplacement pour honorer la dépouille de l’ennemi. N’ont-ils pas répondu à qui les interrogeait sur leur absence à Caracas pour les funérailles de Chavez qu’ils « n’avaient pas programmé la mort de Chavez » ! Ne me dites pas que ces deux aigles avaient prévu celle de Thatcher ! Pour ma part, j’ai réagi sur Twitter en disant qu’elle découvrirait en enfer ce qu’elle a fait aux mineurs. Les jabots à dentelles se sont offusqués. Je persiste et signe.

Les précieuses personnes se sont offusquées de la « violence » de ma réaction. Une indignation de commande certes. Mais je veux montrer ce qu’elle couvre. « On ne dit pas de mal des morts ». Surtout si ce sont des femmes, ont précisé certains. Exquise délicatesse ! Pourtant la même réserve ne s’était pas notée au décès d’Hugo Chavez. Certains ont même fait des remarques sur l’état de son cadavre, comme je viens de le rappeler. Donc le respect dû aux morts devrait nous faire oublier qui était cette brave dame ? Il ne faut pas y compter de ma part. Pour moi, avant tout, elle est l’amie publique du général Pinochet, l’ignoble dictateur chilien qui fit torturer et massacrer trois mille des nôtres. Elle le remercia pour son action et elle le choya tout au long de sa vie. Cela seul suffirait pour aller cracher sur sa tombe. Les mêmes commentateurs qui revenaient tous les trente secondes sur la présence d’Ahmadinejad aux obsèques de Chavez passent pudiquement en silence sur cette amitié pourtant publiquement assumée. L’ignominie de la madame ne s’arrête pas là. Faut-il rappeler que cette femme considérait l’ANC de Nelson Mandela comme une « organisation terroriste » ? Faut-il oublier qu’elle soutenait le pouvoir en place pendant le régime d’apartheid ? Doit-on oublier son agression contre les Malouines argentines ? Faudrait-il saluer sa complicité politique avec ce crétin borné de Ronald Reagan qui fit descendre de leur tour de contrôle, les fers aux pieds, les contrôleurs aériens en grève ? Non pas question. La lutte continue dans les cimetières, c’est la leçon des funérailles de Chavez ! La dame est surtout la fondatrice de la politique ultra-libérale qui est en train de détruire l’Europe et qu’elle pratiqua avec une férocité d’illuminée pendant onze longues années dans son pays qu’elle dévasta. Faut-il rappeler qu’elle a laissé mourir le prisonnier républicain irlandais Bobby Sands après soixante-six jours de grève de la faim ? Le 5 mai prochain sera aussi l’anniversaire de ce meurtre. Face aux oublieux et pleurnicheur de commande j’ai décidé de me souvenir avec rancune et malédictions de ce qu’elle a fait aux mineurs anglais. Fermant les mines « pour l’exemple » elle décida d’affronter le secteur le plus organisé de la classe ouvrière anglaise. Des milliers de mineurs grévistes furent alors sauvagement maltraités, leurs piquets de grève violemment brisés par la police qui les pourchassait jusque dans les bois alentours. Et ce n’était là qu’un premier pas dans la longue entreprise de démolition des syndicats qui lui servait de feuille de route : elle considérait les charbonnages comme une répétition générale de son projet politique. Elle voulait en faire un exemple. En s’attaquant au secteur dans lequel le syndicat était réputé invincible, elle voulait montrer que rien ne devait résister à la loi libérale. Tout cela pour qu’aujourd’hui la Grande Bretagne importe une grande partie du charbon dont elle a besoin ! Croit-on que les Anglais se réjouissent des privatisations, de la suppression des aides sociales, de la dévastation du système de santé qui sont la grande œuvre de Thatcher ?

Depuis 1985, près de 230.000 mineurs ont perdu leur travail et 165 mines ont été fermées par le gouvernement de Thatcher. L’hommage du Front national, ennemi viscéral des syndicats de classe n’en est que plus notable quand il décide de « saluer la mémoire d’une dirigeante de convictions profondément attachée à la souveraineté de son pays. »

Quant à nous, nous devons nous sentir plus proches des mineurs qui se réjouissent par provocation aujourd’hui de voir disparaître celle qui a ruiné leurs vies. A l’annonce de sa mort, David Hopper, le responsable régional du syndicat des mineurs dans le nord-est de l’Angleterre a fait cette déclaration qui va écœurer les bienpensants : "Je bois un verre en ce moment précis. C’est un jour merveilleux. Je suis ravi. C’est mon 70e anniversaire aujourd’hui et c’est l’un des meilleurs de ma vie. Thatcher a fait plus de mal dans le nord-est que qui que ce soit d’autre. Il ne s’agit pas seulement des mines de charbon. Elle a entrepris de détruire les syndicats. Elle a décimé l’industrie, détruit nos communautés. L’Angleterre importe maintenant 40 millions de tonnes de charbon chaque année. C’est absolument scandaleux. Nous essayons d’organiser une fête tous ensemble le jour de ses funérailles. Il n’y aura pas beaucoup de larmes qui vont couler pour elle par ici. Je ne pense pas non plus que beaucoup regarderont les funérailles à la télé, ils regarderont sans doute du foot. »

Comme nous, le réalisateur Ken Loach ne pleurera pas Thatcher. Voici sa réaction : « Margaret Thatcher fut le premier ministre le plus diviseur et destructeur des temps modernes : chômage de masse, fermeture d’usines, des communautés détruites, voilà son héritage. Elle était une combattante et son ennemi était la classe ouvrière britannique. Ses victoires, elle les a obtenues grâce à l’aide des figures politiquement corrompues du Parti travailliste et de nombreux syndicats. C’est à cause des politiques mises en place par elle que nous sommes aujourd’hui dans cette situation. D’autres Premiers ministres ont suivi son exemple, notamment Tony Blair. Elle a tiré les ficelles, il fut sa marionnette. Souvenez-vous qu’elle a qualifié Mandela de terroriste et qu’elle a pris le thé avec Pinochet, ce tortionnaire et assassin. Comment lui rendre hommage ? En privatisant ses obsèques. Faisons jouer la concurrence et allons au moins offrant. C’est ce qu’elle aurait fait. » La bonne société des muscadins et merveilleuses n’a pas fini de s’indigner de nos mémoires tenaces et de nos vindictes argumentées. Margaret Thatcher était une grotesque gargouille réactionnaire, criminelle et fanatisée. Quand on lui demandait ce qu’elle considérait comme sa plus grande réussite, elle plissait des yeux de plaisir pour répondre « Tony Blair ». Nous ne la pleurons pas. Nous ne la regrettons pas.


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