Martine, caissière à Carrefour, élue CGT, suicidée suite au harcèlement moral de sa direction, rétablie dans ses droits

mardi 5 mars 2013.
 

Martine, caissière à Carrefour, avait 16 ans de boite presque jour pour jour quand elle avait été retrouvée dans un état comateux dans les toilettes du magasin, le 14 juin 2010.

Elue CGT elle ne supportait plus la pression de son encadrement. Heureusement sortie à temps du coma et soutenue par son syndicat, elle a trouvé la force de reprendre le combat et de poursuivre son employeur en justice. Les prud’hommes viennent de trancher : le harcèlement est reconnu et il en coûtera 15 000€ à l’enseigne.

Le géant de la distribution avait bien tenté une QPC, question prioritaire de constitutionnalité pour échapper aux prud’hommes : raté ! La QPC a été rejetée et le tribunal a donc pu se saisir de l’affaire.

La plainte au pénal ayant été classée sans suite, Carrefour pouvait cependant être confiant et aborder l’audience tranquillement. Le jugement qui est tombé vient de démontrer à l’employeur CARCOOP (nom du magasin local de l’enseigne) qu’il avait tort.

1) Déclaration de la CGT de Carrefour

Ce jeudi 15 février 2013 le conseil des prud’hommes de Moulins, sous la présidence d’un juge départiteur, vient de rétablir dans son droit et son honneur, notre collègue Martine.

Accompagnée et soutenue par notre organisation syndicale, elle avait porté devant la juridiction du droit du travail un ensemble de demandes liées aux conditions de travail que lui imposait notre employeur. Le processus de harcèlement moral a été reconnu, ainsi que le paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu’elle a subi.

Le conseil des prud’hommes a également considéré que l’attitude de la société Carcoop a causé un préjudice moral indirect au syndicat CGT intervenant au procès (UL de Moulins, UD de l’Allier et la Fédération du commerce), qui s’efforce depuis plusieurs années de défendre les intérêts de leurs syndiqués pour éviter que de tels faits se produisent. Notre société a été condamnée à verser à ces différentes structures des dommages et intérêts en réparation de leurs préjudices distincts. Il est incontestable, que ce n’est que justice au regard des éléments de faits produits par Martine en soutien à ses demandes.

Nous nous sommes toujours battus contre la souffrance au travail et il est hors de question que notre syndicat baisse sa vigilance sur les conditions de travail de l’ensemble nos collègues.

Bien sur il faudra encore beaucoup de temps pour Que Martine se reconstruise complètement, mais le fait de passer de coupable au statut de victime apaisera sa souffrance.

C’est une belle victoire contre l’injustice et l’intolérable. Nous ne pouvons que saluer le courage et la force dont a fait preuve Martine face au procès qu’elle s’est imposé. Elle vient d’être rassurée.

Encore merci à tous ceux qui ont soutenu Martine.

2) Jugement des prudhommes

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le harcèlement moral

Aux termes des articles L.1152-1 et suivants du code du travail, le harcèlement moral est constitué indépendamment de 1’intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet la dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel.

Il n’est pas nécessaire qu’il s’agisse de faits constamment répétés sur une longue période démontrant un acharnement caractérisé sur un salarié, ni qu’ils soient intentionnels.

Il appartient au salarié d’établir la matérialité de faits précis et concordants constituants selon lui un harcèlement que les juges doivent apprécier dans leur ensemble. Si la présomption de harcèlement est suffisante, il appartient alors à l’employeur de démontrer que ces faits ne sont pas constitutifs d’un harcèlement.

Il convient pour apprécier les faits dont Madame G se dit victime, de rappeler tout d’abord qu’elle était une représentante de la CGT, syndicat particulièrement actif au sein du magasin CARREFOUR de Moulins, et était de ce fait plus exposée que certains de ses collègues.

Il n’est pas démontré qu’elle ait eu des soucis d’ordre personnel susceptibles d’avoir influé sur son geste malheureux.

On notera ensuite, qu’il ressort tant des attestations versées aux débats par elle, que de l’expertise réalisée à la demande du CHSCT à la suite de la tentative de suicide de Madame G, qu’existait au sein du magasin au moment des faits, des relations tendues et conflictuelles avec la direction, de nombreux salariés faisant état de pression, de sanctions injustes et d’acharnement sur certains d’entre eux. Cela se traduisait par une perte de confiance, le sentiment de manquer de soutien et le développement du stress.

Outre, l’attitude pour le moins discourtoise du directeur, Monsieur TRUCHOT lors d’une réunion du CHSCT qui s’est déroulée le 3 mars 2010, qui s’est emporté à son encontre alors qu’elle défendait le cas d’.une salariée, et l’a traitée, devant témoins de "limitée", Madame G a fait l’objet dans ce contexte de 1’envoi de trois lettres dites de sensibilisation.

Les deux premières des 15 juillet 2009 et 22 avril 2010, relatives à des écarts de caisse, la dernière, du 3 juin 2010, signée cette fois tant de la responsable de caisse, Mademoiselle P. que du directeur, Monsieur TRUCHOT, lui faisant remarquer qu’elle n’avait pas à discuter avec ses collègues après avoir pointé à son arrivée au magasin le 24 mai 201O. Elle était avertie que si un tel incident devait se reproduire, des sanctions pourraient être prises à son égard.

Il résulte des attestations produites, qu’elle est la seule à avoir fait l’objet d’une remarque de ce type, ses autres collègues prenant également le temps de se saluer, alors qu’il s’agissait d’un jour férié où l’ambiance est plus détendue, et sans qu’aucun d’entre eux n’ait été repris pour autant.

C’est à la suite de la réception cette lettre et d’un nouvel entretien avec Mademoiselle P. que la salariée, tentera de mettre fin à ses jours, en laissant le mot suivant : "Je ne supporte plus la pression, Je ne pensais pas en arriver la 1 jour. Les courriers, les insultes par la direction ça suffit il n y a pas d’issu ils veulent que nous sommes des soumis. J’essaie pourtant de faire mon W au mieu mais je suis tellement nul que je ne fait rien de bon."(...)

Cette attitude de la responsable de caisse et du directeur, était incontestablement de nature comme on pourra d’ailleurs le constater par la suite, à constituer une dégradation des conditions de travail de Madame G. qui, alors qu’elle avait 16 ans d’ancienneté, n’avait jamais fait auparavant l’objet de remarque de ce type ou de sanction disciplinaire, et à porter suffisamment atteinte à son état de santé pour qu’elle tente de mettre fin à ses jours en laissant un message on ne peut plus explicite.

Le fait que Madame G. ait fait partie du CHSCT et en se soit pas plainte de souffrance au travail, n’est pas non plus probant puisque l’on sait que dans une telle hypothèse, la souffrance peut être telle qu’elle ne permet pas toujours au salarié, même particulièrement sensibilisé, d’en faire état surtout comme quand en l’espèce, il se sent totalement dévalorisé.

Madame G. ayant été victime d’un harcèlement moral au sein de son entreprise, est bien-fondée à obtenir l’indemnisation du préjudice subi.

Il lui sera alloué en réparation la somme de 15.000,00 €. (...) Sur les demandes des syndicats

Aux termes de l’article 1.2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice pour exercer une action purement collective dès lors qu’il est porté atteinte à l’intérêt collectif qu’ils représentent.

Ils peuvent donc intervenir volontairement dans le cadre d’une procédure relative à un harcèlement moral, d’autant qu’en !’espèce, elle concerne 1’un de leurs membres.

Ils produisent leurs statuts et des pouvoirs spéciaux ; Leurs demandes sont donc recevables. L’attitude de la société CARCOOP a causé un préjudice moral indirect aux syndicats intervenants qui s’efforcent depuis plusieurs armées de défendre les intérêts de leurs adhérents pour éviter que de tels faits se produisent.

Il leur sera alloué à chacun une somme de 150,00 € à titre de dommages-intérêts.

PAR CES MOTIFS

Le Conseil de Prud’hommes de Moulins, section COMMERCE, statuant en formation de départage, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

DIT que Madame Martine G. a été victime de harcèlement moral,

CONDAMNE la SAS CARCOOP à lui payer une sorrune de 15.000,00 € (QUINZE MILLE EURO) à titre de dommages-intérêts de ce chef,

DÉCLARE recevables les interventions volontaires de l’UL des syndicats CGT de Moulins, de l’UD CGT de l’Allier et de la Fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services,

CONDAMNE la SAS CARCOOP à payer à l’UL des syndicats CGT de Moulins, de 1’UD CGT de 1’Allier et de la Fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services, la somme de 1500,00 € (MILLE CINQ CENTS EURO) chacun en réparation de leurs préjudices,

CONDAMNE la SAS CARCOOP à payer à Maître Patrice TACHON, une somme de 1.200,00 € (MILLE DEUX CENTS EURO) au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

CONDAMNE la SAS CARCOOP à payer à l’UL des syndicats CGT de Moulins, de l’UD CGT de l’Allier et de la Fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services, la somme de 150,00 € (CENT CINQUANTE EURO) chacun en application de l’article 7OO du code de procédure civile, »


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