Parisot fait la loi, Hollande la signe

lundi 11 février 2013.
 

Sans polémique ni caricature, il est clair que Parisot fait la loi et que cela augure de ce qui devrait se passer pour les suites de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013.

Cet accord a été signé par des syndicats minoritaires chez les salariés. Les chiffres officiels des élections aux Comités d’entreprises (CE) et dans les très petites entreprises (TPE) nous le confirment. La CFDT, la CFTC et la CGC réunies ne représentent qu’entre 28 et 38% des salariés et la CFTC risque même de perdre sa qualité de syndicat représentatif. Ces organisations sont encore moins représentatives dans les catégories les plus en difficulté, dans les TPE, chez les précaires et les chômeurs.

Alors qu’on nous parle de « démocratie sociale » et de reprise de la négociation, c’est en fait un groupe d’experts syndicaux qui changerait la vie de millions de salariés par des discussions en catimini.

Ils auraient, disent-ils, obtenu du patronat d’importantes concessions sur la seule base de leur capacité à négocier. Et cela, sans mobilisation, sans rapport de force... car ces modernes experts savent qu’il n’existe pas de lutte des classes !

Le résultat ne souffre aucune contestation ! Pour les salariés : des promesses, si l’évolution de la situation et des négociations futures le permettent. Mais, pour le patronat : des avantages immédiats et bien réels.

Il faut un Laurent Berger - technocrate syndical CFDT élevé dans le sérail social-libéral - pour estimer sur LCI que l’accord sur la sécurisation de l’emploi du 11 janvier permet des plans sociaux plus avantageux pour les salariés. Même le Nouvel Obs en doute. En fait, ces plans sociaux visent uniquement des gains boursiers. Aujourd’hui, Hollande et ses ministres nous expliquent qu’il faut « respecter fidèlement » et transcrire sans rien changer l’accord dans la loi pour récompenser le « courage » des signataires. Le ministre du travail Sapin, prétend même interdire aux parlementaires de voter des amendements qui « dénatureraient » le texte !

Refuser le pouvoir du patronat et des libéraux

Si le Parlement suivait cette voie, les élus prendraient la lourde responsabilité d’une régression sociale, d’une régression des droits et d’une régression démocratique sans précédent.

Régression sociale, au travers des accords d’entreprises dits « de maintien dans l’emploi ». Avec le titre 3 « donner aux entreprises les moyens de s’adapter aux problèmes conjoncturels et de préserver l’emploi », ce sont des garanties sur les salaires et sur les conditions d’emploi qui disparaitraient au nom du « il faut faire des efforts ».

Régression des droits également. Alors que pour garantir l’égalité des droits, la loi l’emporte sur les accords - qui ne peuvent être que plus favorables -, c’en serait fini pour des domaines importants comme le contrat de travail. De même, alors que le salarié pouvait saisir la justice pour faire valoir ses droits, aujourd’hui des dispositions de l’accord permettraient au patronat de gagner une relative mais réelle « immunité judiciaire pour les entreprises » comme le dit le Syndicat des avocats de France.

Régression démocratique enfin car le législateur devrait ainsi renoncer à établir la norme et se plier aux règles que fixent quelques représentants experts dont les discussions échappent au débat public.

François Hollande appelle cela « le nouveau modèle social français ». Il s’agirait là d’un sérieux recul vers un mode de gouvernance tel que le pratique l’Union européenne avec une place déterminante confiée au patronat.

Vous les entendez : Il faut tordre le coup à ces mobilisations qui inquiètent le MEDEF. Des mobilisations qui, depuis des décennies, avaient été l’outil pour façonner le droit du travail et pour protéger l’ensemble des salariés face à l’arbitraire patronal.

Vous les entendez : Il faut « moderniser » pour que les salariés et les syndicalistes « se résignent » à la subordination hiérarchique, qu’ils « respectent » les décisions de l’employeur liées à la propriété privée.

Eh bien oui ! C’est celui qui possède qui déciderait vraiment de tout !

Si cet accord devient loi, où cela nous mène t-il ?

Contrairement à ce que nous disent les experts, les médias et le gouvernement, nous ne sommes pas là dans une logique du « mieux possible » ou du « mal nécessaire », lié à une conjoncture particulière et provisoire, mais dans une logique du pire : la destruction systématique des dispositifs de tous ordres qui sont des freins au pillage organisé par les groupes financiers.

Et l’on voit déjà se profiler les prochaines cibles des campagnes patronales. L’exploitation alarmiste du rapport de Conseil d’Orientation des Retraites (COR) laisse entrevoir une nouvelle régression des retraites qui peut gravement nous inquiéter.

C’est également le cas du rapport de la Cour des comptes sur les politiques de l’emploi et l’indemnisation des chômeurs qui, sous couvert de lutte contre les inégalités, incite à des remises en cause des droits.

Il n’y a aucune raison pour que, devant les reculs successifs avalisés par la majorité parlementaire, le patronat renonce à imposer son programme : celui de la « refondation sociale » qui vise à modeler toute la société sur le modèle de l’entreprise.

Dans le prolongement des luttes contre les politiques d’austérité et par la campagne du Front de gauche qui s’amorce, nous devons mener une contre-offensive idéologique sur le fond et d’abord sur la question de l’appropriation collective et de la démocratie.

Seule la remise en cause du droit de propriété et des pouvoirs qui lui sont liés peut nous fournir le cadre d’une alternative.


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