Accord de libre-échange UE-Etats-Unis : l’ultracapitalisme pour horizon

mercredi 20 février 2013.
 

3) "Le retour du fameux marché transatlantique"

par Patrick Le Hyaric, député au Parlement européen, directeur de l’Humanité

On ne peut croire à la concordance des temps. Dans le document conclusif du dernier Conseil européen, il n’est pas seulement acté le projet d’un budget d’austérité pour l’Union européenne mais aussi des alinéas cachés au grand public qui engagent l’Union européenne à «  parvenir à une plus grande convergence transatlantique en matière de réglementation  ».

Seulement quatre jours plus tard, c’est-à-dire la nuit dernière, le président Obama, dans son discours sur l’état de l’Union, a lancé pour de bon ces négociations entre les États-Unis et l’Union européenne «  pour favoriser les exportations américaines, supporter les emplois américains…  ». «  Nous allons lancer des discussions sur un accord transatlantique global sur le commerce et l’investissement avec l’Union européenne  », a-t-il déclaré.

Nous nous rapprochons donc de la construction de ce «  marché transatlantique  », une zone de libre-échange intégral entre les États-Unis et l’Union européenne. L’objectif est de s’extraire des négociations bloquées à l’Organisation mondiale du commerce, afin de répondre à la demande du grand patronat européen et nord-américain pour relancer la guerre économique afin d’abaisser les rémunérations et les conditions de travail, les normes environnementales.

Ceci signifierait à la fois l’abolition des droits de douane et aussi un ensemble de barrières réglementaires que le capital a besoin de faire sauter pour rehausser ses taux de profit.

Un tel accord ouvrirait grandes les portes à l’importation de produits OGM, de bœuf aux hormones, de poulet traité au chlore, et aurait de redoutables conséquences sur nos industries et services, comme le montre le même type d’accord avec la Corée du Sud qui ouvre la voie royale à l’importation de véhicules sud-coréens. Et alors que notre industrie automobile est poussée à l’agonie, la Commission européenne se garde de déclencher les clauses de sauvegarde prévues en cas d’importations massives détruisant nos propres industries.

En lien avec le pacte de compétitivité et le projet d’accord sur la flexibilité, voici qu’un pas de plus serait franchi, dans la loi de la jungle de l’ultracapitalisme, avec le renoncement à nos standards de production, aux normes de santé, d’environnement – certes à améliorer et faire respecter – qui garantissent la sécurité des travailleurs et la qualité de nos productions, au profit de la suraccumulation du capital que cherchent les multinationales et les institutions financières. Celles-ci croient pouvoir contourner les dégâts de leur propre politique d’austérité qui réduit les débouchés, donc la croissance, en élargissant leur sphère de domination, d’exploitation et de spéculation sans entrave.

Au nom du «  marché ouvert où la concurrence est libre  » et après la réintégration dans l’Otan, l’Union européenne poursuit sa fuite en avant dans un projet ultralibéral qui la coupe des aspirations des peuples qui la composent. L’idée européenne serait noyée dans une zone élargie, dominée par l’imperium nord-américain, utilisant le dollar contre nos atouts industriels, agricoles et de services. Voilà un grand combat à mener.

Non au marché transatlantique  !

Patrick Le Hyaric

2) Accord de libre-échange UE-Etats-Unis : Hollande doit s’y opposer (par Jean-Luc Mélenchon)

Angela Merkel s’est prononcée ce vendredi 1er février pour « avancer dans les négociations sur un accord de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique ».

Ce projet de Grand Marché Transatlantique avance depuis des années dans le dos des peuples. Angela Merkel assume enfin ce projet ultralibéral et atlantiste.

Un tel accord constituerait une étape de plus dans la faillite libre-échangiste de l’Union Européenne. Il sonnerait aussi l’arrimage définitif de l’UE aux États-Unis.

Depuis l’élection européenne de 2009, je m’oppose à ce projet porté par les eurocrates libéraux et protégé par le silence des élites.

Qu’en pense François Hollande  ? Le président de la République française doit sortir de son silence complice sur le sujet. Il doit s’opposer à ce funeste projet.

Jean-Luc Mélenchon

1) Le Grand Marché Transatlantique ?

• Depuis 1990, les Etats-Unis et l’Union européenne ont lancé la mise en place de sommets politiques annuels et des groupes de travail techniques communs dans le but d’approfondir leurs relations bilatérales

• Lors du sommet transatlantique de 1995, le Nouvel Agenda Transatlantique est adopté. Les USA et l’UE décident d’avancer vers une zone de libre-échange euro- états-unienne harmonisée transatlantique. Les biens, les services, les capitaux, les lieux de production et les travailleurs qualifiés pourraient y circuler librement sur base du principe de la libre concurrence. Le projet de Grand Marché Transatlantique (GMT) est né.

• Les premières avancées dans le cadre de cet agenda restent à l’époque limitées à des accords partiels comme :

- le projet Atlantis (1995) : mobilité étudiante et professorale à l’échelle transatlantique avec, à terme, l’adoption de diplômes communs

- l’accord de reconnaissance mutuelle des normes et certification (1997) : accord de vérification de la conformité des produits (essais, inspection, certification) par l’Union européenne selon des normes commune (sorte d’ACAA) limité à quelques secteurs prioritaires (matériel de télécommunications, ordinateurs, terminaux de satellite, compatibilité électromagnétique, appareils médicaux, produits pharmaceutiques).

• En 2005, l’Initiative de Croissance et d’Intégration Economique Transatlantique relance le projet de Grand Marché Transatlantique. Les USA et l’UE décident d’harmoniser les standards de production, les normes de protection des consommateurs, l’accès au marché des services, le fonctionnement des marchés financiers, la politique de concurrence ou encore les droits de propriété intellectuelle.

• En 2007, la première institution du Grand Marché Transatlantique est créée. Le Conseil Economique Transatlantique (CET), en charge d’harmoniser les législations étatsuniennes et européennes appelées à devenir des normes transatlantiques est ainsi mis sur pied.

Son fonctionnement du CET est à l’image de la construction obscure du GMT : des personnalités non élues (notamment le Commissaire européen au Commerce) négocient en toute discrétion les priorités en matière d’harmonisation législative pour tout ce qui concerne le futur marché transatlantique.

Officiellement, le CET a son pendant démocratique : les Dialogues Transatlantiques qui incarnent différentes préoccupations de la « société civile » comme :

- le monde des affaires (Transatlantic Business Dialogue, constitué de multinationales),

- les syndicats de travailleurs (Transatlantic Labour Dialogue, qui réunit la CES et l’AFL-CIO)

- les consommateurs (Transatlantic Consumer Dialogue),

- l’environnement (Transatlantic Environmen Dialogue).

Dans les faits cependant, le "Dialogue" dominant est celui du monde des affaires. Les syndicats n’ont, eux, été invité qu’une seule fois à participer officiellement aux travaux du CET. Quant au Dialogue Transatlantique de l’Environnement, il a été supprimé en 2000, le gouvernement de George Bush estimant ses prises de position trop contraignantes pour les entreprises.

• Lors du Sommet transatlantique de 2010, un Groupe de Travail sur la Cyber-sécurité et le Cyber-crime est crée.

• En Novembre 2011, lors du dernier Sommet transatlantique, un Groupe de Travail de Haut-Niveau sur l’emploi et la croissance a été créé. Il est coprésidé par le Représentant étatsunien au Commerce (actuellement Ron Kirk) et le Commissaire européen au Commerce (actuellement Karel De Gucht).

Ce groupe est chargé de réfléchir à :

- l’élimination ou la réduction des obstacles traditionnels au commerce des marchandises, telles que les droits de douane et des contingents tarifaires

- l’élimination, la réduction ou la prévention des obstacles au commerce des marchandises, services et investissements

- les possibilités d’harmoniser les règlements et les normes

- la réduction ou l’élimination des obstacles non tarifaires au commerce dans toutes les catégories

- le renforcement de la coopération pour le développement de règles et de principes sur les questions mondiales d’intérêt commun

• En Juin 2012, le Groupe de Travail de Haut Niveau rendait son rapport intérimaire. Ses recommandations ne sont bien sûr disponibles qu’en anglais.

En voici un bref aperçu :

- éliminer progressivement tous les droits sur le commerce bilatéral et de tous les tarifs douanier sauf les plus sensibles dans un court laps de temps.

- mise en place négociations pour mettre fin à toutes les barrières non tarifaires et parvenir à un marché complètement intégrer

- services : alignement sur le plus haut niveau de libre échange dans les accords de libre-échange existants et résolution des obstacles à l’accès au marché. Mise en place d’un système de reconnaissance mutuelle des licences et des qualifications.

- investissement : alignement sur le plus haut niveau de libéralisation des investissements et de protection des investisseurs

- élaboration de règles commune pour les accords politiques et commerciaux qui puissent servir aussi pour les pays tiers et au niveau multilatéral dans les domaines suivants : (a) la facilitation du commerce et des douanes ; (b) la concurrence et les entreprises publiques ; (c) le marché du travail et l’environnement ; (d) les dispositions pour les petites et moyennes entreprises ; (e) le renforcement des chaînes d’approvisionnement ; (f) l’accès aux matières premières et à l’énergie.

Pourquoi ce rapport maintenant ?

Le rapport final du groupe de travail de haut niveau doit être rendu fin 2012. sur cette base, en 2013, les négociations pour parvenir à un Grand Marché Transatlantique à brève échéance seront relancées. Le sujet était d’ailleurs omniprésent dans les conclusions des deux derniers sommets européens.

Que propose le rapport Moreira ?

• Positif

- insiste sur "la protection des indications géographiques dans les échanges agricoles bilatéraux" (mais c’est pour mieux permettre le libre échange, pas pour aider à protéger l’environnement)

- " est favorable à la suppression totale des restitutions à l’exportation dans les échanges agricoles entre l’Union européenne et les États-Unis" (mais pourquoi seulement entre l’UE et les USA ?)

- " souligne la nécessité d’associer étroitement les commissions parlementaires" aux travaux transatlantiques (mais ne cite que le Parlement européen, pas les parlements nationaux…)

• Blablabla

- "insiste sur l’importance de continuer à renforcer les relations économiques transatlantiques, tout en promouvant les intérêts de l’Union dans des domaines tels que les normes en matière d’environnement, de santé et de protection des animaux, la sécurité alimentaire, la diversité culturelle, les droits en matière d’emploi, les droits des consommateurs, les services financiers, les services publics ou les indications de provenance, entre autres" (les intérêt de l’UE en la matière ? Quels sont-ils ? Quels syndicats consultés ? Quels ONG environnementales ?)

• Très discutable

- "demande l’ouverture de négociations entre l’Union européenne et les États-Unis et d’autres partenaires afin de trouver une manière de collaborer en vue de lutter contre la crise environnementale et le changement climatique ;" (ça se fait au niveau de l’ONU ça ! pas entre les Etats qui sont d’accord pour ensuite imposer leurs normes aux autres)

• Négatif

- " se félicite de la volonté affichée par les décideurs du G8 et du G20 d’ouvrir le commerce et l’investissement, d’élargir les marchés et de lutter contre le protectionnisme sous toutes ses formes"

- " se félicite du rapport intérimaire du groupe de travail à haut niveau et de ses recommandations préliminaires"

- affirme "qu’un accord global doit comprendre une ouverture ambitieuse et réciproque du marché des biens, des services et de l’investissement, et doit également se préoccuper de moderniser les règles commerciales et d’améliorer la compatibilité des régimes réglementaires"

- déclare qu’ "il serait quand même avantageux de réaliser des progrès dans de nombreux domaines, en particulier dans le démantèlement des barrières commerciales, dans l’introduction de mesures visant à améliorer l’accès au marché, notamment des investissements, dans la protection des droits de propriété intellectuelle, dans l’ouverture des marchés publics pour garantir une réciprocité totale, dans la clarification, la simplification et l’harmonisation des règles d’origine, et dans la convergence vers une reconnaissance mutuelle des normes réglementaires"

- explique qu’"il est dans le plus vif intérêt des milieux d’affaires de l’Union et des États-Unis d’éliminer les droits de douane restants"

- "donne son adhésion à l’objectif proposé par le groupe de travail à haut niveau consistant à éliminer tous les tarifs douaniers du commerce bilatéral, afin de parvenir à une élimination substantielle des barrières tarifaires dès l’entrée en vigueur de l’accord et à une élimination progressive de tous les tarifs douaniers, à l’exception des plus sensibles, dans un bref délai"

- affiche un but : "améliorer la compétitivité internationale des entreprises des deux rives de l’Atlantique" (enfin, la partie nord de l’autre côté, pas la partie Sud…)

- "souscrit aux objectifs ambitieux proposés par le groupe de travail d’évoluer progressivement vers un marché transatlantique encore plus intégré"

- est favorable à "une institutionnalisation de l’intercompatibilité entre les régimes réglementaires européen et américain (qui) faciliterait grandement le commerce transatlantique et établirait une norme mondiale audacieuse" (veut donc bien imposer ses normes au reste du monde !)

- déclare que "les normes réglementaires excessivement rigides posent des obstacles de taille aux échanges, et qu’une plus forte croissance pourrait être obtenue en les démantelant"(le texte parlait de santé et d’environnement juste avant mais on ne sait si la réflexion porte en plus sur d’autres domaines !)

- " souligne la nécessité d’éviter de créer, même par inadvertance, de nouvelles barrières aux échanges et à l’investissement"

- "accorde son soutien aux efforts déployés pour coopérer le plus étroitement possible dès le début du processus règlementaire pour l’élaboration de normes" (de là à ce que les lois soient décidées en amont par le Conseil Transatlantique il n’y a qu’un pas…déjà largement franchi malheureusement)

- déclare que " les différences en matière de réglementation et les mesures "après la frontière" constituent une entrave particulière aux échanges pour les PME" (il faudrait donc créer les mêmes règles partout, y compris impôts etc)

- innovation plus rapide en réduisant les risques et les coûts des nouvelles technologies"

- déclare "qu’accroître les échanges de services, et prendre des mesures visant à promouvoir l’investissement et les passations de marchés, devrait constituer une élément essentiel de tout accord transatlantique futur"

- "apporte son soutien à l’ambition du groupe de travail d’aller au-delà du niveau de libéralisation des services atteint par l’Union et les États-Unis dans les accords de libre-échange existants en démantelant les barrières restantes, qui existent depuis longtemps, y compris les modes de fourniture de services, tout en reconnaissant le caractère sensible de certains secteurs"

- déclare " qu’une cohérence accrue entre les réglementations relatives aux services pourrait également améliorer l’intégration du marché unique des services dans l’Union et aux États-Unis ; appelle à une meilleure coopération dans l’échange des bonnes pratiques en vue d’améliorer l’efficacité du secteur public sur le plan transatlantique"

- demande "que tous les efforts soient consentis en vue de créer des marchés numériques et des services financiers transatlantiques intégrés et véritablement ouverts"

- " demande aux deux parties d’ouvrir davantage leurs marchés publics respectifs"

- "demande à la Commission et à ses homologues américains d’envisager l’élaboration d’une disposition à inclure dans l’accord de libre-échange potentiel entre l’Union et les États-Unis, qui permettrait une future harmonisation de ces accords afin de former un accord interrégional UE-ALENA"

- affirme "son total engagement en faveur d’un système commercial multilatéral, incarné par l’OMC, qui reste de loin le meilleur garant d’un commerce libre et équitable dans le monde et qui doit demeurer la base des échanges au XXIe siècle en dépit de l’émergence d’un monde multipolaire"

- "demande, après une préparation et une consultation attentives et minutieuses, que les négociations soient ouvertes au cours du premier semestre 2013 et que l’on profite de la dynamique politique actuelle et du soutien de l’industrie afin de permettre une conclusion rapide et fructueuse des négociations"

- "demande que, une fois les négociations ouvertes, tous les acteurs concernés représentant les milieux d’affaires s’organisent de manière à offrir un soutien large et coordonné en vue de favoriser un dialogue ouvert et transparent qui permettra de faire progresser l’initiative" (parle ensuite du dialogue avec les consommateurs mais jamais un mot sur les représentants des travailleurs !)

J’ai voté contre ce texte.

Voici mon explication de vote :

Ce rapport est une ode à la création du Grand Marché Transatlantique que je combats. Il approuve sans gêne toutes les propositions du groupe de travail de haut niveau créé en Novembre dernier sans que les citoyens n’en sachent rien. alignement sur le plus libéral, mise en place d’un marché transatlantique intégré y compris dans le domaine des services et notamment des services financiers, élimination de toutes les barrières douanières à plus ou moins court terme, coopération étroite dès le début des processus réglementaires, lutte contre le protectionnisme dans toutes ses formes, ambition de mettre sur pied des "normes mondiales", proposition d’établir d’un marché intégré avec l’ALENA… Tout est là. Il ne manque rien. Sauf bien sûr l’intérêt général et la consultation des représentants des travailleurs et des parlementaires nationaux, seuls oubliés dans les fameux "dialogues" transatlantiques. Je vote contre ce texte.


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