Goodyear : nous ne devons pas être dupes des arguments de la direction

jeudi 7 février 2013.
 

Vous allez beaucoup entendre parler de Goodyear ces temps-ci. Vous allez avoir besoin d’arguments pour résister à la résignation devant une « conséquence de la crise » et du « refus de négocier » des travailleurs du site ! Jeudi 31 janvier, la direction du groupe Goodyear a convoqué un Comité central d’entreprise. Officiellement, il s’agit d’"une information aux représentants du personnel concernant la stratégie du groupe pour le site d’Amiens-Nord". En fait, Goodyear veut fermer l’usine et licencier les 1250 salariés. Mais pourquoi ? Est-ce inévitable ? Il faut argumenter !

L’usine fabrique des pneumatiques de deux sortes : des pneus pour les engins agricoles et des pneus "tourisme", c’est-à-dire pour les voitures individuelles. Comme d’habitude c’est le gros refrain de la rentabilité insuffisante et de l’atonie du marché qui nous est servi. Comme d’habitude le contexte fonctionne comme un effet d’aubaine pour justifier une opération financière. Car c’est bien une nouvelle fois un cas de licenciements boursiers. En effet, le groupe Goodyear se porte bien. Et même très bien ! Il est aujourd’hui le troisième fabricant mondial de pneus avec cinquante sites de production à travers le monde. Goodyear se vante d’avoir réalisé en 2011 sa "meilleure performance depuis 2000" avec un chiffre d’affaires de 23 milliards de dollars, en hausse par rapport 2010. Et un bénéfice de 343 millions de dollars. Le PDG de Goodyear est payé 12 millions de dollars par an. Le problème posé ? Les principaux actionnaires sont tous des fonds d’investissement américains ! Des prédateurs malfaisants et parasites !

Depuis des années, Goodyear cherche à se débarrasser de l’usine d’Amiens-Nord. Sur place, les salariés sont des têtes dures. Depuis cinq ans, ils ont systématiquement mis en échec les projets de la direction. Déjà en 2007-2008, la direction avait fait du chantage à l’emploi aux salariés. A l’époque, elle avait exigé des salariés qu’ils acceptent un "plan de modernisation" en échange de 52 millions d’euros d’investissement sur le site. Ce plan prévoyait plus de 400 suppressions d’emplois, une augmentation du temps de travail et une remise en cause de toute l’organisation du travail avec le passage en 4×8. Malgré le chantage à l’emploi, les salariés et la CGT avaient rejeté ce plan. Sur le trottoir d’en face, l’autre usine du groupe avait cédé au chantage. France 2 en a tiré un reportage à charge contre les récalcitrants. Un Pujadas rayonnant de joie l’a présenté. Certes, les raisonnables travaillent désormais 48 heures sans augmentation de salaires six jours sur sept ! Mais ils ont gardé leur boulot ! Les autres vont le perdre ! Un raisonnable s’exprime : « C’est invivable, on n’a plus de vie ! Mais que faire ? On doit nourrir nos familles. » Sourire compréhensif de David Pujadas.

En fait la direction veut briser la résistance. La direction a lancé plusieurs plans sociaux pour abandonner l’activité pneus de tourisme. Le plan présenté en 2009 prévoyait notamment 800 licenciements. A chaque fois, la justice a annulé le plan social pour absence de justification économique et donc "absence de cause réelle et sérieuse aux licenciements". Mais les multirécidivistes du délit économique n’ont pas de « peine plancher », eux. Ils sont autorisés à recommencer avec prière de ne pas se faire prendre la fois suivante. Goodyear a donc ensuite essayé de vendre l’usine à la découpe. Goodyear a ainsi tenté de vendre la partie pneus agricoles à un autre groupe américain, le groupe Titan. Mais là encore, les salariés ont mis le projet en échec. La CGT a refusé le plan de licenciements qui devait accompagner la cession à Titan. Puis ce fut le "plan de départs volontaires", qui était le plan B de la direction. Pourquoi ? Parce que le repreneur, Titan, refusait de s’engager sur les volumes de production affectés au site d’Amiens-Nord. Dit autrement, la "reprise" s’apparentait par beaucoup d’aspects à une liquidation en silence. Goodyear refilait le sale boulot à une entreprise beaucoup moins solide qui devrait payer beaucoup moins d’indemnités aux salariés à licencier. On connait le procédé pour lequel le dépeceur de Samsonite à Hénin-Beaumont a été condamné. Le journal Fakir donnait alors la parole au délégué syndical CGT de l’usine : "On devait rendre notre réponse au 30 novembre [2011], mais pour nous, c’est non ! Quand on leur demande "quel chiffre d’affaires vous prévoyez ?", ils ne savent pas ; dans leur tableau y a marqué "zéro". Zéro, pour moi, c’est une boîte fermée". Le 2 décembre de cette année-là, le patron de Titan, Maurice Taylor a confirmé que ces craintes étaient fondées. Dans Le Monde, il a déclaré : "Il aurait été préférable que Goodyear ferme toute son usine et que nous rachetions les équipements de fabrication des pneus agraires pour les produire hors de France". Voilà qui était dit. Cynique et cru !

est contraint d’assumer publiquement sa volonté de fermer l’entreprise. Si j’ai rappelé toute cette histoire, c’est pour montrer que nous ne devons pas être dupes des arguments de la direction. Ils vont être récités de tous côtés par les médias. Retenons l’essentiel pour nos conversations avec nos amis autour de nous. L’abandon du site d’Amiens-Nord ne s’explique pas par je ne sais quelle raison conjoncturelle. Il correspond à une stratégie pensée de longue date : fermer un site où les salariés sont combatifs pour aller là où la main d’œuvre est moins chère et plus corvéable. La conjoncture n’est qu’un prétexte. C’est ce qu’il faut avoir à l’esprit lorsque la direction prétend que la rentabilité du site aurait brutalement chuté de 23% fin 2012. Qui veut tuer son chien l’accuse d’avoir la rage. Si le site rencontre des difficultés, c’est que la direction a elle-même organisé ces difficultés. Selon les syndicats, elle n’a pas suffisamment investi depuis des années. Et elle a constamment privilégié d’autres sites du groupe dans l’attribution des volumes de production. Pour mieux justifier aujourd’hui la fermeture. Dites-le.


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