La Tunisie debout malgré le parti capitaliste fascisant clérical Ennahdha

mardi 1er janvier 2013.
 

Deux ans après chute du régime de Ben Ali, l’islamisme est-il sur le point d’imposer son ordre social  ?

La Tunisie, deux ans après : "Nous voulons du boulot, bande de voleurs" (titre original)

Certes, la fin du régime de Ben Ali a levé le couvercle sur une réalité  : une grande partie de la population vivant en marge du progrès et travaillée au corps par les islamistes. Une réalité bien éloignée des clichés modernistes véhiculés par la propagande de l’ex-régime. Et que certains démocrates tunisiens refusaient de voir, répétant que la Tunisie, grâce à Bourguiba, avait une longueur d’avance sur ses voisins algériens et marocains et que la greffe islamiste ne prendrait pas. Mais à quel prix  ? La modernisation autoritaire de la société entreprise depuis 1956, et surtout sous l’ère Ben Ali, mettant entre parenthèses la démocratie et le respect des droits de l’homme, n’a fait que reconduire, au fil des ans, les impasses politiques ayant permis aux courants conservateurs et rétrogrades de prospérer et d’instrumentaliser, au nom de Dieu, la détresse sociale du plus grand nombre à des fins politiques.

Exploitant la division des partis progressistes et laïcs, dont une bonne partie venait à peine d’être créés, les islamistes d’Ennahdha, dont la force reposait sur leur réseau d’associations caritatives, les mosquées et des ressources financières considérables, n’ont eu aucun mal à s’imposer sur le terrain, raflant, en octobre 2011, 40 % des sièges à l’Assemblée constituante. Mais, ne disposant pas de la majorité, ils ont été contraints de s’allier à deux formations de centre gauche, Ettakatol (le Forum démocratique), de Mustapha Benjaafar, actuel président de l’Assemblée constituante, et le Congrès pour la République (CPR), du président Moncef Marzouki, pour former un gouvernement. Et ce tout en feignant de renoncer à imposer la charia comme principale source de la législation.

Choyé par les États-Unis, Ennahdha est, aux yeux de l’Occident capitaliste, une force fréquentable à montrer en exemple  ! Au mieux, un parti de centre droit, genre démocrate-chrétien, au pire un parti islamo-conservateur, mais pas du tout de type messianique, comme se plaisent à le présenter certains commentateurs. En vérité, Ennahdha, parti de riches, n’a jamais renoncé publiquement aux fondamentaux politico-religieux qui sous-tendent sa stratégie de conquête du pouvoir.

Un an après la victoire électorale des islamistes, une grande partie des Tunisiens réalisent qu’ils n’ont pas tenu leurs promesses d’amélioration sociale  : pouvoir d’achat en baisse, taux de chômage de plus de 20 %, taux de pauvreté avoisinant les 25 %, un secteur touristique, faisant vivre plus de deux millions de Tunisiens, en berne. Qui plus est, la croissance ne sera pas au rendez-vous en 2013  ! «  Depuis ce matin, j’ai du mal à vendre. Il y a de moins en moins d’acheteurs  », se plaint ce poissonnier du port de la Goulette. Une antienne que l’on entend un peu partout. Aussi, rien de surprenant qu’en novembre et décembre, le ressentiment et l’exaspération des laissés-pour-compte, des chômeurs et des couches pauvres de Siliana, Sidi Bouzid, Kasserine, Gafsa, scandant  : « Nous voulons du boulot, bande de voleurs », s’expriment dans la rue sous forme d’affrontements violents avec les forces de l’ordre  !

Avec en toile de fond :

- une multiplication des agressions contre les femmes,

- une multiplication des agressions contre les rassemblements des partis de gauche,

- le saccage des sièges syndicaux de l’UGTT, à l’intérieur du pays mais aussi à Tunis même, œuvre d’une organisation, les Ligues de protection de la révolution, affiliées, dit-on, au parti Ennahdha, et qui n’ont jamais été inquiétées.

C’est dans ce contexte que le syndicat UGTT a appelé à une grève générale pour le 13 décembre, pour exiger la dissolution de ces milices, avant d’y renoncer, par crainte de ne pas être en mesure de contrôler la situation. «  Dans un contexte de division des forces progressistes et de tensions extrêmes, les milices islamistes auraient pu exploiter la situation et pousser au chaos  », explique un syndicaliste. C’est d’ailleurs l’argument avancé par le secrétaire général de la centrale syndicale, notamment la situation sécuritaire dans le nord-ouest tunisien – accrochages avec des groupes islamistes armés entraînant la mort d’un gendarme. La crainte d’un scénario à l’égyptienne a également conduit le gouvernement à s’engager par écrit à prendre des mesures pour assurer la sécurité dans le pays.

Pour autant, en dépit de ce qui s’est passé l’été dernier – multiplication des incidents, aussi spectaculaires que violents, sur fond de surenchère identitaire et religieuse, faisant craindre le pire –, mais aussi pas plus tard que mardi, où la réunion du parti Nidaa Tounes, à Djerba, a été attaquée par des nervis islamistes, la Tunisie ne donne pas l’image d’un pays sombrant sous la coupe des fanatiques. L’affirmation, véhiculée par des médias européens, que des milices salafistes ferment les débits de boissons alcoolisées, intiment aux femmes le port du voile ou interdisent aux couples et aux femmes de s’attabler aux terrasses des cafés du centre de Tunis, est exagérée. Les femmes, notamment, occupent l’espace et se battent pour faire valoir leurs droits comme en cette soirée d’août, en plein mois de jeûne du ramadan, où elles étaient plusieurs milliers à défier les islamistes en manifestant dans le centre de Tunis. Elles sont loin de raser les murs comme s’ingénient à l’assurer ces mêmes médias.

Hassane Zerrouky, L’Humanité


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