Nicolas Sarkozy Dérives communautaristes et remise en cause de la loi de 1905

vendredi 2 février 2007.
 

La relégitimation du rôle politique et social des églises prônée par Nicolas Sarkozy n’est pas sans danger  : elle repose sur la remise en cause de la loi de 1905, elle sape le modèle républicain français de séparation des églises et de l’Etat,elle organise de fait la promotion des mouvements sectaires et la main mise des intégristes de l’UOIF sur l’Islam de France.

La remise en cause de la loi de 1905

Dans « La République,les religions,l’espérance »,Nicolas Sarkozy suggère de modifier la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des églises et de l’État. Le point de départ de sa réflexion : la situation tout à fait particulière de la communauté musulmane en France. Alors que l’État a construit, avant 1905, de nombreuses églises et qu’il contribue encore aujourd’hui à leur entretien, l’islam, en raison de son implantation tardive, se trouve dans l’obligation de financer seul ses propres mosquées.

Il serait donc juste,selon Nicolas Sarkozy,de contourner la règle de la séparation des Eglises et de l’État afin de permettre à la seconde religion de France de disposer d’un nombre suffisant de lieux de culte. Si le constat effectué par Nicolas Sarkozy est juste, son analyse est, comme bien souvent, partielle et partiale,et surtout,ses intentions réelles vont bien au-delà d’un simple toilettage de la loi de 1905.

Son constat est juste, incontestablement. La pratique du culte musulman est encore trop souvent reléguée dans des foyers réaménagés,des appartements privés quand ce n’est pas - mais c’est heureusementdevenu l’exception - dans les caves mêmes de certains immeubles. Cette situation n’est pas digne de notre République.Aucun républicain ne peutetne doitse résoudre à choisir entre des mosquées financées par des pays étrangers représentatifs du fondamentalisme le plus archaïque et des lieux de culte insatisfaisants et source de frustration. Cette situation n’est pas non plus conforme à l’esprit de la loi de 1905,etnotamment de son article 1er selon lequel « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes ».

Nicolas Sarkozy ou l’apologiste du modèle communautariste religieux

Mais l’analyse de Nicolas Sarkozy est partielle et partiale.Elle insiste exclusivementsur l’identité religieuse des communautés étrangères installées sur le territoire français. Elle élude la ghettoïsation de certains quartiers de nos banlieues,la discrimination à l’entrée des boîtes de nuit, la récurrence des contrôles d’identité, les diplômés d’université exclus du marché de l’emploi pour délit de faciès, les lycéens de l’enseignement professionnel ne trouvant pas de stages faute d’entreprise pour les accueillir, les candidats locataires d’origine africaine, antillaise ou maghrébine recalés par des propriétaires racistes ou la politique des quotas des organismes HLM. Ne pas parler de ces situations,limiter l’analyse à la seule question des lieux de culte,c’est occulter les vrais défis posés aujourd’hui à notre politique d’intégration, dont l’échec, ne nous y trompons pas, ne pourrait que continuer à faire le jeu de tous ceux qui souhaitentprôner le repli identitaire au sein de la République.

Fondamentalement - et c’est là qu’est notre différence avec Nicolas Sarkozy - nous voulons tout donner aux enfants de l’immigration en tant que citoyens. Car ils sont citoyens beaucoup plus et bien avant que d’être musulmans.C’est,au mieux, se donner bonne conscience que de réduire l’intégration au fait religieux, de réduire nos concitoyens à leur religion héritée : pour reprendre le décompte paroissial de M.Sarkozy,il n’y a pas « cinq millions de musulmans » pratiquants. L’angoisse existentielle sur la perte de sens du « vivre ensemble  » est bien réelle mais la réponse apportée par le candidat de l’UMP ignore que le lien social et le sens de la solidarité se nourrissent autant,voire dans les faits beaucoup plus, des engagements au service des autres - qui apportent du sens, de l’espoir et de la convivialité dans les quartiers - que de la religion.

La réponse au malaise qui s’estinstauré entre la France etles immigrés ou supposés tels,estdonc ailleurs : dans la réalisation de l’idéal républicain d’intégration. Un idéal constitué de devoirs pour les intéressés et la République.

De devoirs pour les intéressés car nul ne peutéchapper aux lois de notre République qu’elles concernent la laïcité,l’égalité des droits ou le statut de la femme, égal à celui de l’homme. Cela a justifié le vote de la loi sur l’interdiction des signes religieux dans les établissements scolaires.

De devoirs pour la République car chacun a le droit de revendiquer à son égard l’application des valeurs républicaines de liberté,d’égalité et de fraternité. Trois mesures doivent être prises de manière désormais urgente.

La première : accorder enfin aux étrangers le droit de vote à chaque fois que la souveraineté nationale n’est pas en cause,c’est-à-dire pour les référendums locaux, les élections municipales, cantonales et régionales.Ainsi mettrions nous fin à ce paradoxe qui autorise un lithuanien en France depuis six mois à participer à une élection municipale alors qu’un algérien ou un sénégalais présents sur notre territoire depuis 25 ans ne se sont toujours pas vus reconnaître ce droit !

La deuxième mesure consiste à généraliser l’expérience de « discrimination positive socio-économique  » conduite à Sciences Po à toutes les grandes écoles (polytechnique,l’ENA,l’école nationale de la magistrature, l’école normale supérieure, HEC...).Cette discrimination positive est la seule solution conforme à notre idéal républicain qui permette de relancer l’ascenseur social, aujourd’hui en panne, au profit des jeunes vivant dans les banlieues dites difficiles.

La République doit enfin - et c’est la troisième urgence
- permettre aux musulmans d’exercer dignement leur religion en favorisant le bon fonctionnement de la fondation d’utilité publique récemmentcréée etchargée de financer la construction de mosquées. Créées par décret, les fondations d’utilité publique sont des personnes morales de droit privé dotées d’un patrimoine affecté à une oeuvre. Leur financementestmajoritairementprivé mais l’État approuve toutefois leur statut et veille à leur fonctionnementdémocratique et à la transparence de leurs comptes. Ainsi,la République française aurait-elle résolu la question lancinante des lieux de culte musulman sans réviser la loi de 1905.Nicolas Sarkozy,de retour place Beauvau,n’a pu interrompre ce projet de fondation promu par Dominique L’inquiétante « rupture tranquille » de Monsieur Sarkozy de Villepin, lorsqu’il était ministre de l’intérieur, mais il n’a tout fait pour que la fondation ne puisse pas fonctionner.Et de fait,elle ne fonctionne toujours pas...

Et pour cause, Nicolas Sarkozy ne veut pas seulement régler le problème des lieux de cultes musulmans. Ses intentions vont bien au-delà :il veutnon pas toiletter la loi de 1905 mais réouvrir la question du financement des religions par les pouvoirs publics pour l’ensemble des religions et pas seulement pour l’islam : « On peut faire évoluer le texte. Il restera notammentune question à régler,qui n’est pas conjoncturelle, qui n’est pas anecdotique : c’est celle du financement des grandes religions de France »(14).

Son ambition va donc bien au-delà du seul culte musulman. Et d’insister : « Quelles sont les difficultés auxquelles nous nous heurtons ? De mon point de vue, elles concernent toutes les religions et sont de deux types :toutes ont un problème de recrutement, de formation et de rémunération des ministres du culte, toutes ont également une difficulté de financement des lieux de culte ».Sa réelle ambition est donc bien de bouleverser l’équilibre entre les religions et l’État issu de la loi de 1905.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message