Dossier "Parents d’élèves" paru dans Repère n° 120 (25 janvier 2007)

vendredi 2 février 2007.
 

Dossier thématique : Les parents d’élève

1 Non à la co-gestion des écoles, Oui à la complémentarité éducative parents-enseignants ! Par jean-François Chalot

Les différents gouvernements qui se sont succédé ont dégagé des moyens importants en faveur de la participation de quelques parents à la gestion des écoles. Il s’agissait de donner aux fédérations de parents un os à ronger et de canaliser le mécontentement des parents et des enseignants : pendant qu’ils discutent de pédagogie ils ne pensent pas à descendre dans la rue !

« Participation, piège à cons » scandaient les étudiants au début des années 70, n’avaient-ils pas raison ! IL FAUT CHANGER DE CAP ! Quand un enfant entre au cours préparatoire, ses parents sont heureux mais aussi inquiets : va t-il apprendre à lire correctement ?

Le suivi de la scolarité des enfants est indispensable, il suppose que les parents puissent à la fois connaître la méthode utilisée et disposer de quelques outils. Il est indispensable que des rencontres régulières puissent avoir lieu entre les enseignants et les parents afin qu’une complémentarité éducative puisse des créer...

C’est la loi d’orientation du 11 juillet 1975, dite loi Haby qui a donné naissance aux comités de parents

Article 14 Un directeur veille à la bonne marche de chaque école maternelle ou élémentaire ; il assure la coordination nécessaire entre les maîtres. Les parents d’élèves élisent leurs représentants qui constituent un comité des parents, réuni périodiquement par le directeur de l’école. Le représentant de la collectivité locale intéressée assiste de droit à ces réunions.

Pour mettre fin aux mobilisations massives contre sa politique, le gouvernement Giscard a pensé qu’il suffisait de mettre en place une participation des élèves et d’introduire entre les enseignants et les parents une pomme de discorde ; « la pédagogie ».

Le dispositif a permis de remplacer les AG de mobilisation parents enseignants par des conseils restreints où des notables allaient pouvoir empiéter sur les prérogatives des enseignants en discutant de pédagogie et du choix des manuels scolaires....

Au début, les comités de parents avaient un champ de compétence limité mais peu à peu, les conseils d’école, prévus dans le cadre du décret du 28 décembre 1976 vont avoir des pouvoirs accrus.

Dans plusieurs départements, comme la Haute Loire ou la Mayenne, les enseignants ont refusé d’installer les comités de parents.... Ils ont vite compris qu’au nom d’une pseudo implication des parents, il s’agissait de permettre à des potentats locaux de faire pression sur les instits...

C’était un véritable retour en arrière, du temps où les Maires pouvaient exercer des pressions sur les enseignants.

Ces enseignants, lâchés par le SNIPEGC, syndicat majoritaire à l’époque étaient-ils des fieffés réactionnaires ?

Considéraient-ils que la seule place des parents se trouvait être à la porte des établissements ?

Non et mille fois non !

Bien souvent les instituteurs qui refusaient la mise en place des comités de parents ouvraient très largement leurs classes aux parents.

Pour eux le choix des manuels scolaires et de la méthode pédagogique est de leur entière responsabilité. Par contre ils estimaient et ils estiment indispensable que des rencontres régulières parents-enseignants puissent créer une synergie éducative et permettre aux parents d’accompagner la scolarité de leurs enfants.

La loi d’orientation de Lionel Jospin du 10 juillet 1989 et le décret d’application qui sera signé l’année suivante vont étendre les prérogatives des conseils d’école .... Les enseignants, les représentants de parents , le DDEN et les représentants de la Municipalité vont pouvoir adopter le projet d’école ....

Aujourd’hui, les syndicats d’enseignants n’ayant pas été assez fermes ont laissé s’institutionnaliser les conseils d’écoles... Les parents élus ne représentent bien souvent qu’eux-mêmes, les autres et notamment les familles de milieu populaire étant complètement en dehors de ce système...

Au lieu de maintenir ces structures de co-gestion ;

Au lieu de mettre en place des projets d’écoles donnant à chaque établissement un caractère particulier et créant le risque de mettre les établissements en situation de concurrence ;

Au lieu de demander au directeur de rechercher des ressources pour réaliser le projet ;

Il faut que l’école se recentre sur son métier :

- l’instruction et l’éducation et que des heures et des moyens soient dégagés pour que les parents puissent détenir l’information et les outils nécessaires au suivi de la scolarité de leurs enfants.

Il faut que sans surcharge de travail des instituteurs et professeurs des écoles soient prévus des temps de réunions et de rencontres régulières entre les co-éducateurs que sont les parents et les enseignants.

2 Co-éducateurs ? Pas si simple. Par Isabelle Voltaire

Pour éclairer les rapports entre les parents et l’école, nous donnons la parole au rapport de l’Inspection générale d’octobre 2006 :

« En France, où le secteur public et laïque est prédominant, le contrôle par les parents des programmes scolaires est très limité, tout comme leur possibilité de contrôler les professeurs... Peu d’autres pays peuvent se targuer d’avoir su autant limiter le pouvoir des parents sur l’école de leurs enfants ».[Daniel GAYET, l’École contre les parents ((INRP 1999)]. [...]

Sur ces bases, le XIXe siècle voit se développer un débat essentiel dans lequel est abordée de façon centrale la question du « rôle des familles » : car c’est bien ici le terme qui constitue pour les opposants au système impérial le terme signifiant. Il n’est pas sans intérêt de noter que c’est vers 1830 qu’apparaît l’adjectif « familial ». La revendication bourgeoise de la liberté d’enseignement se lit comme l’affirmation du droit naturel des familles contre l’idée d’un enseignement de pouvoir public. Désormais moins préoccupée de conquête et de mérite que de conservation et d’ordre, la bourgeoisie s’attache fortement à une transmission qui est aussi privatisation : ce que l’on doit enseigner, ce sont les principes auxquels les familles tiennent. A elles donc d’en définir les contenus et les lieux de mise en oeuvre. [...]

Si l’instruction est conçue comme un bien public relevant de la catégorie politique, elle doit être diffusée en fonction de principes essentiels parce qu’au fondement de la société (école publique, laïque et obligatoire), sous le contrôle « objectivant » de spécialistes, garants de son contenu. Pour les plus engagés, l’actualisation de ce principe est permanente, comme le rappelle un récent mot d’ordre syndical : « Faites savoir aux parents qui est le maître ».

­ Pour les parents, et en termes de mémoire, l’école publique et laïque de Jules Ferry est l’idéal même en fonction duquel on lit le déclin d’un système scolaire qui ne saurait plus rien enseigner parce que ses maîtres seraient dépourvus des qualités morales de leurs prédécesseurs. Le statut de Jules Ferry en statue du Commandeur est révélateur. Il n’est pas douteux qu’il faille y ajouter, depuis vingt ans, dans la société urbaine, un effet de « patrimonialisation » : chacun recherchant ses « racines », on transforme en musées et en lieux de mémoire ces écoles rurales où sont périodiquement organisées des sessions du certificat d’études.

- Enfin, l’« extra-territorialité » de l’école et une certaine idée de la laïcité sont toujours très largement considérées comme porteuses d’un idéal de progrès et de libération, ainsi que d’un savoir émancipateur qui préserve l’élève, le maintenant loin des instances économiques et du profit aliénant. La prise de distance avec les entreprises, en particulier, relève d’une culture sans cesse ressourcée, qui nous différencie des pays partenaires européens, où l’école est fondée sur la tradition inverse, notamment par la place que tient l’apprentissage. Mais, pour les parents, comment conjuguer cela avec l’enjeu d’insertion et d’entrée dans la vie active qu’ils assignent désormais à l’école ?

Cet ensemble de traditions combinées donne un sens fort à l’école et crée d’évidence une spécificité. Pourtant des contradictions nourrissent des images opposées : le savoir du maître est à la fois un rempart pour les élèves, mais aussi la forteresse qu’il s’agit de faire tomber ; le caractère de bien public de l’école est fortement revendiqué pour son caractère égalitaire, mais en même temps se multiplient de l’intérieur (contournement de la carte scolaire) comme de l’extérieur (cours du soir, etc.) les recours à tous les moyens pour se situer de façon optimale dans la compétition scolaire et la course à l’emploi. Définie comme service public l’école peut-elle être en même temps au service du public ? Cette tension est au coeur du « modèle Vème République ».

Voilà bien décrit, à notre avis, le débat et la difficulté des attentes, des espoirs, contradictoires en partie, des parents d’élèves, des citoyens et travailleurs. Comment l’UFAL, union familiale, doit-elle et peut-elle prendre en compte ces attentes ?

Rôle institutionnel :

Depuis la loi Haby de 1975, les parents sont représentés dans les conseils d’école ou d’administration des collèges et lycées, et assistent aux conseils de classe, disposition maintenue par les lois ultérieures, Jospin en 1989 et Fillon en 2005. Ils sont aussi membres des comités techniques divers, aux niveaux ministériel, académique et départemental. Dans les conseils locaux on trouve non seulement des membres des grandes associations : Parents d’Elèves de l’Enseignement Public (PEEP, créée en 1926), Fédération des Conseils de Parents d’Elèves (FCPE, créée en 1947 à l’initiative du Syndicat national des instituteurs), mais une multitude d’associations indépendantes non affiliées ; aux niveaux supérieurs seules les grandes associations ont des élus.

Les intentions ... et la réalité des rapports entre les enseignants et les parents, individuellement ou organisés. Les textes officiels qualifient les parents de co-éducateurs avec les enseignants : Les parents d’élèves sont membres de la communauté éducative, dit l’article 11 de la loi Jospin ; la FCPE a été fondée par un syndicat d’enseignants ; il n’empêche que les rapports réels ne sont pas toujours au mieux, ni localement ni nationalement. Parmi les lieux d’affrontement institutionnel, à l’évidence on trouve les commissions d’appel contre les décisions des conseils de classe. Des cas comme celui de Pauline raconté dans ce numéro ou d’autres que l’on peut lire dans le rapport du médiateur de l’Education nationale, montrent les désaccords graves qui peuvent surgir, et que le principe de la liberté pédagogique des enseignants ne règle rien. Mais surtout, plus généralement, la contradiction entre la proclamation d’égalité et la recherche d’avantages (réels ou supposés), qui suppose implicitement le désir de traitement inégal ; le refus de l’orientation vers l’enseignement professionnel et la recherche d’une bonne insertion professionnelle... et combien d’autres comportements contradictoires chez les parents d’élèves !

Sites des associations de parents d’élèves : http://www.peep.asso.fr http://www.fcpe.asso.fr Adresse du médiateur de l’Education nationale : http://www.education.gouv.fr/mediateur

3 L’invention des parents d’élèves. Par Marie Perret

Aussi étrange que cela puisse paraître, les parents d’élèves n’ont pas toujours existé : l’école publique a longtemps vécu sans les parents d’élèves. Telle est l’étonnante conclusion à laquelle je suis arrivée en relisant les Cinq mémoires sur l’instruction publique, texte dans lequel Condorcet construit l’une des théories les plus abouties de l’école publique.

Des principes républicains jusqu’à la question du choix des maîtres en passant par celle de la pédagogie, Condorcet déploie, dans ses différents moments, le concept d’école publique. Or, force est de constater que les « parents d’élèves », s’ils existent, bien sûr, empiriquement, ne sont en rien nécessaires à la constitution du concept d’école publique. On aurait tort d’interpréter cette absence comme un archaïsme que l’évolution de l’école publique aurait heureusement fait oublier. Après tout, ce n’est qu’en 1975 que Haby « invente » les parents d’élèves, en leur donnant la possibilité d’assister aux conseils de classe et aux conseils d’administration. Certains n’ont pas manqué de s’en réjouir : l’école cessait d’être une forteresse, parents et professeurs pouvaient enfin « dialoguer », l’école allait devenir cette grande famille dans laquelle parents et professeurs seraient, pour le bien des enfants, « co-éducateurs ». Des parents au fait des nouvelles pédagogies, des professeurs plus « maternants », voilà qui devait être profitable à tous et produire la meilleure des écoles possibles.

Les esprits sont aujourd’hui chagrin : les différentes réformes qui ont institué les parents d’élèves comme pièce à part entière du « dispositif éducatif » ont exacerbé les corporatismes et transformé l’école en un lieu de conflit. Parents et enseignants se regardent de plus en plus en chiens de faïence, les premiers reprochant aux seconds leur manque de zèle et de compréhension, les seconds reprochant aux premiers leur ingérence dans leur pré-carré. Les proviseurs qui règnent en divisant ne manquent pas d’attiser les tensions. Je voudrais citer quelques exemples, très différents : les trois premiers sont tirés de mon expérience de professeur de philosophie, le dernier concerne un parent.

Je me souviens de ma perplexité en entendant une de mes collègues expliquer doctement à une mère d’élève (qui prenait des notes) comment traiter le problème des jeux vidéos à la maison, et ce sur un ton qui évoquait irrésistiblement Méni Grégoire. Mauvais esprit que je suis, je n’ai pas pu m’empêcher de demander à ma collègue si elle conseillait aussi les parents en matière d’hygiène dentaire et de relations conjugales. Je me suis entendue répondre, un peu sèchement, que les enseignants avaient aussi pour mission « d’éduquer les parents ». Ah bon, on ne m’avait pas prévenue.

Autre souvenir, plus traumatisant : lorsque j’étais jeune professeur dans un lycée de Creil, le père d’une de mes élèves a fait un jour irruption en salle des professeurs pour m’enjoindre de « retirer immédiatement le zéro que j’avais mis à sa fille » : comme d’autres élèves de la même classe, elle s’était vue ainsi sanctionnée parce qu’elle ne m’avait pas rendu un « devoir-maison ». « Vous faites ça parce que vous êtes raciste » me lança, furieux, le père, cependant que sa fille essayait de lui expliquer entre deux sanglots qu’il s’agissait d’une règle qui avait été instaurée dès le début de l’année et qui, bien sûr, s’appliquait à tous les élèves de mes classes.

Autre souvenir, plus ordinaire : j’entendais un jour une représentante de parents d’élèves reprocher, lors d’un conseil de classe, à un de mes collègues de « faire des cours trop abstraits ». Un peu étonné, mon collègue a dû expliquer pendant un quart d’heure qu’il voyait difficilement comme enseigner la physique sans faire intervenir des équations -à moins, a-t-il ajouté- d’en revenir à la physique d’Aristote. Quelques semaines plus tard, le collègue a appris la venue de son inspecteur : il est vrai que le proviseur de cet établissement était particulièrement sensible au jugement des parents...

Un dernier exemple, enfin : lorsque le secteur Ecole de l’UFAL a travaillé, l’année dernière, sur les manuels d’apprentissage de la lecture et des mathématiques (il s’agissait d’étudier les manuels les plus utilisés afin de voir ce qu’on apprenait en Cours Préparatoire et comment on l’apprenait), un membre de l’UFAL, père de plusieurs enfants, nous a fait part de sa consternation : bien qu’ayant fait des études de mathématiques relativement poussées, il était incapable, nous a-t-il expliqué, de comprendre ce qu’on demandait aux élèves dans plusieurs exercices de calcul et de numération : la logique ainsi que la finalité de ces exercices (niveau CP) lui échappaient totalement.

On peut construire, à partir de ces quatre exemples, quelques thèses. Le premier exemple montre à quel point il est nécessaire de distinguer l’éducation et l’instruction. Si Condorcet n’évoque jamais les parents d’élèves lorsqu’il construit le concept d’instruction publique, on trouve néanmoins une allusion aux familles dans le Premier Mémoire, à propos des limites du pouvoir des maîtres. Il est question, dans ce passage, d’exposer les motifs pour lesquels « l’éducation publique doit se borner à l’instruction ». Parmi ces motifs, on trouve celui-ci : l’instruction publique ne doit pas porter atteinte aux droits des parents. On mesure à partir de là la dérive à laquelle nous expose l’idée même de « co-éducation ». Faire de l’enseignant un « co-éducateur », c’est tout bonnement « blesser des droits que la puissance publique doit respecter », ceux des parents. Si les familles ne sont pas soustraites au pouvoir des maîtres, l’école devient liberticide.

Mais la réciproque est également vraie : le deuxième et le troisième exemple attestent la nécessité de soustraire l’école aux familles. Non pas aux parents comme individus, mais aux parents comme corps social. Pas plus que de la société, l’école ne saurait être un prolongement de la famille. La famille relève de la sphère privée : à l’instar de n’importe quel corps social, elle est le lieu dans lequel il est possible de nouer des liens communautaires et d’exprimer ses particularismes. L’école publique est en revanche un lieu spécifique qui requiert, pour se constituer, une mise entre parenthèses des particularismes. Mais l’école ne saurait être non plus un lieu perméable aux intérêts des familles. Imaginons -il s’agit, bien sûr, d’une pure fiction- que les parents d’élèves se constituent en groupe de pression : l’école publique cesserait alors de se régler sur ses propres principes. Elle deviendrait perméable à toutes les influences possibles et servirait alors des intérêts particuliers. Elle ne serait tout simplement plus conforme à son concept.

Faut-il en conclure que l’école n’a aucun compte à rendre aux parents d’élèves ? Le dernier exemple permet d’illustrer la thèse selon laquelle l’école publique, si elle n’est pas comptable envers les parents d’élèves en tant que corps social, est comptable envers les citoyens. Et elle l’est triplement : 1. L’école est comptable de l’égalité : elle doit être ce lieu dans lequel chaque enfant a droit aux savoirs -quelque soit son origine sociale, quelque soit son environnement familial. Ce qui suppose que l’école soit exigeante (la confrontation aux savoirs requiert du silence et du travail) et que les exigences soient les mêmes dans tous les établissements. 2. L’école est comptable de ses méthodes : la transmission des savoirs exige des méthodes rationnelles, qu’un entendement un minimum instruit doit pouvoir ré-effectuer. Si les parents n’ont pas vocation à se substituer aux maîtres, ils doivent pouvoir comprendre ce que font les maîtres. La figure de l’ « instituteur domestique », pour reprendre l’expression de Condorcet, doit être possible : il faut que les parents puissent, dit-il en substance, surveiller l’instruction des enfants en veillant sur leurs études dans l’intervalle des leçons, en les préparant à les recevoir, en leur en facilitant l’intelligence, en suppléant à ce qu’un moment d’absence ou de distraction a pu faire perdre à leur enfant. Si les parents se substituent aux maîtres, c’est que l’école publique a échoué dans sa mission. Si les parents n’entendent plus rien à ce que leurs enfants font en classe, c’est que le maître est un gourou : c’est qu’il utilise des modes de transmission ésotériques. 3. L’école, enfin, est comptable de ses maîtres : elle doit les recruter en fonction de la maîtrise de leurs savoirs (et non pas en fonction de leurs qualités psychologiques, de leurs opinions ou de leurs croyances). Elle doit leur garantir le statut de fonctionnaire, statut qui les soustrait à la pression des intérêts privés.

Les professeurs ne sont pas des « co-éducateurs » : prétendre le contraire, c’est non seulement rendre le rôle des professeurs inintelligible, mais c’est aussi autoriser les professeurs à porter atteinte au droit des familles. Les parents et les professeurs ne sont pas pour autant deux corps sociaux aux intérêts opposés : en tant que citoyens, parents et professeurs ont intérêt à ce que l’école publique soit conforme à son concept : qu’elle soit le lieu de transmission des savoirs, à partir de méthodes rationnelles, par des maîtres exigents et compétents. Car « les enfants ont besoin d’estimer la science d’un maître pour profiter de ses leçons ».

4 L’expérience d’un parent d’élève... professeur. Par Jean-Claude Santana

Une famille ordinaire, conforme à la démographie nationale : un peu plus de 1,8 enfant soit 2 marmots dont l’aînée est sortie « par le haut » du lycée voilà deux ans et dont le second sortira dans deux ans. Je ne rapporte dans ce court condensé que les moments forts de la scolarité de Pauline car son frère est de ces enfants qui traversent l’Ecole sans en être affecté, (ou infecté ?) en raison de ses très bonnes dispositions.

Mon épouse et moi même étions convaincus des bienfaits de la pédagogie Freinet, c’est pourquoi, nous avions choisi de placer notre première enfant dans une école à la pédagogie « active » : une école faisant partie du mouvement des « Ecoles Nouvelles ». C’est dans ce cadre que nous avons découvert ce qu’était la mise en œuvre d’une pédagogie Totalitaire. Notre fille, une enfant très tonique qui avait cessé de faire la sieste dès trois ans, refusait de faire la sieste forcée et devait supporter tous les jours de passer devant le Conseil des Enfants, une espèce de tribunal populaire, pour essayer d’expurger son crime. Vous l’aurez compris, sitôt que nous avons compris les dangers qui menaçaient notre enfant, nous nous sommes repliés sur l’Ecole Publique.

Là, sévissait le dogme de l’apprentissage de la lecture globale et Pauline a dû tenter d’apprendre à lire en reconnaissant l’ombre des mots... un délire pour notre fille qui appréhendait les mots de manière analytique. Devant les difficultés d’apprentissage de la lecture, Pauline sera testée et révélera un QI de 150. Ouf !! nous voilà rassurés, et Pauline apprendra à lire, compter avec sa mère.. l’Ecole ne pouvait rien pour elle. La fin de sa scolarité primaire, Pauline la fera en Polynésie, là où le lagon est turquoise malgré le corail qui blanchit sous l’effet de la pollution. Sous les tropiques règne le dogme de l’égalitarisme et pour que n’apparaissent pas de différences entre enfants de métropolitains et autochtones, les règles sont claires : pas de livre d’Ecole à la maison (tout le travail est supposé fait en classe). Pauline travaillera malgré tout avec sa maman.

Les institutrices sous les tropiques sont recrutées au niveau du bac et ont la main leste. Nous avons été témoins de méthodes « à l’ancienne » : quelques morveux servent de boucs émissaires et prennent quelques bonnes fessées... Un souvenir me revient pour l’apprentissage de l’écriture, les enfants se servent d’une règle afin de rester sur la ligne (je sais, vous allez vous demander comment on fait pour les « p, f, j.. » .. si vous voulez le savoir allez sous les tropiques.. !!

De retour en métropole, Pauline intègre le collège et là elle découvre ce qu’est la tyrannie des « camarades » qui ne supportent guère qu’un collégien soit vêtu autrement que selon les canons du moment : Les tyrans sont les « victimes » de la société de consommation : issus de quartiers « sensibles » et de la 2ème ou 3ème génération d’une population que d’aucuns qualifient « d’indigènes, victimes du néo-colonialisme de la France » qui se prolonge dans les banlieues.

Arrivent les années lycées, et quelques expériences qui nous laisseront un souvenir « impérissable » : ainsi en classe de Première Economique et Sociale option sciences politiques Pauline aura à se coltiner une collègue qui défendra la lapidation comme constituant un système de justice « équivalent au nôtre » ... Le professeur de SVT découvrira le programme de la section après un semestre et demi durant lequel elle imposera le programme de la section scientifique (résultat : les 2/3 des élèves auront moins de 8 au Bac). Enfin, Pauline, excellente nageuse, n’aura que 13 au bac, ayant eu le tort de sous-évaluer sa performance, elle réalise un temps qui devait lui permettre d’avoir 18. Egalitarisme ... quand tu nous tiens !! Ce qui compte en sport, ce n’est pas la performance, c’est de participer et surtout d’être un bon pronostiqueur.

Et les TPE !

Pauline, avec trois de ses bons camarades choisit un thème portant sur le passé industriel rayonnant de l’ex Renault Véhicules Industriels : Berliet. Très motivée par le thème (son grand père décédé était transporteur routier indépendant et avait été propriétaire d’un camion de la marque roulant au gazogène pendant la guerre..). Elle sera celle qui animera le groupe de travail, qui les conduira au musée consacré à l’histoire de cette industrie, réalisera le support audio (interview d’un membre de la famille Berliet). Cette épreuve faisait à l’examen l’objet d’une évaluation individuelle à l’issue d’un exposé durant lequel chaque membre du groupe doit être sollicité par le jury. Ce dernier est généralement constitué de professeurs de l’établissement dans lequel l’élève est scolarisé, et un tiers de la note sera donné par les professeurs qui ont suivi la préparation. Résultat des courses pour Pauline, le professeur qui défendait la lapidation comme système de justice et avec lequel Pauline s’était heurtée pour ce motif attribuera une très mauvaise note à Pauline et surtout une appréciation telle que les autres membres du jury (contre toutes les consignes ministérielles) n’interrogeront pas Pauline, en sorte qu’elle aura une note inférieure à la moyenne (seuls les points au-dessus de 10 comptent), et ses camarades auront d’excellentes notes : 16. Enfin ils useront de leur liberté pédagogique et en abuseront : l’épreuve, faute de temps ne durera pas le temps réglementaire requis. Les camarades après avoir fait un témoignage écrit sur les conditions de leur interrogation, sous la pression du proviseur et de leurs parents, se rétracteront dans leurs déclarations, empêchant ainsi tout dépôt de plainte.

Rappelons pour les non initiés que cette épreuve qui se déroulait (sous l’ancien régime du bac) en classe de terminale résultait de moyens horaires pris sur d’autres disciplines (histoire géographie), et que les organisations syndicales avaient en leur temps combattu (en vain). Depuis, cette épreuve, après une tentative avortée de suppression (combattue par les mêmes), a fait l’objet d’une réforme et elle se déroule cette année à l’issue de la classe de première.

Peut-être faut il préciser que je suis professeur, syndiqué et militant Snes, pour ne pas avoir à être taxé de parent anti prof.

Dans un prochain épisode, je vous raconterai les pérégrinations d’un parent, délégué FCPE qui a tenté d’accompagner son enfant qui était « au centre du système », avant qu’elle ne se perde à l’université.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message