Dix ? Vingt-cinq ? Une cinquantaine ? Nina ignore combien de garçons l’ont violée quotidiennement pendant six mois de l’année 1999 dans sa cité de Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). Elle avait alors 16 ans. « Des fois, il y avait tellement de monde que tout le monde ne pouvait pas passer », a résumé un de ses agresseurs présumés pendant l’instruction.
La justice a dénombré au moins 17 garçons. Quinze d’entre eux devaient comparaître à huis clos, à partir de mardi 18 septembre, devant la cour d’assises des mineurs de Créteil pour « viols en réunion » et « violences volontaires ». Ils encourent dix ans d’emprisonnement – la moitié de la peine prévue pour les majeurs. Deux autres jeunes seront jugés par un tribunal pour enfants.
Le calvaire de Nina a débuté en septembre 1999. De retour d’une séance de cinéma, elle tombe sur un groupe de garçons buvant et fumant du cannabis. Elle en connaît certains. Le plus hardi lui passe le bras autour du cou puis les autres l’encerclent. Ils la mènent au dernier étage d’une tour. Le meneur la somme alors de « coucher avec eux ». Elle refuse, en larmes. Il la frappe plusieurs fois au visage, tandis que les autres bloquent l’escalier. Le meneur la viole par pénétration vaginale et anale, puis lui impose une fellation. Les autres rient, la maintiennent. Elle rentre chez elle, prostrée. Ses agresseurs l’ont prévenue, si elle parle, ils « brûleront sa maison » et s’en prendront à sa mère et à son frère cadet.
UN ACCUSÉ : « LA FILLE, SI ELLE EST LÀ, C’EST QU’ELLE EST D’ACCORD »
Dès le lendemain après-midi, les garçons postés en bas de son immeuble lui intiment de les rejoindre. Elle s’exécute, terrorisée. Ils la conduisent dans l’appartement d’une cité voisine où ils l’abandonnent à une autre bande. Violée par plusieurs autres garçons, elle est libérée dans la soirée avec ordre de revenir le lendemain. Elle obéit « pendant une à deux semaines ». Nouveaux viols collectifs malgré ses pleurs et ses vomissements... On lui écrase une cigarette sur la poitrine, symbole qu’elle est devenue propriété de la bande. La rumeur se répand. Nina est « une pute », « une fille facile » qui éprouve « du plaisir » à ces « tournantes ». Avec elle, on peut « se vider », avec ou sans préservatif. Durant l’instruction, les accusés – qui ont nié ou édulcoré leur implication – ont martelé ces termes crus. « La fille, si elle est là, c’est qu’elle est d’accord », a estimé l’un d’eux.
Les garçons attendent leur tour, ou la violent plusieurs à la fois. Dans des cages d’escalier, un parking à boxes, mais aussi dans le parc attenant à une école. Ce jour-là, « une cinquantaine » de garçons la regardent « se faire passer dessus », dira un témoin. « Etre autant à baiser une fille, c’est abuser », reconnaîtra un autre. Nina ne se débat plus « de peur de manger des tartes ».
Les viols cesseront grâce à l’intervention d’un garçon. Regardant « par curiosité » dans les caves d’une cité de Montreuil, celui-ci a expliqué au juge avoir crié « Cassez-vous ! » au groupe abusant alors de Nina. Trois des tortionnaires ont cependant continué à la frapper au hasard de leurs rencontres dans la cité. Rouée de coups jusqu’à perdre connaissance un jour d’octobre 2005, Nina a fini par se rendre dans une unité médico-judiciaire (UMJ) qui a établi une incapacité de travail de dix jours et noté son épuisement psychologique. Elle a tout raconté, refusant d’abord de porter plainte pour viol par manque de « moyens de déménager »...
Sur ses indications, les enquêteurs ont retrouvé une autre victime présumée. Cette dernière, également adolescente, s’est constituée partie civile au procès. Elle met en cause quatre des agresseurs de Nina. Les deux jeunes femmes vivent toujours à Fontenay-sous-Bois ; tout comme les accusés, libres sous contrôle judiciaire.
Celui qui a frappé Nina en octobre 2005 aurait, peu après, proposé 500 euros à son frère cadet pour la convaincre de retirer sa plainte. Devant le juge, ce dernier a qualifié Nina de « mythomane » ajoutant ne plus la considérer comme sa sœur. Personne n’a jamais tenté d’acheter son silence, jure-t-il. Devenue obèse à force de traitements antidépresseurs, Nina, chez laquelle les experts psychiatres n’ont détecté aucune tendance à l’affabulation ni aucune pathologie mentale, est aujourd’hui reconnue invalide à 80 %.
Patricia Jolly
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