L’Europe de Karlsruhe

lundi 17 septembre 2012.
 

Les juges de la cour constitutionnelle allemande, basée à Karlsruhe, sont les vedettes médiatiques du moment. Ils émargent à la rubrique curiosité sympathique. Les titres de presse ânonnent que l’Europe et les marchés sont suspendus à la décision qu’ils vont prendre sur la compatibilité du TSCG avec la loi fondamentale allemande. Imaginons un instant que l’on attende la décision démocratique d’un peuple consulté par referendum comme ce fut le cas avec les Irlandais lors du traité de Lisbonne. Que n’entendrait-on pas sur l’insupportable épée de Damoclès d’une procédure démagogique, fauteuse d’angoisse sur les marchés ! Quelle serait la hargne des éditorialistes contre les partisans du « non » dans ce pays souverain, ingrats manipulés qui furent pourtant gavés de subventions européennes ! On se souvient comment les Irlandais eurent mauvaise presse pour crime de referendum après avoir été présentés comme les bons élèves de l’intégration européenne quand ils se livraient au dumping fiscal contre les autres pays de l’Union. Mais cette fois, le fait que le cours de la construction européenne dépende de la décision de 8 juges ne suscite aucun cri d’orfraie. Le Monde leur consacre même un papier fasciné. Vous rendez-vous compte, le public allemand ne connaît même pas leur nom ! Et de glousser : ces juges font trépigner de rage les politiques ! Merkel après les avoir traités de scorpions a tenté de se débarrasser du président de la Cour en lui proposant de devenir président du pays. Mais il a refusé cette fonction élective. Et voici la chute en forme de morale : « on n’attrape les scorpions avec des sucreries ».

L’idéologie dominante dans le nouvel âge du capitalisme austéritaire met au sommet de la pyramide des valeurs l’indépendance vis-à-vis du peuple. Il est devenu admirable de ne pas avoir de compte à rendre, sinon aux marchés, et les juges valent mieux que les élus. Cette philosophie est celle du nouveau traité qui multiplie les dispositifs juridiques pour retirer le pouvoir budgétaire des mains de la représentation populaire. Pour la pensée dominante, cela relève de l’évidence. Ce fait n’est donc ni exposé ni discuté. Aucun commentateur ne s’est ainsi étonné que François Hollande annonce la semaine dernière devant la Cour des Comptes la création d’une nouvelle autorité indépendante chargé de suivre la mise en œuvre des obligations budgétaires que nous fait le TSCG avant même que le Parlement ne l’ait adopté ni qu’il ait été informé d’un projet qui concerne au premier chef ses prérogatives. Quelle était donc l’urgence d’une telle annonce ? Les marchés ne peuvent attendre ? Ils attendent bien la décision des juges de Karlsruhe !

On voit qu’il est urgent de ressusciter l’esprit démocratique. Le réveil ne viendra ni des majorités parlementaires en place, ni des journalistes. Le mépris du peuple qu’ils sont censés servir est devenu hélas un pilier de leur autorité, un motif de superbe. Le rappel des principes démocratiques élémentaires ne peut venir que du peuple lui-même. C’est pourquoi nous avons voulu que la manifestation du 30 septembre prochain devienne celle du peuple tout entier. Cet objectif a beaucoup progressé. Cette initiative déborde désormais largement le Front de Gauche depuis que de nombreux mouvements en sont devenus les coorganisateurs. Preuve est faite que la bataille démocratique rassemble la société et entretient l’énergie créatrice que le monde mort de la finance et sa suite de courtisans s’obstine à vouloir étouffer.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message