Astérix-Bové et Obélix-Walesa

jeudi 9 août 2012.
 

Le candidat républicain à l’élection présidentielle états-unienne, Mitt Romney, s’est rendu le 30 juillet en Pologne où il a rencontré Lech Walesa. L’ancien chef de Solidarnosc lui a apporté son soutien : « Je vous souhaite de l’emporter pour le bien des Etats-Unis naturellement, mais aussi pour l’Europe et le reste du monde » a-t-il dit à l’adversaire acharné des syndicats (et du « reste du monde »).

Devenu chef de l’Etat de 1990 à 1995, Walesa y déploya une politique dure aux travailleurs. A l’élection présidentielle de 2000, il ne recueillit que 1,01 % des voix.

Walesa, c’est une sorte de José Bové qui aurait réussi son coup une fois : c’est la grenouille devenue boeuf.

Bové, lui, c’est le vert batracien devenu vipère. Il n’obtint que 1,32 % des voix aux élections présidentielles de 2007. Pourtant, à deux reprises, il a affirmé à la télévision avoir été expulsé de Cuba : « Je suis un des rares à avoir pu me rendre à Cuba pour critiquer Fidel Castro ; ça m’a été reproché, et j’en ai été chassé ».

C’était une invention à 100 % qui pouvait rapporter gros et que les médias lui pardonnent d’autant mieux qu’ils ne l’ont jamais dénoncée.

www.legrandsoir.info/Cuba­-J....

Petite note optimiste à ce billet sur Obélix-l’enrobé Polonais et Astérix-langue fourchue du Larzac : les médias qui firent de Bové et de Walesa des vedettes ont du mal avec Mitt Romney.

Bon, envoyez Obama, qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ?

Theophraste R. (Tailleur de croupières et de longues moustaches au Grand Soir).

Cuba - José Bové savate le tiers monde (par Maxime Vivas, mars 2007)

Joseph (de son vrai prénom) Bové est-il homme à utiliser les médias pour savater un pays pauvre (menacé de mort par l’Empire) si cela sert sa carrière ? La réponse est oui.

Hésite-t-il à mentir pour justifier l’agression ? La réponse est trois fois non.

Démonstration :

José Bové s’est rendu à Cuba du 3 au 7 septembre 2001 pour participer au Forum mondial sur la souveraineté alimentaire, avec 400 participants du monde entier à l’appel de Via Campesina, invité par l’ANAP (Associacion Nacional de Agricultores Pequenos de Cuba).

Le 25 Septembre 2003, lors de l’émission « 100 minutes pour convaincre », sur France 2, interrogé sur Cuba par Bernard Kouchner, José Bové esquive en répondant (de mémoire) : « J’ai été expulsé de Cuba par Castro pour avoir dit des choses qui lui déplaisaient ».

Cette expulsion, José Bové lui-même l’ignorait une seconde avant de l’inventer pour la télé.

Le 3 mars 2007 à 14 heures, dans l’émission « chez F.O.G. » sur France 5, Bové s’entend reprocher son « utopie communiste », par Jean-Pierre Jouyet, énarque, ancien directeur de cabinet de Jospin. Réponse textuelle de Joseph : « Je suis un des rares à avoir pu me rendre à Cuba pour critiquer Fidel Castro ; ça m’a été reproché, et j’en ai été chassé ».

On savait par la presse, qui en a rendu compte abondamment à chaque occasion, que Bové avait fait l’objet de tracasseries au Brésil, en Israël, aux USA, à Hong-Kong, au Québec, etc. On n’a jamais rien lu sur son expulsion de Cuba. Bizarre, quand on sait la vigilance médiatique contre l’île des Caraïbes !

Le compte-rendu final du Forum était signé de Pierre W. Johnson de l’Alliance pour un monde responsable, pluriel et solidaire qui, loin de noter le moindre incident, se félicitait du choix du pays hôte : « Cuba, un pays dont l’action dans le domaine de la souveraineté alimentaire, de la nutrition et de la santé apparaît comme exemplaire dans le contexte actuel. »

En cherchant dans les très nombreuses biographies (et hagiographies) de Bové sur Internet et sur son blog même, en lisant les livres et les innombrables articles qu’il a publiés depuis, on ne trouve pas davantage trace de cette expulsion.

Du côté des « expulseurs » cubains, on persiste, après le Forum, à parler de Bové avec bienveillance, ainsi que me le prouve Jean-Guy Allard, journaliste canadien en poste à La Havane qui me communique un article du quotidien cubain « Granma international » :

Le 17 Décembre 2001, soit deux mois après « l’expulsion », ce journal électronique publie, sous la plume d’Angèle Savino, journaliste indépendante, un long article flatteur intitulé « José Bové : le nouveau messie de l’anti-néolibéralisme ? » (www.granma.cu)

Fils d’une famille « de brillants chercheurs agronomes, José Bové est acquis très jeune au pacifisme et à l’antimilitarisme. » C’est un « fervent militant hostile à la guerre du Vietnam ».

La journaliste retrace « l’itinéraire d’un homme et d’une lutte » : « José Bové, le « porte-parole d’une agriculture anti-mondialiste [...] pourfendeur invétéré de la "sale bouffe", [...] transformé en Hérault d’une lutte globale contre la marchandisation de la société [...] Il pose les principes d’une agriculture cohérente, respectueuse des consommateurs et des paysans, soucieuse du présent comme de l’avenir. »

Après avoir loué son « action efficace au cours des manifestations de Seattle », elle conclut en décrivant le Bové que nous avons aimé : « Le nouveau messie de la lutte anti-mondialiste compte parmi les condamnés les plus soutenus de la planète : Il s’agit de liberté syndicale, d’un homme jugé pour s’être opposé à une politique, en l’occurrence la mondialisation néo-libérale, qui heurte de plus en plus les consciences, [qui] continue de lutter pour ses convictions, au risque de compliquer ses aléas judiciaires ».

Le 24 février 2003, le même journal publie sous la plume de Michel Porcheron, ancien journaliste de l’AFP, un long article empathique qui rappelait les ennuis judiciaires de José Bové en France et son cri au dernier Sommet de la Terre à Johannesburg : « Notre maison brûle ! ». L’article, citant Libération du 21 novembre 2002, se terminait ainsi : « Comme l’a fait remarquer justement un écologiste, pourquoi alors « ne pas aider un José Bové qui veut jouer les pompiers » ? (www.granma.cu)

De tels articles dans la presse cubaine cadrent-ils avec une expulsion de Bové quelques mois plus tôt ?

Première hypothèse : l’expulsion bovéienne ressemble à un phénomène incohérent et virtuel dont la vie éphémère se mesure en secondes, celles qu’il faut pour s’en prévaloir.

Premier constat : elle est circonscrite en des endroits précis : les studios de télévision hors desquels elle n’existe ni pour l’expulsé, ni pour les expulseurs.

Il y a quelques jours, j’étais à La Havane et j’ai rencontré Marie-Dominique Bertuccioli, une journaliste française qui avait couvert le forum pour Radio Havane Cuba. Des cris d’indignation lui sortent des tripes et du cœur quand je lui rapporte les propos de Bové. Son témoignage est le suivant : pendant la visite de Bové, du 3 au 7 septembre 2001, aucune déclaration anti-cubaine de Bové, au contraire, comme on va le voir, aucun départ anticipé ou forcé.

Amnésique, la journaliste ? Pas plus que l’affabulateur.

En effet, quelques mois après son retour en France, en février 2002, il publie chez Fayard un livre (« Paysan du monde ») contenant des attaques violentes contre Cuba sous forme d’un ramassis de beaufitudes de touriste en bermuda renseigné par RSF. Il y ironise sur « Le mythe alibi de l’île assiégée par les vilains impérialistes ». Il y invente une « augmentation de la mortalité infantile ». Méprisant, il s’inquiète de la « santé mentale de la population » en raison de « l’omniprésence des portraits du Che ». En fait, la mortalité infantile est la plus faible de l’Amérique latine (et de loin), ce sont les bustes de José Marti, poète, indépendantiste tué par les Espagnols, premier héros national cubain, « apôtre de la patrie » qu’on voit partout. Le Che est moins présent que dans les allées de la fête de l’Huma ou que la binette de Bové à la télé. Enfin, Bové prophétise l’avenir du gouvernement : « il va tomber » (Quand, Joseph, quand ?).

Mais nulle part il n’évoque la prétendue expulsion. Et pour cause : il ne l’a pas encore inventée.

Pourtant, son livre est une charge où il se donne le beau rôle, se pose en savant dont les propositions font ouvrir aux Cubains incultes et sous-informés « des yeux grands comme des soucoupes ». Son discours érudit sur la question foncière « a terriblement ringardisé le discours de propagande des cubains qui, bien sûr, se vantent de posséder une agriculture florissante grâce au génie révolutionnaire et anti-impérialiste de leur líder maximo ». Bové a-t-il vraiment entendu UN Cubain appeler Fidel Castro « líder maximo » ? Rappelons encore une fois que cette expression est une invention de la CIA, inusitée à Cuba. A-t-il entendu UN seul officiel cubain dire que l’agriculture est florissante ? On pourrait produire cent textes qui le démentent.

Mais la pire divagation hargneuse est dans un chapitre intitulé « Un épilogue épineux » où il nous entraîne dans un film à la James Bond dont il est le héros.

Nous sommes le 7 septembre, juste avant la clôture du Forum. « Les camarades de l’Union des coopératives souhaitent me voir. [Ils] veulent des explications sur une de mes déclarations à la presse. Je me demande bien laquelle, car je n’ai pas accordé d’interview depuis mon arrivée. » (On verra plus loin que c’est un nouveau mensonge. Il élude ainsi une interview dont il ne souhaite pas que le lecteur connaisse la teneur. Et pour cause !). Bref, il est trimballé dans une salle à part et les camarades cubains, qui n’aiment pas trop le double langage, le titillent sur une conférence de presse qu’il a donnée en France le 11 juillet, à propos du Forum et dont le texte vient de leur parvenir d’Argentine. Il y expliquait un peu comment Cuba devrait fonctionner selon lui et autres petites choses mégalo-désagréables qu’il s’est bien gardé de répéter pendant le Forum. Echaudés, les coopérateurs lui demandent à l’issue de cet « entretien cordial » (Ah ! pas de torture ?) le texte de son intervention de clôture du Forum. Ces choses-là se font, ici et là. Bové refuse. Nul n’insiste ni ne le retient. Puis il nous conte encore quelques petites tracasseries invérifiables et nous entraîne à la séance finale. Avec une audace folle, il entame son discours « bille en tête », « sans salut au líder maximo, ni Vive Cuba. » (Vive Cuba, remarquez, c’est plutôt pour la fin.).

Et voici maintenant, chaque mot étant copié dans le livre de Bové, comment il veut faire trembler le lecteur alors qu’il s’est déballonné devant Fidel Castro jusqu’à le combler d’aise :

« L’essentiel de mon discours tient en peu de mots : le XXè siècle a vu naître tous les totalitarismes ; ils se sont écroulés car ils étaient fondés sur le mensonge et les contrevérités. Il en reste un malgré tout - là, je m’interromps quelques secondes et je sens deux mille auditeurs retenir leur souffle -, le néolibéralisme ! On respire à nouveau dans la salle... ».

Plus tard, Fidel Castro parle, mais sans lui répondre (muflerie ?)

Puis, le Forum étant clos, Bové écrit qu’il « quitte l’île » (suivent des considérations bobo-bucoliques sur ce pays qui serait si beau sans la dictature castriste).

Nous lisons bien, il part de sa propre volonté, après le Forum où il a dit ce qu’il a voulu, devant Fidel Castro, sans soumettre son texte. Ni muselé, ni expulsé. Il « quitte l’île ».

A ces informations, pourtant suffisantes pour convaincre le lecteur honnête et/ou cartésien, ajoutons, en prime, la preuve par la presse.

Pendant le Forum, le 4 septembre 2001, José Bové, contrairement à ce qu’il affirme dans son livre, a accordé une interview à RADIO HAVANE CUBA qui l’a diffusée sous le titre : « José Bové confirme l’appui du mouvement des citoyens à Cuba ».

Voici le texte dans son intégralité. On y remarquera que, loin de matraquer Cuba comme il l’a fait après avoir retraversé l’Atlantique, loin de « critiquer Castro », il se montre flatteur et solidaire. Et l’on comprend pourquoi, dans son livre, Bové préfère en priver le lecteur.

« José Bové, leader des paysans français, qui participe au Forum Mondial sur la souveraineté alimentaire, a souligné dans des déclarations exclusives au service français de Radio Havane Cuba les points suivants :

José Bové : "Je crois que ce n’est pas un hasard si aujourd’hui ce débat se poursuit ici à La Havane puisque La Havane vit dans une situation de crise depuis plus de quarante ans, que Cuba est dans une situation d’embargo causé par les Etats-Unis et que cet embargo a des conséquences tout à fait dramatiques en termes d’alimentation et en termes de santé publique.

"Donc, le fait que ce débat ait lieu ici a une portée symbolique très forte parce qu’il montre que le mouvement international des citoyens aujourd’hui reconnaît et défend le peuple cubain face à cette situation.

"En même temps, le fait que ce sommet se réunisse ici a une importance au niveau des institutions internationales puisque la première réunion qui s’est tenue en 1947 pour définir le droit international du commerce en y intégrant le travail et le droit du travail a eu pour siège La Havane et que les Etats-Unis à l’époque, dix ans avant la Révolution cubaine, avaient déjà dénoncé cette réunion internationale de La Havane et décidé d’en faire une autre à San Francisco et de créer le GATT.

"Donc, aujourd’hui, La Havane a un double sens qui est à la fois la défense des peuples qui sont victimes des impérialismes et en même temps le rappel historique que le droit international doit défendre les plus faibles face aux plus forts. ». (http://stopusa.be)

Bref, en juillet 2001 à Paris, Bové attaque Cuba.

En septembre 2001, à Cuba, Bové défend le peuple cubain victime des impérialismes. Il rappelle le droit du faible étranglé par l’embargo dramatique. Pour lui, le choix de La Havane pour le Forum a une très forte portée, doublement symbolique. Il fait un discours où il prétend que le dernier totalitarisme est le néolibéralisme. Comment Fidel Castro pouvait-il s’en agacer ?

En février 2002, loin de l’île, il la caricature dans un livre.

En septembre 2003, dans une émission télévisée de grande écoute, pour ne pas avoir à formuler sur Cuba un avis d’altermondialiste, il dit que Castro l’a expulsé. Il castre son altermondialisme pour rejoindre les néo-conservateurs incapables d’éjaculer une autre semence que celle du venin dans le dos des peuples pauvres qui luttent pour leur souveraineté.

En mars 2007, il récidive alors même que personne ne lui parle de Cuba, grisé par l’acceptation généralisée du mensonge, supputant le bénéfice qu’il peut électoralement en tirer, pariant sur l’ignorance des téléspectateurs, confiant dans la complicité des journalistes et de ses interlocuteurs.

José Bové a menti parce que ses mensonges pouvaient le servir dans sa marche vers l’Elysée, quel que soit le tort qu’ils occasionnaient à un pays du Tiers monde en lutte pour sa survie depuis 48 ans, au premier rang (et longtemps seul) face à l’Empire.

Il a donc bâti, pour la télévision, une mésaventure glorieuse qui, puisqu’elle ne s’est jamais produite, a échappé à la presse, à ses hagiographes, à son blog et jusqu’à lui-même quand il écrivait son livre avant de monter sur les plateaux de télévision.

L’impunité de son premier mensonge l’a convaincu que la récidive serait aisée : les médias ne diffuseraient jamais un démenti. Bien vu !

Mais il a commis l’erreur de mésestimer le rôle des cybermédias épris de vérité, des cybermilitants et d’un lectorat qui répercute les informations avérées.

La montée des forces capables de briser l’unipolarité du monde se fait au Sud (et pas en Europe, hélas !), dans des pays convaincus, par la résistance de Cuba, que tout pays peut rester debout, hasta la victoria siempre, face au géant belliqueux, qu’il est possible de vivre hors des diktats de l’Empire, du FMI, de la Banque mondiale. Le verrou cubain a rendu l’espoir à l’Amérique latine. Les USA perdent du terrain au Venezuela, en Bolivie, au Nicaragua, en Equateur, au Brésil, en Argentine, au Chili...

Aucun dirigeant d’un de ces pays, et quelles que soient les hétérogénéités politiques, ne cracherait sur Cuba comme l’a fait Bové.

Dans aucun de ces pays, Bové ne s’aviserait de tenir un meeting public pour lire des passages de son livre sur Cuba.

Dans aucune ruelle de La Havane il ne s’amuserait à révéler aux habitants que le Che leur apporte la folie.

Devant aucun journaliste français curieux et insistant il ne pourrait persister dans la fable de l’expulsion.

Devant aucun de ses « camarades » de l’Union des Coopératives cubaines, de Via Campesina, de l’Associacion Nacional de Agricultores Pequenos de Cuba qui ont participé au Forum avec lui il n’oserait répéter son mensonge.

Si Bové n’était qu’un menteur de plus dans l’échiquier politique, on se désolerait à peine. Il n’est pas digne de pleurer en public sur ses illusions perdues. Mais ces mensonges-là, l’anticubanisme primaire de son livre, montrent que, le nez dans son épi de maïs transgénique, il a fait l’économie d’une analyse globale de la mondialisation, des logiques anti-néolibérales, des alternatives naissantes, des contextes particuliers expliquant l’organisation de chaque pays, des solidarités nécessaires, des victoires engrangées par d’autres, souvent en rangs serrés autour de Cuba (jamais contre !) pour réduire l’Empire et, par là, sauver la planète.

Ceux que cet enjeu vital intéresse n’ont que faire d’un leader autoproclamé, qui se trompe parce qu’il a passé trop de temps à se médiatiser, et qui les trompe parce qu’il veut que son vedettariat booste sa carrière politique, priorité des priorités.

Le mérite historique du Bové présidentiable aura été d’infliger une leçon cuisante à ceux qui se rangent derrière un sauveur suprême, un homme providentiel, une icône fabriquée par les médias, un électron libre. Libre, puisque affranchi des règles de la vérité due à ses électeurs et de la loyauté envers les peuples en lutte.

J’ai abandonné à La Havane mon tee-shirt : « Le monde n’est pas une marchandise. Moi non plus ». Naguère, j’avais cru diffuser un slogan. J’étais l’homme sandwich d’un affabulateur myope gâté par l’ambition.

Maxime Vivas


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