PSA : l’industrie malade de la finance et du libre échange

mardi 31 juillet 2012.
 

PSA Peugeot Citroën a confirmé un plan social qui sonne comme une déclaration de guerre : 8 000 suppressions d’emplois. Un désastre industriel qui interpelle fortement la stratégie de "redressement productif" qui a été présentée par François Hollande à la conférence sociale du 9 juillet. Plus que de manque de compétitivité, l’industrie automobile française est avant tout malade de la finance et du libre échange qui l’empêche de prendre le tournant vital de la planification écologique.

Une hécatombe préparée de longue date

On estime qu’un emploi industriel entraîne au moins trois autres emplois induits. Avec 8 000 suppressions d’emplois directs, le plan de PSA reviendrait donc à supprimer plus de 30 000 emplois dans le pays ! Les sites de Rennes et d’Aulnay-sous-Bois sont particulièrement visés. Le plan prévoit notamment la fermeture en 2014 de l’usine de Seine-Saint-Denis où travaillent 3 000 personnes. La CGT avaient révélé ce projet il y a un an. Mais la confirmation n’arrive qu’après les élections. La direction les mène en bateau. Dans un premier temps, elle avait annoncé que 1 500 salariés d’Aulnay sera reclassés à Poissy, à l’autre bout de l’Ile-de-France. Puis, la direction a ensuite annoncé qu’ils y remplaceraient les intérimaires qui, eux, perdraient leur emploi. Avant de reconnaître que le plan prévoyait aussi 700 suppressions d’emplois à Poissy. Ce plan est inacceptable. Il constituerait un désastre industriel et social insupportable. Les salariés et les syndicats ont déjà commencé à mener la lutte. Nous les soutiendrons et les aiderons autant que nous le pourrons.

La stratégie du "redressement productif" en question

L’annonce de cette saignée est intervenue deux jours seulement après la conférence sociale organisée en grande pompe par le gouvernement pour vanter le "dialogue" et la "concertation". La décision de PSA sonne comme un désaveu pour François Hollande. Lundi 9 juillet, dans son discours d’ouverture de cette conférence, il a donné une définition bien particulière du redressement productif : "Le redressement productif ne doit pas être défensif. Il doit, au contraire, permettre à la France, à ses travailleurs et à ses entreprises, de s’adapter aux changements permanents, de s’orienter vers les secteurs d’avenir et d’engager les transitions indispensables : industrielles, énergétiques, écologiques". Pourtant la première urgence est bien de défendre les emplois ici menacés.

Le "compromis positif" impossible avec le capital financier

Surtout, la situation de PSA montre combien le discours de François Hollande était coupé des réalités économiques et sociales du pays. Il a identifié "trois grands défis que nous devons collectivement relever". Reprenant les arguments des libéraux, il a d’abord cité le "redressement des comptes publics" puis la "compétitivité" avant le "chômage et la précarité". Le diagnostic de François Hollande est terriblement en décalage. Ainsi, dans son discours, il n’a pas prononcé une seule fois le mot "ouvrier" ou "usine". Pas plus que "délocalisation". Ou "finance". D’ailleurs c’est simple, il n’a pas évoqué le problème du libre-échange, de la concurrence déloyale et du dumping fiscal, social et environnemental. Et en terme de méthode il a rabâché le vieux discours sur le "compromis social positif". Jean-Luc Mélenchon a déjà démontré à plusieurs reprises sur ce blog comme dans ses livres combien cette méthode "sociale-démocrate" est illusoire dans le monde du capitalisme financiarisé. Pour arracher des compromis sociaux positifs au capital dans le cadre national, encore faudrait-il qu’il existe encore un capital prêt à de tels compromis. Ce n’est plus le cas tant en raison de l’échelle du capital, qui est transnationale, que par sa nature qui est financiarisée et donc hermétique à toute discussion sur les conditions sociales et écologiques de la production.

Le rideau de fumée de la compétitivité

Partant de là, l’horizon que propose Hollande rejoint en fait le sempiternelle discours patronal sur "la détérioration de notre compétitivité". Pour François Hollande, si notre industrie a perdu 400 000 emplois ces cinq dernières années c’est à cause "d’une mauvaise spécialisation sectorielle, d’un trop faible nombre d’entreprises exportatrices, d’une insuffisance d’innovation" mais aussi "de certaines rigidités dans la structure de nos coûts qu’il nous appartiendra de corriger". Et pour faire baisser ces coûts, Hollande reprend l’idée libérale "d’une réforme du mode de financement de la protection sociale pour qu’il ne pèse pas seulement sur le travail". Il prépare ainsi les esprits à une prochaine hausse de la CSG.

François Hollande n’a rien compris. Le problème de l’industrie française n’est pas un problème de compétitivité et de coût du travail. Sil espère regagner des parts de marchés en baissant le coût du travail en France, il se trompe lourdement. Il n’y a pas de problème de coût du travail en France, particulièrement dans l’automobile. François Hollande serait mieux inspiré de ne pas reprendre l’argumentaire patronal. Si l’on croit M. Varin, PDG de PSA, "nous avons le coût du travail le plus cher en Europe et nous produisons 44 % de notre production en France, donc il faut baisser les charges qui pèsent sur le travail de manière massive." C’est rigoureusement faux si on regarde les coûts du travail par pays dans l’industrie. Selon une enquête de l’INSEE publié au printemps 2012, une heure de travail industriel coûtait 33,16 euros en France contre 33,37 euros en Allemagne ! La France était aussi moins chère que la Belgique, le Danemark et la Suède. Et l’écart est encore plus frappant si on regarde uniquement l’industrie automobile, celle qui concerne PSA. Toujours selon l’INSEE, "dans l’industrie automobile, le coût horaire allemand est le plus élevé d’Europe. Il est en particulier supérieur de 29 % à celui observé en France : 43,14 euros contre 33,38 euros". Et pourtant, le "coût du travail le plus élevé d’Europe" n’empêche pas l’industrie automobile allemande de prospérer.

L’industrie malade de la finance

Le problème numéro un de notre industrie est le coût du capital et la financiarisation. Ainsi, on se demande où sont passés les 1,1 milliards d’euros de bénéfices réalisés par PSA en 2010, il y a à peine deux ans. Et si la situation de l’entreprise était si catastrophique, comment se fait-il qu’elle ait réalisé 600 millions d’euros de bénéfices en 2011 ? Et pourquoi a-t-elle distribué 275 millions d’euros de dividendes l’an dernier ? Pourquoi a-t-elle aussi brûlé 200 millions d’euros pour racheter ses propres actions à l’été 2011 ? Qui en a profité ? Au premier rang, c’est la famille Peugeot, en grande partie cachée en Suisse pour échapper à l’impôt qui en profite. On peut d’ailleurs s’étonner du silence du gouvernement face à de tels actionnaires évadés fiscaux. Quelle est leur légitimité pour décider du sort de nos outils industriels stratégiques ? Et de l’avenir de milliers d’ouvriers et de leurs familles ?

La prédation des actionnaires s’accompagne aussi de la prédation par les principaux dirigeants. Ainsi, le PDG Philippe Varin a quadruplé son salaire en 2010. Il l’a alors porté à 3,3 millions d’euros soit 260 ans de SMIC soit 9 000 euros par jour. Ou dit autrement 375 euros par heure. La première urgence est donc de protéger notre industrie de cette rapacité. Pour cela le Front de Gauche a fait plusieurs propositions : salaire maximum autorisé, interdiction des licenciements boursiers, taxation des revenus financiers des entreprises etc. Mais François Hollande n’a pas évoqué une seule fois cette financiarisation de l’économie qui fait passer l’intérêt immédiat des actionnaires avant tout.

Les dirigeants de PSA sont des incapables. Ceux qui viennent si souvent nous donner des leçons de bonne gestion ne savent pas gérer leurs entreprises autrement que dans leur seul intérêt. Ainsi, en novembre dernier, PSA a déjà annoncé un plan de 5 000 emplois en France dont 2 100 dans la recherche-développement. Cette décision ampute gravement la capacité d’innovation Pourtant, l’automobile est une filière qui en a et en aura bien besoin pour faire face notamment à la transition énergétique. Le plan annoncé le 12 juillet prévoit aussi un affaiblissement insupportable de la capacité industrielle de l’entreprise. Là encore, le Front de Gauche avance des propositions concrètes pour éviter ce saccage, notamment en donnant des droits nouveaux aux salariés et à leurs représentants. On pourrait par exemple mettre en place un droit de veto des comités d’entreprises sur les décisions stratégiques. Et la réflexion, l’anticipation et l’innovation doivent être organisées, structurées à long terme comme nous le proposons à travers la planification écologique.

Définanciarisation, planification écologique et protections aux frontières

C’est le troisième point des propositions du Front de Gauche. La définanciarisation et la planification écologique sont indispensables. Mais elles ne sont pas suffisantes car elles se heurteraient à une autre difficulté qui a échappé à François Hollande. Il s’agit bien évidemment du libre-échange total qui prévaut aujourd’hui au sein de l’Union européenne et entre l’Union européenne et les autres pays. Aucun "redressement productif" n’est possible sans une rupture avec cette folie qui permet d’exploiter toujours plus les travailleurs étrangers puis de réimporter des produits soi-disant à bas coûts. "Soi-disant" car le coût n’intègre ni l’exploitation sociale là-bas, ni la casse sociale ici, ni les dégâts écologiques causés par le transport des marchandises d’un bout à l’autre du globe. Le Front de Gauche fait là encore des propositions simples et concrétes, comme taxer les productions délocalisées puis réimportées ou imposer des visas sociaux et écologiques aux frontières.


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