Paraguay : un coup d’état "mal ficelé et stupide à huit mois des élections"

dimanche 15 juillet 2012.
 

En ce moment je passe pas mal de mon temps avec deux vénézuéliens hors du commun. Tous deux parlent un français parfait. Le premier est Témir Porras, ministre des affaires européennes. Un intellectuel puissant, personnage montant, dans le sillage du puissant ministre des affaires étrangères, Nicolas Maduro. Ce dernier est au cœur d’une tourmente médiatique qui implique aussi mon second partenaire quotidien du moment, l’ambassadeur du Venezuela au Brésil. Il s’appelle Maximilien Arvelaiz. J’ai déjà évoqué cet homme à plusieurs occasions dans ce blog puisque nos routes se sont croisées à de nombreuses reprises, au hasard des évènements latinos américains dans lesquels je me suis impliqué. Qualifié « d’enfant gâté de Chavez », Arvelaiz est devenu une sorte de bête noire de légende pour la presse contre révolutionnaire de ce pays. C’est-à-dire pour à peu près toute la presse. On lui reproche d’être une sorte d’agent international du Chavisme, porteur de mallettes de dollars, organisateurs de coups électoraux et stratège régional présent comme agent d’influence bolivarien partout et ailleurs. Cette mise en scène surgit à propos des suites du coup d’état qui vient d’avoir lieu au Paraguay contre un président de gauche, Fernando Lugo. Les réactionnaires du Paraguay ont fait leur jonction avec ceux du Venezuela pour essayer de retourner l’opinion internationale latino-américaine outrée par ce coup tordu qui se veut « constitutionnel » ! Peut-être en avez-vous entendu parler en France ? Mais y a-t-il de la place entre deux éructations médiatiques sur l’affaire du tueur en série toulousain ? Ça m’étonnerait. Un résumé sera donc bienvenu je suppose.

Le président du Paraguay, Fernando Lugo, a été mis en cause au prétexte de son incapacité à faire face à une tuerie entre forces de police et paysans à l’occasion d’une occupation de terres chez le responsable du parti de droite du coin. Tel quel. Le parlement a destitué Fernando Lugo en une après-midi, la cour suprême l’a entendu et jugé en deux heures. Le record du monde de vitesse de l’impeachment ! Un gros coup monté, mal ficelé et stupide à huit mois des élections. Toute la région sans exception, gouvernements de gauche et de droite pour une fois d’accord, a condamné ce putsch de la même veine et méthode que celui perpétré il y a trois ans contre Manuel Zélaya au Honduras ! Les putschistes paraguayens et les réactionnaires du Venezuela s’accordent donc en ce moment pour essayer de retourner la situation. Ils accusent le ministre Maduro et l’ambassadeur Arvelaiz d’avoir fomenté un coup d’état contre la décision de destitution ! Un comble. « C’est eux qui font un coup d’état et ils nous accusent d’en faire un parce que nous protestons contre ! » s’est exclamé Chavez devant l’assemblée nationale du Venezuela à l’occasion de la Fête de l’indépendance. Toute la fable s’appuie sur la présence sur place aux côtés de Lugo des deux hommes. En fait les deux étaient là, en même temps que leurs collègues des autres pays, envoyés en mission d’urgence sur place pour rencontrer tous les protagonistes. Le montage tourne court depuis quarante-huit heures. Nicolas Maduro, qui était accusé d’avoir appelé les soldats à désobéir, a été disculpé par les militaires eux-mêmes témoignant devant les députés. Et le procureur général du Paraguay a disqualifié les bandes vidéos produites à charge contre Maduro et Arvelaiz. Je n’entre pas davantage dans les détails. Ce qui me semble de très bon augure c’est que tous les gouvernements soient tombés d’accord pour faire échec au coup d’Etat. Les Etats-Unis d’Amérique ne sont plus si intimidants semble-t-il. Ce qui est de mauvais augure c’est que ce coup ressemble tant à d’autres récemment commis, par sa méthode, ses protagonistes et sa communication. Et qu’une fois de plus on doit déplorer un coup tordu dans un des pays que vient de visiter Léon Panetta, le proconsul nord-américain. Ce qui me plait beaucoup, c’est qu’avec Témir Porras, comme avec Max Arvelaiz j’ai l’occasion d’apprendre en direct beaucoup de choses utiles sur le maniement gouvernemental des relations internationales avec un pays voisin dangereux et paranoïaque comme l’est l’empire nord-américain.


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