Politique économique de Hollande Ayrault : un « rooseveltisme lilliputien »

lundi 16 juillet 2012.
 

La toute-puissance médiatique, c’est la dictature de l’instantané, la vérité dûtelle en souffrir – ou en mourir. Au lendemain du sommet européen des 28 et 29 juin, le tout-télé était euphorique. L’Union Européenne avait franchi un cap historique et les marchés célébraient à la hausse les perspectives radieuses qui s’ouvraient au capital. Mais une semaine plus tard, patatras ! Les marchés broient du noir et les commentaires s’assombrissent. Sans que les médias généralistes ne daignent en informer le public, déjà affligé par une météo estivale des plus moroses…

Le Monde des 8 et 9 juillet n’a pas hésité à titrer sur une pleine page : « Doutes croissants sur le sauvetage de la zone euro ». Effectivement, il y a matière à scepticisme ! Ainsi, dans une note d’analyse, les économistes d’UBS (Union des Banques Suisses) écrivent que « le communiqué final du sommet des 28 et 29 juin a donné si peu de détails qu’il est impossible de comprendre le périmètre et l’ampleur des nouveautés ». Leur collègue de Natixis, Sylvain Broyer, renchérit : « Au-delà des déclarations d’intention, il n’y a rien ». Pis : les autorités finlandaises ne cachent pas qu’une sortie de l’euro est désormais envisagée par Helsinki, tandis que le président de la CSU allemande et ministreprésident de Bavière, Horst Seehofer, prévient dans une interview accordée au magazine Stern que son parti est parvenu aux limites de son soutien au gouvernement Merkel.

Même le plan de recapitalisation directe des banques, qui avait d’abord soulevé d’enthousiasme les Bourses européennes, suscite maintenant une rafale de critiques. Ses partisans déplorent la lenteur avec laquelle se met en place le Mécanisme européen de stabilité (MES), chargé de renflouer les canards boiteux.

Berlin ayant fait de la création d’une structure de supervision bancaire européenne un préalable à toute recapitalisation du secteur, il faudra encore plusieurs mois (jusqu’à la mi-2013, dit-on à Bruxelles) avant que le MES ne distribue ses subsides. Or il y a le feu à la maison Espagne et l’incendie qui dévaste ses établissements financiers risque de se propager très vite. Taillant dans le vif du sujet, 172 économistes d’outre-Rhin, dont l’ancien président de l’Institut allemand pour la recherche économique, Klaus Zimmermann, ont publié le 5 juillet un appel à s’opposer au renflouement des banques, « qui ne fait qu’aider Wall Street et la City de Londres – et quelques investisseurs en Allemagne – ainsi qu’une poignée de banques domestiques [Espagnoles] et étrangères (…) Les dettes des banques sont presque trois fois plus importantes que les dettes souveraines, et au sein des cinq pays en crise, elles s’élèvent à plusieurs milliers de milliards d’euros ». Cette déclaration reflète bien le débat extrêmement tendu autour de la question européenne qui agite aujourd’hui l’Allemagne.

Et le gouvernement français, dans cette foire ? En grand communicant, il affiche une satisfaction qui confine à la béatitude. Au sommet du 29 juin, François Hollande n’a-t-il pas arraché le volet croissance ? – que Jean-Marc Daniel, professeur d’économie à l’ESCP-Europe qualifie cruellement de « rooseveltisme lilliputien » puisque ses 120 milliards d’euros équivalent à 1% du PIB de l’UE. Et encore : la moitié correspond à des fonds structurels inemployés, l’autre proviendrait de prêts de la banque européenne d’investissement pour des projets qui restent à définir…

C’est donc pour ce plat de lentilles que le gouvernement veut sacrifier notre droit d’aînesse budgétaire en faisant voter par le Parlement le pacte Merkel- Sarkozy. Pour un semblant de relance, on accroîtra la rigueur ! Quid du discours du Bourget et de la volonté alors affichée de lutter contre la finance ? Renflouer le système bancaire européen : oui, relever substantiellement le SMIC et les bas salaires : non !

Cette orientation-là n’est pas bonne. À l’heure où le brouillard s’épaissit en Europe, il faut cesser de composer avec le libéralisme et défendre, avec avec clarté, le bien-être et la dignité populaires.


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