Contrer le « coup d’Etat institutionnel » de la droite paraguayenne

mardi 3 juillet 2012.
 

3) Le président Fernando Lugo destitué au Paraguay

Le président progressiste paie son engagement pour les paysans contre les latifundistes. Sa mise à l’écart est un « coup d’État », relèvent les gouvernements de plusieurs pays voisins.

Le Congrès paraguayen vient d’en terminer avec l’ère Lugo, commencée il y a quatre ans. Ses adversaires ne lui auront pas laissé la possibilité de terminer son mandat, en août 2013. Fernando Lugo devait sa popularité à deux facteurs  : il avait renoncé à sa charge d’évêque pour se lancer en politique et son élection fermait la parenthèse de 
45 années de pouvoir d’Alfredo Stroessner (1954-1999), suivies par la gestion ultralibérale du parti Colorado du dictateur.

Le Paraguay reste le pays le plus arriéré d’Amérique du Sud avec une corruption quasi institutionnelle  ; de plus, l’oligarchie agricole et agroalimentaire, alliée des Colorados, a toujours présidé de ce fait aux destinées d’un pays tourné vers les cultures transgéniques. Ainsi, tout combat contre les latifundistes est cible d’attaques par le biais de la presse et de la violence des séides des partis de droite.

Fernando Lugo, désireux de conduire le Paraguay sur la voie empruntée par les pays voisins – Brésil, Argentine, Uruguay, Bolivie –, avait fait naître l’espoir chez les paysans pauvres spoliés de leurs terres et les laissés-pour-compte s’entassant dans les bidonvilles de la capitale, Asuncion. Et le président avait engagé la lutte contre l’impunité couvrant les crimes de la dictature d’Alfredo Stroessner. Ses adversaires ne le lui ont pas pardonné.

Privé de majorité au Parlement, rejeté par ses ex-pairs de l’Église annonçant sans barguigner lui avoir demandé de démissionner, l’ex-évêque avançait sur le fil du rasoir. Le Parlement, en engageant le procès politique en destitution, a tranché le fragile lien. 39 députés ont voté la décision, 4 se sont prononcés contre, confiant le pouvoir au vice-président, Federico Franco, allié des plus discutables. Le procès, de par sa forme, a été taxé par nombre d’observateurs et membres des gouvernements voisins de «  coup d’État  ». Il n’aura été accordé que 24 heures à Fernando Lugo pour préparer sa défense contre diverses accusations, telles que sa responsabilité dans l’affrontement, la semaine dernière, entre paysans et policiers s’étant soldé par 17 morts. Il s’est également vu reprocher son inefficience face à l’insécurité et son appui aux opérations d’invasion de propriétés par les sans-terre.

Le procès aussitôt connu, les présidents d’Unasur ont envoyé leurs représentants à Asuncion, où se sont déroulées des manifestations populaires de soutien à Fernando Lugo. En vain. La présidente du Brésil, Dilma Rousseff, a proposé l’exclusion du Paraguay de l’organisation, ainsi que du Mercosur. L’ex-mandataire a annoncé accepter la décision, engageant le peuple à manifester pacifiquement, ajoutant  : «  Ce n’est pas moi qui ai reçu un coup, mais l’histoire du Paraguay et la démocratie.  »

Fernando Lugo est le premier des présidents progressistes apparus ces dernières années en Amérique du Sud à être destitué  : avant lui, Hugo Chavez au Venezuela et Rafael Correa en Équateur avaient été les cibles de tentatives de coups d’État que le peuple avait fait avorter.

« Destitution de la démocratie »

Le président paraguayen destitué, Fernando Lugo, a contesté hier la légitimité de son éviction, vendredi – par un vote du Congrès –, qu’il a qualifiée de « destitution de la démocratie », mais a appelé à « manifester pacifiquement » contre ce « verdict injuste » des députés. « Ce n’est pas Lugo qui a été destitué, c’est la démocratie. La volonté populaire n’a pas été respectée », a-t-il déclaré devant quelque 500 partisans qui manifestaient dans la rue en sa faveur devant une station de télévision à Asuncion.

Gérard Devienne,

2) Communiqué du Parti des Travailleurs Socialistes d’Argentine

Après un procès politique expéditif le Congrès dominé par la droite –Parti Libéral et Parti Colorado- a voté la destitution du président Fernando Lugo. Il a été remplacé par son vice-président, Federico Franco, du Parti Libéral, qui a rompu son alliance avec Lugo depuis longtemps déjà.

Le procès en destitution a été lancé le vendredi 15 juin, à la suite de la répression sanglante qui a couté la vie à 11 paysans sans-terre (« carperos ») qui squattaient une grande propriété ; répression que Lugo a couverte puisqu’il a soutenu l’opération policière [tout en se séparant de son ministre de l’Intérieur].

L’Eglise catholique et l’impérialisme étasunien soutiennent en sous-main la manœuvre du Congrès. L’Armée n’a pas eu à intervenir puisque Lugo a accepté le verdict et sa destitution, montrant qu’il préférait se retirer et laisser le champ libre à la droite plutôt que d’en appeler à la mobilisation populaire.

Depuis qu’il est arrivé au pouvoir en 2008, en alliance avec la droite paraguayenne du Parti Libéral, Lugo a montré qu’il n’était prêt à prendre aucune mesure qui puisse remettre en cause les intérêts des grands propriétaires terriens, notamment l’oligarchie des producteurs de soja qui s’est renforcée au cours des dernières années, au détriment de dizaines de milliers de sans-terres. Sa promesse de réforme agraire avait suscité bien des illusions chez les paysans pauvres. Mais une fois au pouvoir, Lugo n’a fait adopter qu’une timide réforme qui ne touchait pas aux bases mêmes du latifundio. Cela a incité les grands propriétaires à mettre sur pied des milices et des gardes blanches afin de lancer une véritable guerre contre la paysannerie. Le dernier service que Lugo a rendu aux grands propriétaires, c’est la répression de Curuguaty, [à quelques 250 km de la capitale] contre des squatteurs [qui occupaient la propriété d’un richissime homme d’affaire et sénateur du Parti Colorado].

C’est avec beaucoup de cynisme que la droite héritière de la dictature stroessnériste, pour qui la vie des paysans paraguayens ne vaut rien, a utilisé la répression et le scandale qu’elle a généré afin de tirer profit de l’extrême faiblesse politique du président Lugo, pratiquement sans appuis ni alliés. Ce coup d’Etat institutionnel a pour but de mettre en place un gouvernement sans vernis populiste ou de gauche, [à a différence du gouvernement Lugo] et qui réponde directement aux intérêts des latifundistes et des grands patrons.

L’organisation régionale UNASUR [qui regroupe les pays d’Amérique du Sud] a qualifié la destitution de Lugo de « coup d’Etat institutionnel ». Dilma Roussef, la présidente du Brésil, a même laissé entendre que le Paraguay pourrait être exclu de l’organisation. La diplomatie des nations sud-américaines cherche néanmoins une issue négociée à la crise, au mieux un procès « juste » qui finira par valider le coup d’Etat. Nous avons vu cette stratégie à l’œuvre à la suite du coup d’Etat civico-militaire qui a renversé le président hondurien Manuel Zelaya en 2009. Parallèlement, l’Organisation des Etats Américains (OEA) couvre la politique putschiste de l’impérialisme, des forces armées paraguayennes, du patronat local et de partis qui lui répondent.

Les organisations paysannes se mobilisaient depuis le 15 contre la répression gouvernementale à la suite du massacre de Curuguaty. Malgré cela, des milliers de manifestants se sont rassemblés sur la Place du Congrès [à Assomption, la capitale], mais aussi dans plusieurs villes de province au cours du procès pour destitution de Lugo, afin de dénoncer le coup d’Etat institutionnel. Lugo a néanmoins montré qu’il n’était pas disposé à affronter la droite paraguayenne et les pouvoirs économiques auxquelles elle répond. C’est seulement par la plus large mobilisation ouvrière, populaire et paysanne, en toute indépendance des partis institutionnels et du régime, qu’il sera possible de contrer cette révolution de palais orchestrée par la droite afin de mettre sur pied un gouvernement qui garantisse complètement les intérêts du grand patronat. C’est uniquement de cette façon qu’il sera possible de résoudre les principaux problèmes dont souffre le pays, commencer à mettre en œuvre la réforme agraire et mettre un terme à la grande propriété, en finir avec la soumission du pays à l’impérialisme, et ce dans la perspective d’un gouvernement ouvrier, paysans et populaire.

Le Parti des Travailleurs Socialistes d’Argentine appelle les organisations ouvrières, populaires et d’extrême gauche, à se mobiliser dans l’unité, en solidarité avec les travailleurs, paysans et indigènes du pays frère qui luttent contre le coup d’Etat de la droite paraguayenne et pour une issue ouvrière et populaire indépendante.

Buenos Aires, 22/06/12

1) Paraguay : Solidarité face au coup d’état fomenté par l’oligarchie et les fascistes pro-américains->19119]


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