Hamdeen Sabbahi, "nassérien socialiste", le troisième homme de la présidentielle égyptienne

jeudi 28 juin 2012.
 

Lors du premier tour de l’élection présidentielle, c’est le candidat des Frères musulmans Mohamed Morsi qui est donc arrivé en tête avec 24,7% des voix, talonné par Ahmed Chafik, l’ancien Premier ministre de Moubarak lors des premiers jours de la révolution. Le troisième homme et la surprise de ce scrutin, c’est Hamdeen Sabbahi, un nassérien socialiste dont les intentions de vote ont grimpé en flèche à quelques jours des élections pour atteindre 20,7%. Après l’annonce des résultats, le quartier général d’Ahmed Chafik a été incendié. De son côté, Hamdeen Sabbahi a déclaré qu’il portait plainte pour des irrégularités constatées tout au long du scrutin. Portrait du troisième homme de ce premier tour de l’élection présidentielle en Egypte.

Hamdeen Sabbahi se définit comme « un homme du peuple ». Il en a d’ailleurs fait son slogan de campagne. Sur les affiches, on pouvait lire « je suis l’un d’entre vous ». Dans les quartiers défavorisés comme dans la partie informelle du quartier d’Imbaba au Caire, une grande majorité a voté pour lui. Les habitants veulent la justice sociale, et un président qui prenne à bras le corps le problème du chômage qui les ronge, notamment les jeunes. Lors de sa campagne, le candidat nassérien socialiste a d’ailleurs arpenté les rues défoncées de ce quartier informel, il s’est assis au café pour discuter avec les habitants.

C’est, entre autres choses, cette proximité qui a séduit 20,7% des électeurs qui se sont rendus aux urnes mercredi 23 et jeudi 24 mai, notamment dans les grandes agglomérations d’Alexandrie, de Port Saïd, au Caire, ou encore les gouvernorats de Damiette, Suez et Gharbeya où il est arrivé en première ou en deuxième position. Et puis c’est celui des cinq candidats arrivés en tête qui a le moins dépensé pour sa campagne, privilégiant le porte-à-porte, sillonnant les quartiers et les villages, des plus pauvres aux plus huppés.

L’inspiration nassérienne

Né en 1954, Hamdeen Sabbahi est un nassérien, inspiré par le président Gamal Abdel Nasser, qui a grandi parmi les paysans et les pêcheurs à Baltim, à l’ouest de Port Saïd sur la Méditerranée. Il adhère rapidement au Parti arabe démocratique nassérien. Etudiant en communication et futur journaliste, il devient le leader du syndicat étudiant et dénonce, lors d’une visite du président Anouar el-Sadate à l’université en 1977, son tournant néolibéral.

En 1979, il est emprisonné après avoir organisé des « émeutes du pain », alors que les prix des denrées de base s’étaient envolés. Emprisonné 17 fois sous Anouar el-Sadate et sous Hosni Moubarak, sa dernière détention date de 2003, lors de manifestations contre le soutien de l’Egypte à l’invasion de l’Irak.

En 1996, Hamdeen Sabbahi quitte le parti nassérien et fonde le parti Al Karama, (la Dignité). Il est élu député indépendant en 2000. En 2005, il forme avec un groupe d’intellectuels et de militants de gauche le mouvement Kefaya, qui jouera un rôle prépondérant dans la révolution de janvier 2011. Dans les années 1980, il appartenait déjà à un mouvement dit révolutionnaire, qui se basait sur une ligne dure contre Israël. En 2008, il avait été l’un des premiers députés égyptiens à se rendre à Gaza.

Le troisième homme : un indépendant révolutionnaire nassérien

Dès le 25 janvier 2011, Hamdeen Sabbahi prend part à la révolution qui met fin au régime de Hosni Moubarak, et deux mois plus tard, il annonce qu’il souhaite se présenter comme candidat à la présidentielle. Dans une conférence de presse en mars 2011, il met en avant les questions sociales, la liberté d’expression, la laïcité, la séparation des pouvoirs, la limitation des pouvoirs présidentiels et la lutte contre la corruption. Il promet aussi d’instaurer un revenu minimum et de mettre en œuvre des réformes économiques de grande ampleur. Mais il se met à dos certains groupes de gauche lorsqu’il décide de ne pas exiger le transfert immédiat du pouvoir du Conseil supérieur des forces armées à un gouvernement civil.

Selon l’un de ses partisans rencontré au Caire juste avant les élections, « Hamdeen Sabbahi représente deux points essentiels : c’est la force de la société civile contre la tendance radicale islamiste, il représente les forces du changement, et la force révolutionnaire de la société contre la corruption qui existait pendant l’ex-régime ». Hamdeen Sabbahi a été courtisé dès le vendredi 25 mai par Mohamed Morsi, le candidat des Frères musulmans, arrivé en tête avec 24,7% des voix. Mais le candidat nassérien socialiste a refusé l’invitation, et n’a pas donné de consigne de vote pour le second tour prévu les 16 et 17 juin prochain.

Par Véronique Gaymard


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