Front de Gauche et gouvernement Ayrault : "On ne peut imaginer d’être conquérants sans être autonomes"

mardi 18 septembre 2012.
 

Nous sommes sortis plus forts et plus influents politiquement dans la société. Dans ce tableau, j’inclus l’ensemble de la double élection. La présidentielle évidemment. Mais aussi la législative. Car sinon comment nommer l’augmentation en voix et en pourcentage de tous nos candidats, partout, depuis la même législative précédente ? Je ne résume donc pas au résultat en sièges ce que l’élection législative veut dire. Mais je ne m’aveugle pas pour autant. Les socialistes ont tellement creusé l’écart qu’ils ont atteint tous leurs objectifs d’hégémonie dans les institutions. Je vois donc ce qui n’a pas avancé : un verrou institutionnel sans précédent est posé sur le pays. Le Parti Socialiste tient tout et tout le monde à gauche. A l’exception du Front de Gauche.

C’est une exception remarquable dans le contexte. Car on doit tenir compte de l’incroyable énergie consacrée par les dirigeants socialistes pour détruire notre cadre d’action. Ainsi des mille et une effractions et intox pour opposer les uns aux autres. Combien de gesticulations pour essayer de mettre un coin entre « gentil » PCF et « méchants » PG. Combien de mépris dans cette habitude de nommer les uns sans nommer les autres. Et ces « bonnes manières » méticuleusement distribuées. On se souvient de Martine Aubry félicitant les « bons » communistes pour avoir bien négocié et montrer du doigt le PG intraitable ! Ou bien Jean-Marc Ayrault faisant savoir qu’il appelle Pierre Laurent pour discuter de l’entrée des communistes au gouvernement alors qu’il connaît parfaitement le point de vue maintes fois exprimé sur le sujet par le premier dirigeant communiste ! Quelle vulgarité dans cette façon de mettre en scène un PCF « réformiste » et un PG « révolutionnaire ». Et ce refrain insupportable, rabâché à longueur de colonnes peignant un PCF qui serait toujours prêt à gouverner dans n’importe quelles conditions en raison de toutes sortes de motivations glauques ! Que d’astuce pour intoxiquer ces journalistes si prompts à relayer n’importe quel ragot dès lors que la divine odeur de la discorde s’y attache. Comment oublier ces portraits des « futurs ministres » communistes, publiés par exemple dans le journal « Les Echos » avec photos à l’appui. Il est vrai que cette ambiguïté se voulait mortelle en nuisant à la lisibilité de notre différence en pleine campagne législative. Elle pesa en effet en laissant entendre que nos candidats étaient en fait juste une variété de supplétifs du grand Parti Socialiste qui « donne des places ». Enfin n’oublions pas ces mille et une initiatives, publiques ou cachées, pour faire battre, un après l’autre, nos porte-paroles. Roland Muzeau, président de notre groupe, Martine Billard et moi avons été éliminés à l’aide de ce genre de méthodes où nous avons été désignés comme l’ennemi principal. Marie-George Buffet a été agressée sans vergogne. La pluie d’injures et calomnies de la droite est passée sans un mot de solidarité des dirigeants nationaux du PS sinon pour encore une fois essayer de distinguer le PCF de moi. Et j’en passe. Mais le bateau a tenu bon. Nous avons chacun payé chèrement notre autonomie politique collective. Mais elle est acquise. Le calendrier prévisionnel en rend compte. Nous tiendrons un Remue-méninges commun cet été à Grenoble, ce qui n’avait pas été possible l’angrece06 passé. Et nous préparons ensemble la prochaine Fête de l’Humanité. La résolution adoptée par les militants communistes en témoigne. Le Front n’est plus mis en cause par personne dans aucun de nos partis. Nous avons vaincu le feu dévastateur de l’élection centrale et fondatrice de notre pays. Mission accomplie !

L’autonomie politique est un mot qui doit être illustré si l’on ne veut pas qu’il soit mal compris. Cela ne consiste pas, comme l’a très justement dit André Chassaigne, à « jeter des grenades dégoupillées sous les pas de chaque ministre socialiste ». Ni, bien sûr, à les ménager par principe. Il s’agit, pour résumer les définitions du dictionnaire, d’être à soi sa propre norme, de n’agir que selon nos propres lois. Dans la pratique de l’autonomie ce qui prévaut en toutes circonstances c’est l’objectif que nous nous serons nous mêmes fixé. Cela veut dire notamment que dans cette évaluation et dans la conduite des opérations, les postes et les places à prendre ne sont pas mis en balance avec les buts généraux de l’action. Une façon de continuer à décrire l’idée est de montrer un exemple de son contraire. J’évoquerai le sort de ce qui reste de la gauche du PS. Celle-ci se donne le but « d’influencer de l’intérieur » la ligne d’action du PS en général et aujourd’hui du gouvernement. Bien sûr, dans maints cas, ils seront au parlement nos chevaux légers. Il faut l’espérer. Et il faut y travailler en ayant de bonnes relations et des passerelles de contacts honnêtes avec eux. Mais sans perdre de vue qu’ils ne peuvent jamais être autonomes. C’est-à-dire qu’ils ne peuvent jamais n’obéir qu’à leurs propres objectifs. Car toujours s’imposera à eux une discipline collective coercitive. Coercition qui peut rendre de nombreux aspects parfois très personnels dans l’actuel PS. Cette limite, qui ne s’impose jamais à nous, décrit la frontière entre le groupe de pression et l’autonomie.

Le mot autonomie est suivi dans notre vocabulaire du mot « conquérante ». Nous parlons d’autonomie conquérante. L’adjectif désigne quelle est la finalité de cette « autonomie ». L’autonomie n’est pas une fin en soi en effet. Il ne s’agit pas de conforter la posture d’un parti ou son image. L’autonomie conquérante défini un but et la méthode qui va avec. Et pour parler plus crûment, et plus complètement, je reprends à mon compte une remarque de Jean-Marc Coppola, dirigeant communiste des Bouches-du-Rhône, telle que rapportée dans « L’Humanité » : « Il ne s’agit pas d’attendre que le PS trébuche mais d’être à l’initiative de mobilisations citoyennes ». Et je partage son audace conceptuelle quand il ajoute : « Il faut inventer d’autres façons de gouverner sans participer au gouvernement, en préfigurant la VIème République. » L’autonomie est le moyen de la conquête. On ne peut imaginer d’être conquérants sans être autonomes.


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