Hénin Beaumont : Ici la légende de la mine est omniprésente

lundi 4 juin 2012.
 

Dimanche 3 juin c’est la Fête des mères. Une invention du régime de Pétain, prolongée dans l’objectif commercial que l’on devine. Emilienne Mopty aussi était mère. Les nazis l’ont torturée et décapitée pour avoir organisé une marche de solidarité avec les mineurs en 1941, grève contre l’occupant, pour les rations et la paie. Sa fille vit toujours. Mercredi j’étais à Dourges dans la cité minière Bruno. Une jeune femme que j’invitais à participer à la marche que nous organisons le 3 juin prochain m’a dit toute émue : « mon grand-père était dans cette grève ! Il vient de me le dire. Il ne l’avait jamais dit avant. Il y était. Moi je viendrai avec vous. Je viendrai. » Le 3 juin on marche ! Et vous ? Nous partirons de la commune de Montigny-en-Gohelle dans la 11ème circonscription du Pas-de-Calais. On démarre à 15h30 du Puits Dahomey, rue de la Libération. En chemin, il y a deux haltes. Puis on arrive aux Grands bureaux des mines sur la commune de Billy-Montigny. C’est le trajet qu’ont fait les femmes avec Emilienne Mopty. Nous ce sera la marche « l’Humain d’abord ».

Comment ont-ils pu supporter tant de malheurs ? Les guerres, les deux, sur place ! Avec la ligne de front à domicile pour la première, ses villes rasées et ses ossuaires monstrueux que gardent encore aujourd’hui les associations de vigilants. La seconde aussi ne fut guère moins terrible. L’occupant nazi créa une zone spéciale et fusillait à tour de bras. Une génération a eu la mine et la silicose qui tuait les hommes comme des mouches parfois avant même la quarantaine. Puis ce fut l’amiante. Et aussi les effluves liquides et gazeuses de Métal Europ qui ont pourri l’eau, la terre et l’air. Et toute l’activité sinistrée à tour de rôle : l’agriculture, le textile, la mécanique. Tout, absolument tout. Et ça continue. A partir du quinze du mois les commerçants survivent presque aussi chichement que leurs clients.

Ici la légende de la mine est omniprésente. On en parle sans cesse, à tout propos. Pourtant, personne n’aurait envie d’y retourner. Mais la mine vit encore de toutes les façons possibles. Souvenirs de famille, centre de soins, présence des morts, « partis » si jeunes souvent. « Mon mari est parti à trente-cinq ans monsieur Mélenchon. La silicose. C’était un très bel homme ». Les hommes vivaient dans la poussière de charbon au fond avant qu’on commence à injecter de l’eau sur le front de taille et qu’on ait des protections. De toute façon en surface, la poussière y était aussi. Partout. On m’a raconté que les hommes étaient payés à la tâche. Ils s’exténuaient donc. En mairie de Dourges, après l’accueil officiel, le maire Patrick Defranck m’a montré dans son bureau une gayette, petit morceau du charbon arraché de cette façon. Curieuse boucle de l’histoire : le premier puits ouvert a été le dernier à fermer. Ça se passait à Oignies. Le maire socialiste Jean-Pierre Corbiset m’a raconté ça comme si j’y étais. La mine. La mine. C’est d’elle que sont venues toutes les conquêtes ouvrières qui on ensuite construit ce que les pédants nomment notre « modèle social ». La première reconnaissance du syndicat, le premier délégué syndical, la première convention collective, la première obligation de pause hebdomadaire, la première limite au travail des enfants. Tout est parti de là, de ce périmètre dont les hauts lieux sont dans cette partie du bassin minier où je suis candidat. Tout. Même Robespierre. Sa mère est née à Carvin. Ici.

La mine partout. Les ayant-droit, les survivants en quelque sorte, ont le logement. Ce sont les anciens de la mine ou leurs épouses veuves. Les plus jeunes y vivent donc souvent avec les plus anciens. Les toutes petites retraites prennent le relai des indemnités en fin de droit. Le potager est redevenu vital. On le trouve collé à la maison, là où le logement mineur le prévoyait. Quand on revient dans le monde du salariat, qui parait parfois si loin, on revient encore souvent à la mine. Ainsi quand il s’agit des aides à domicile. Qui en a besoin de façon si pressante sinon les veuves et les derniers mineurs les plus âgés ? Mais celles qui font le métier, car ce sont des femmes, courent après les heures pour tâcher de boucler des temps et des payes complets. Le précariat à l’état pur. Cadences inhumaine pour l’employé comme pour le bénéficiaire, temps de transport toujours moins pris en compte, et ainsi de suite.


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