Plus la crise perdure, moins la réaction 
des élites est à la hauteur de la situation

lundi 7 mai 2012.
 

Les élections en cours, perçues comme fades et sans passion, sont, paradoxalement, révélatrices d’une attente dont la tension peut se transformer en colère. La raison est connue  : le peuple est à un point de rupture. Il est donc urgent de penser aux conséquences de l’enjeu.

Les deux candidats favoris des sondages sont dépassés par les effets prévisibles des crises en gestation. Leurs discours restent vides  : ni projet, ni méthode ne sont transmis aux électeurs. Rien d’étonnant que l’émission Top Chef semble provoquer plus de remous que les débats télévisés électoraux.

Sans doute, les spécialistes du marketing ont joué à fond leur rôle, les choix des arguments de campagne le montrent. Leurs slogans expriment un diagnostic (« Le changement, maintenant  ! » dit Hollande. Et « la France forte  ! » dit Sarkozy) qui dépasse la hardiesse des candidats eux-mêmes. Aucun ne montre la volonté d’aller au bout d’une refondation de la politique. Inutile de le rappeler, la virtuosité de Sarkozy se révèle impuissante, tandis que l’habileté de Hollande néglige le poids de ses propres faiblesses.

En somme  : la perception est globalement négative  : Sarkozy, trop usé, peut-il rebondir  ? Hollande, trop mou, peut-il changer  ? L’essentiel est absent  : l’enthousiasme. Seul Jean-Luc Mélenchon a réussi à insuffler de l’ardeur à la campagne...

Force est de reconnaître que le socle républicain est érodé, partout ses murs se fissurent et la plupart des institutions souffrent du vieillissement ou de technocratie aiguë. Rien n’est prévu au cas où un cataclysme économique et écologique menacerait la stabilité démocratique. La cité est livrée aux conséquences psychologiques d’une longue attente  : la peur, la tristesse, la colère, et l’espoir. Ainsi, plus la crise perdure, moins la réaction des élites est à la hauteur de la situation.

La bipolarisation de l’élection présidentielle illustre de manière voilée ce qui saute aux yeux d’un observateur indépendant  : le besoin d’un charisme républicain, et d’une énergie de masse qui puise au fond des racines communes. Soyons plus clair  : l’appel au peuple est, à tort ou à raison, en période de crise, une quête intuitive de solution et, de surcroît, le point de départ d’une réflexion audacieuse sur les choix à faire.

La campagne électorale de Jean-Luc Mélenchon répond à ces deux conditions  : l’émergence d’un mouvement populaire, peu importe qu’il soit étiqueté populiste ou désigné par un mot moins galvaudé, et la présence d’un leader dont le charisme est à la fois énergique et didactique. Sa progression dans les intentions de vote est la preuve que les anciennes demandes du peuple sont restées dans l’ombre de la mémoire politique. La réceptivité de l’électorat ouvrier et la labilité des classes moyennes sont des indices révélateurs d’une brèche qui attire des voix restées trop longtemps silencieuses. C’est l’adhésion à un homme, à une parole et à un projet, dont la part de rêve dépasse le pragmatisme politique, qui soulève la force d’un peuple retrouvé. Les meetings de la Bastille, de Toulouse et de Marseille ont rallumé la flamme d’espoir et réveillé une tradition de luttes sociales.

Ces actes suffiront-ils pour que la politique soit réinvestie par le peuple  ? La gauche redeviendra-t-elle la gauche  ? À l’heure actuelle, rien n’est certain, l’évolution de la situation reste dépendante des effets de la crise et de la capacité de transmission que le succès de Mélenchon puisse jouer dans l’avenir au cœur d’une nouvelle crise.

Rappelons qu’il n’y a pas que le bon peuple. D’autres hommes et femmes en attente rêvent aussi de prendre la rue et d’enfoncer les portes de la cité, drapés de leurs traditions nationales et de leurs préjugés archaïques. Toute chose, surtout au milieu d’une crise politique, renvoie à ses contraires. Les leçons de l’histoire sont nombreuses, mais restent ensevelies dans l’écume de l’oubli par manque de message politique.

Enfin, la démarche de Mélenchon mérite mieux que des sondages flatteurs, car il pose aux électeurs – au-delà d’un programme – la question d’agir avec tous ceux qui ont en commun la devise républicaine  : fraternité, égalité et liberté.

(1) Les C@hiers de psychologie politique 
http://irevues.inist.fr/cahierspsyc...

Alexandre Dorna,


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