DISCOURS DU PRADO : LA RÉVOLUTION HUMANISTE (par Benoît Rivillon, auteur interprète, comédien)

vendredi 20 avril 2012.
 

Jean-Luc Mélenchon domine de la tête et des épaules cette campagne présidentielle. Stratégiquement ses choix se sont révélés payants. En terme d’organisation de meetings populaires, personne sous la Vème république n’a jusqu’à présent pu se hisser à sa hauteur. Et la teneur du discours est haute. On eut dit que l’entière région de Marseille se fut déplacée massivement pour suivre ce meeting, où 120 000 personnes, une fois de plus après Bastille, se bousculèrent sur la plage du Prado.

On nous répétait que la société n’offrait plus de perspectives, Jean-Luc Mélenchon fait aujourd’hui clairement mentir ce mythe moderne.

En commençant l’an dernier par alerter les citoyens sur le déficit démocratique des institutions européennes, puis en les prenant à témoin sur la confiscation de l’information au profit d’une information pré-digérée, partielle, orientée, puis en allant porter le fer contre les Le Pen, pour à présent révéler l’imposture des politiques sociales façon P.S, puis informé encore sur les coups-bas financiers que Sarkozy et consorts s’ingénient à porter dans le dos des Français, tout, tout aura consisté chez Jean-Luc Mélenchon à faire tomber les masques, sur les discours trompeurs à faire la lumière, à dénoncer les officines de la vaste machine à dé-penser anti-démocratique. Puis à faire des propositions réformatrices concrètes et fortes, ce qu’on appelle aujourd’hui dans notre société timorée révolutionnaires.

Ce discours du 15 avril marque l’entrée à gauche de la renaissance des vraies valeurs libérales de la gauche. Pas celles, économiques, qui devoient au dernier degré le libéralisme XXI° siècle, devenu ultra, bien sûr.

Lorsque M. Mélenchon parle de la “renaissance” de la gauche, on entend un rappel des Lumières. Car ce combat là, déjà post-républicain, y ressemble. “Nous écrivons une page de l’histoire de la Gauche, nous sommes la renaissance de cette gauche qui ne transige pas et qui met ses rêves assez haut”. En effet, dans une période folle de primat du chiffre sur l’humain, de dictature et d’irresponsabilité mêlées des marchés financiers, il n’est point besoin d’être un centriste de droite pour être philosophiquement libéral.

On ne peut être plus clair lorsque M. Mélenchon prend pour exemple ce grand chantier que serait une harmonisation sociale et un pacte écologique des pays du pourtour de la Méditerranée, immense idée qui traverse la gauche républicaine à titre confidentiel* mais qui est enfin révélée, et qui donnerait “tant de travail” qu’une vie n’y suffirait pas. Et cessera alors “la guerre qu’on veut faire mener aux pauvres entre eux”. Si ça n’est pas libéral, je ne sais pas ce que c’est.

Le secret d’une campagne qui connaît la plus forte progression jamais observée, parti de 4% pour terminer près de 20 %, réside dans une chose selon moi. Ses concurrents devraient en prendre de la graine. Il maîtrise parfaitement les mises en perspective historiques. Il imagine son projet à l’aune de la longue histoire de France et de la récente construction européenne. Cette connaissance de l’Histoire permet à Jean-Luc Mélenchon de parler au cœur du peuple, qui fait sa connaissance pour la plupart. Pour qui brigue les plus hautes fonctions de l’Etat et pour l’avenir, c’est plutôt de bon augure.

La Révolution du citoyen Mélenchon est, loin des caricatures de la droite dure mais effarouchée, une révolution humaniste : Que dit-il d’autre lorsqu’il fait allusion aux grecs anciens : “Ne laissons pas le mer violette, comme disait Homère, devenir ce ce cloaque”, en prônant l’émergence souhaitable d’une “Université commune à la Méditerranée”. Son horizon est différent que celui de l’Europe bien caucasienne et chrétienne des faux laïcs de tout poils. Il le répète aujourd’hui, et cela touche beaucoup d’esprits, “la France n’est pas une nation occidentale… mais une nation universaliste, son socle est dans la méditerranée… les peuples du Maghreb sont nos frères et nos sœurs”. Il opère un glissement voire un vrai détachement de l’empire nord-américain. Il souhaite transformer l’essai deu Printemps Arabe et se situe bien plus du côté de ces révolutions là, qui devaient advenir, que du déclin du cousin américain. Le candidat Mélenchon se révèle fin géo-stratège. Il appelle ça avec ce sens des formules qui font mouche, après la Grande Régression, “la Grande Bifurcation”.

La tâche qu’il nous assigne à nous citoyens dont le bulletin de vote pèse plus lourd que jamais, est immense. Rien que ça :

Transformer le régime politique pour un régime plus parlementaire, Planifier l’écologie dans tous les secteurs de la production, Partager les richesses produites (faire revenir les dix points de richesse nationale dérobés depuis trente ans aux salariés), Sortir du Traité de Lisbonne, Réorganiser la défense, sortir du commandement intégré de l’Otan, de sorte que tout citoyen qui se réveillerait sous un gouvernement de Front de Gauche serait averti.

Il aurait même un réveil plus heureux qu’il ne le croit, abruti par un discours paranoïaque quotidien. Le mot a été prononcé, et ça n’est pas par hasard. La paranoïa qu’on insinue en nos têtes nous fait nous diviser. Mélenchon se pose en éclaireur.

Celui qui pense le Socialisme comme refondé par l’Ecologie politique, et qui ose le dire avec les mots des poètes, reçoit le soutien d’une centaine de personnalités du monde entier, du Président d’Equateur Rafael Correa aux altermondialistes d’Amérique du Sud qui ont vu ce phénomène se produire chez eux et l’observent aujourd’hui avec un grand intérêt. Ces peuples-là et leur parcours récent est sa principale source d’inspiration, et J-L Mélenchon est une voix d’Europe qui compte désormais pour eux là-bas.

Cette campagne de Jean-Luc Mélenchon dépasse de loin le cadre de la petite politique qui naguère vida les bureaux de vote, et dépasse le strict catalogue de bonnes intentions dont d’aucuns se satisfont. Il chiffre, il argumente, il trace une perspective. Il nous fait entrevoir un modèle de société qu’on nous enviera, ou de nouveaux droits des citoyens s’étendent aux entreprises. La nouveauté de ce discours, sa botte secrète qu’il avait réservée tient en trois points qui ont à voir avec la vie de l’entreprise, et non des moindres :

Droit de véto des Délégués du personnel sur les licenciements ou délocalisation des sièges d’entreprises, ou restructuration sociale.

Droit de préemption des salariés sur leur entreprise lorsqu’elle est fermée pour défaut de rentabilité en SCOP.

Droit de continuité où le salarié conserve ses droits sociaux quels que que soient les secteurs d’emploi qu’il a occupés,(caisse de sécurité sociale professionnelle transversale aux annexes Unédic) les intérimaires, pigistes, vacataires, précaires et intermittents comprendront…

Bref, des droits collectifs nouveaux sans lesquels il ne sert à rien d’élire un gouvernement de gauche si ce n’est pas pour le faire. Ses concurrents sont avisés.

Et la France qui aura initié tous ces chantiers sera une fois de plus en avance.


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