Entretien avec Jamel Debbouze sur Mohamed Merah et les élections présidentielles

vendredi 4 mai 2012.
 

Jamel Debbouze nous parle de l’affaire Mohamed Merah. L’acteur-vedette issu de Trappes vit depuis quelques années dans le Paris très chic de Saint-Germain-des-Près mais il sait d’où il vit et reste concerné par la banlieue qui l’a vu grandir. Des Mohamed Merah, il en connaît. Et justement, il sait d’autant plus pourquoi la récupération est dangereuse. Nous l’avons questionné sur le sujet à l’occasion de notre rencontre autour de la sortie de la comédie « Sur la piste du Marsupilami », d’Alain Chabat. Une question qui l’a mis de mauvaise humeur mais il a quand même accepté de nous répondre. « Car c’est important », nous a-t-il dit.

« C’est terrible ce qu’on est en train de faire avec cette histoire de Toulouse. Au lieu de dire que Mohamed Merah est un marginal, que son acte est un acte isolé, on lui donne une idéologie qu’il n’avait pas au départ, c’est certain, nous confie Jamel Debbouze. Je les connais les Mohamed Merah, il y en a plein des Mohamed Merah mais qui ne deviennent pas des Mohamed Merah. Là, on est en train de mettre dans la tête de jeunes qui ont le potentiel de Mohamed Merah de devenir des Mohamed Merah. Car, d’un coup, ce Mohamed Merah a défié le Raid tout entier.

Pour certains imbéciles, il y a une espèce de fierté et ils en font une sorte de héros. C’est là où c’est grave, où c’est dangereux. La récupération est terrible ! Par Marine Le Pen, par exemple. Or, c’est con d’instrumentaliser un truc qui peut avoir des conséquences aussi dramatiques. Ils ne s’en rendent pas compte car ils ne connaissent pas la banlieue, ils ne savent pas dans quel marasme sont ces gens-là qui vivent des frustrations permanentes.

N’importe quel frustré est un malade potentiel. On le sait. N’importe qui peut basculer. Je me demande d’ailleurs comment le monde reste aussi équilibré. Les gens devraient être encore plus fous que ça. Mais ça va, ça tient pour des raisons qui nous échappent.

Donc, évidemment, un gamin instrumentalisé par la société -il est sorti frustré de prison ; on lui a dit non pour le service militaire ; on lui a dit non pour la Légion où, normalement, on accepte tout le monde –, exclu de la société, a tous les risques de basculer. » En mai prochain, Jamel votera à gauche

« Aujourd’hui, il n’y a plus d’âge pour être clochard. » Nous avons aussi demandé à Jamel Debbouze s’il se positionnait ouvertement pour un candidat, lui qui, il y a quelques mois, soutenait publiquement pour Martine Aubry.

« Cela fait longtemps que je n’ai plus eu l’occasion de m’exprimer là-dessus. Je suis de gauche. Je vais voter François Hollande. C’est clair et net. Je vois ce qu’on a subi ces dernières années. J’ai vu la France régresser physiquement. Je peux vous donner des exemples précis : les queues devant les poubelles du Prisunic sont de plus en plus longues. J’ai vu des gamins de vingt ans devenir clochards. Pour moi, il fallait avoir un certain âge pour devenir clochard. Aujourd’hui, il n’y a plus d’âge pour être clochard.

J’ai de la sollicitude pour le monde qui m’entoure. Je suis pour le socialisme, pour une certaine idée du partage. Maintenant que j’ai, je suis encore plus conscient du monde. Je suis du côté imposable mais j’ai été du côté non-imposable. Je peux vous dire que ça souffre. Or, il y a des moyens concrets d’aider les gens.

En banlieue, ça passe par l’urbanisme. Nos dirigeants le savent très bien. Les cités sont toujours séparées du centre-ville par une nationale ou un fleuve. Contournez ces nationales ou ce fleuve, rasez ces cités, faites venir des zones d’activités, construisez des immeubles de rois étages avec des petits parcs arborés pas loin du centre-ville et là, vous aurez madame Françoise et monsieur Paul qui cohabiteront avec monsieur Djialo et madame Benmimoun sans avoir peur l’un de l’autre. C’est parce qu’on est séparé qu’on a peur. La dame de la Creuse, elle votera Front National parce qu’elle n’a jamais vu d’Arabes ! »


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