« Je suis pour l’interdiction stricte du cumul des mandats »

samedi 31 mars 2012.
 

La Croix a sollicité tous les candidats à la présidentielle sur le thème de la moralisation de la vie politique. Premier à nous avoir répondu, Jean-Luc Mélenchon met en avant l’instauration d’une VIe République parlementaire comme moyen de garantir un fonctionnement plus démocratique des institutions. Par La Croix.

La Croix : L’affaire Woerth-Bettencourt comme l’affaire Guérini ont une nouvelle fois posé la question de la moralité en politique. Estimez-vous que, dans ce domaine, la situation s’est dégradée ?

Jean-Luc Mélenchon : Ce n’est pas pire qu’avant. Il suffit de se plonger dans la presse de la IIIe République pour s’en rendre compte. Mais c’est vrai que les circonstances politiques, ces dernières années, ont pu favoriser des abus de pouvoir et des comportements délictueux. Les institutions de la Ve République sont elles-mêmes un « pousse aux abus », dans la mesure où elles garantissent l’immunité à ceux qui les commettent. D’une certaine manière, le poisson pourrit par la tête. Le statut juridique du chef de l’État, qui ne relève d’aucune forme d’action en justice durant la durée de son mandat, peut donner un sentiment d’impunité générale. Ensuite, les valeurs qui sont aux postes de commande, dans une société du chacun pour soi et de l’ostentation de l’argent, sont également des pousse-au-crime. Vous aurez beau inventer les meilleures institutions du monde, elles seront contournées, si le contexte général amène à faire fi de la morale individuelle.

Un récent sondage a montré que près des trois quarts des Français jugent les hommes politiques « plutôt corrompus ». Ne redoutez-vous pas que cette défiance nourrisse l’abstention ou le vote extrême ?

J’explique surtout cela par une blessure profonde causée chez les Français par le décalage entre leur situation réelle et la manière dont elle est traitée. Je ne peux pas leur donner tort. J’ai la conviction que nous vivons les derniers moments d’un ancien régime, dans lequel les puissants sont incapables d’imaginer un autre futur et se cramponnent à de vieilles formules, qu’ils reproduisent jusqu’à la nausée. Il y a par ailleurs une corruption morale des dirigeants d’entreprise, qui accumulent des sommes incroyables et infligent à leurs salariés des conditions sociales insupportables.

La classe dirigeante française n’a-t-elle pas été trop tolérante envers le mélange entre les intérêts publics et intérêts privés ?

Je ne veux pas m’ériger en procureur. Je ne veux pas non plus qu’on se débarrasse de ce problème de morale en se contentant de pointer quelques hommes politiques. Le problème est plus large. Il dépasse le cadre de la vie politique. Il se pose aussi, par exemple, dans les médias, avec les cas de journalistes qui ont partie liée avec des intérêts privés, ou dont le compagnon ou la compagne sont engagés en politique.

En janvier 2011, la commission Sauvé a remis au président de la République un rapport dans lequel elle préconisait plus de transparence, avec notamment une déclaration obligatoire de patrimoine de la part des ministres et des hauts fonctionnaires. Êtes-vous favorable à ces propositions ?

Je n’ai pas de difficultés avec cela. Il faut une réglementation rigoureuse des conflits d’intérêts. Je suis aussi favorable à 100 % au contrôle du patrimoine des élus par un organisme indépendant, à la condition qu’il soit spécialisé et astreint au devoir de réserve. Il n’y a pas de raison que ces informations se retrouvent sur la place publique, ou alors il faut publier la feuille d’impôt de tout le monde. La transparence ne doit pas être une exigence névrotique. Elle doit se manier avec délicatesse. Aucune vie n’est possible dans la transparence complète. J’estime que je suis non pas un homme public, mais un homme privé qui a des activités publiques.

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