On peut être écolo sans être d’accord avec Hulot (O. Besancenot)

samedi 23 décembre 2006.
 

Nicolas Hulot a proposé à l’ensemble des candidats de signer son pacte écologique. Parce que nous pensons qu’être écologiste, c’est être radicaux contre ce qui met en danger la planète, à savoir la course folle au profit, nous ne pouvons pas signer ce pacte.


« Pacte écologique de Nicolat Hulot » : la réponse d’Olivier Besancenot et de la LCR

Le « pacte écologique » sur lequel vous interpellez les candidat(e)s comporte 5 engagements.

Le dernier engagement est de se prononcer sur les « dix objectifs » et les « 5 propositions » défendues dans le livre « Pour un pacte écologique ». Vous pourrez trouver dans le document ci-joint un commentaire argumenté sur ces propositions.

Nous partageons les trois engagements précédents et nous tentons, tant par nos propositions programmatiques que par notre participation active aux mobilisations écologiques, de traduire ces engagements en actes.

Par contre, nous ne pouvons absolument pas souscrire au premier engagement demandé. En effet, nous ne considérons pas que les enjeux écologiques soient « une priorité commune qui dépasse les clivages entre partis politiques ». Bien au contraire !

Nous sommes convaincus que pour fournir des réponses à la hauteur de ces enjeux, il faut s’attaquer à la racine du mal.

Les menaces sur la planète sont une des conséquences barbares du système économique et politique actuel : le capitalisme mondialisé. C’est la course au profit qui est responsable des désastres écologiques passés, présents et à venir. Ce sont les multinationales et leur concurrence exacerbée qui détruisent la biodiversité et menacent les conditions d’existence des hommes et des femmes. Ce sont les politiques irresponsables - nucléaire, OGM, agriculture productiviste, dilapidation des ressources naturelles (à commencer par l’air, l’eau et la terre) - qui sont en cause. Les différents gouvernements qui se sont succédé aux affaires depuis trente ans n’ont pu freiner cette course vers l’abîme parce qu’ils pas pu - ou pas voulu - s’affronter aux véritables responsables. Que leurs héritiers directs paraissent aujourd’hui se préoccuper d’écologie sans effectuer aucun retour critique n’a rien qui puisse rassurer pour l’avenir.

A l’inverse, nous pensons qu’une transformation radicale, écosocialiste de la société est nécessaire pour commencer à remédier aux dégâts du capitalisme et du productivisme. C’est là, pour nous, un clivage politique fondamental, à la fois légitime et indispensable.

Telle est la raison pour laquelle Olivier Besancenot ne souhaite pas signer le « pacte écologique » en l’état. Ce n’est pas, vous l’aurez compris, la marque d’une indifférence aux questions écologiques ou d’une sous-estimation de leur urgence. Mais, au contraire, la conséquence d’un engagement écologiste radical.

Naturellement, Olivier Besancenot est tout disposé à rencontrer Nicolas Hulot pour échanger sur ces questions et poursuivre la discussion, à une date et selon des modalités à convenir.


Réponse aux cinq propositions du pacte


Résumé

Les formules du « pacte écologique » dénotent une réelle vision de l’ampleur de problèmes et, tant qu’on en reste à des formules générales, il peut se trouver une plage d’accord. En particulier, lorsque le « pacte » appelle à « une évolution en profondeur vers d’autres façons de produire, de travailler, de consommer, de se nourrir, de se loger, de se déplacer, de se chauffer », nous ne pouvons qu’acquiescer.

Mais dire cela, c’est en appeler à une rupture radicale avec la façon dont est organisé le système économique, ses transports, ses modes énergétiques, son industrie ou son agriculture.

Les propositions contenues dans le « pacte » sont tout à fait digérables par ce même système, sans que cela ne change quoi que ce soit à l’état des ressources naturelles.

C’est justement au nom des exigences et de l’urgence écologique que nous ne pouvons souscrire à vos cinq propositions qui nous semblent très éloignées des enjeux réels et sur lesquelles nous détaillons ci-après nos appréciations.

Nous ne pouvons que partager la démarche générale, qui souhaite placer les enjeux écologiques et climatiques au coeur des débats politiques. Effectivement, une des dimensions de la crise que traversent nos sociétés est d’ordre écologique et environnemental. La défense des équilibres écologiques, l’arrêt des dégradations et des pollutions, la nécessité de mettre un frein aux dérèglements climatiques... sont des conditions sine qua non de l’émancipation humaine. Mais c’est justement au nom de ces exigences que nous ne pouvons souscrire à vos cinq propositions, qui nous semblent très éloignées des enjeux réels.

Vos formules dénotent pourtant une réelle vision de l’ampleur de problèmes, et tant qu’on en reste à des formules générales, il peut se trouver une plage d’accord. En particulier, lorsque vous appelez à « une évolution en profondeur vers d’autres façons de produire, de travailler, de consommer, de se nourrir, de se loger, de se déplacer, de se chauffer », nous ne pouvons qu’acquiescer. Mais dire cela, c’est en appeler à une rupture radicale avec la façon dont est organisé le système économique, ses transports, ses modes énergétiques, son industrie ou son agriculture. Or l’ensemble de vos propositions est tout à fait digérable par ce même système, sans que cela ne change quoi que ce soit à l’état des ressources naturelles. Pour nous, l’écologie n’est pas un consensus, elle n’est pas détachée des enjeux politiques, des conflits sociaux, des inégalités. Nous ne pouvons pas faire cause commune avec ceux qui délocalisent, défendent le « tout camion », le productivisme agricole et l’énergie nucléaire, ceux qui cassent les services publics et diminuent les budgets pour le développement des énergies propres.

Passons à présent en revue vos cinq propositions, afin d’examiner lesquelles peuvent nous être communes et quelles sont nos divergences. Nous indiquerons aussi quelques pistes, quelques revendications qui nous semblent nécessaire d’avancer lors des échéances électorales de 2007 et au-delà.


1) un vice-premier ministre chargé du développement durable. ?

La défense de l’environnement n’est pas une question qui peut être détachée des autres. Les expériences des derniers ministères de l’environnement ont montré qu’un ministère isolé, à qui on accordait peu de moyens, avait peu d’influence sur les politiques réellement menées et avait le plus souvent une fonction d’affichage qu’autre chose. Il est donc tout à fait juste d’exiger qu’un poste de n°2 du gouvernement puisse coordonner dans tous les secteurs, des transports à l’agriculture, une politique ambitieuse en matière environnementale. Mais on ne peut détacher cette mouture institutionnelle des choix politiques. Comment un tel ministre pourrait avoir un poids si ses collègues refusent ou sont incapables de contraindre les transporteurs routiers à réduire les flux de camions, d’interdire les subventions aux gros agriculteurs qui détruisent les sols et les rivières ou d’empêcher les industries de polluer. On ne peut détacher les nécessaires innovations institutionnelles des orientations que devrait adopter un gouvernement.


2) une taxe sur le carbone en croissance régulière

Nous sommes d’accord pour dire que pour diminuer par 4 les émissions de gaz à effet de serre, on ne peut s’en remettre à un système de quotas ou à des solutions technologiques, et qu’il est nécessaire de préparer la décroissance de la consommation d’hydrocarbures. Mais une taxe carbone ne peut permettre de provoquer volontairement une baisse de ces émissions. Les profits réalisés par les industriels ou les transporteurs peuvent leur permettre de s’adapter à des taxes ; par contre les usagers individuels, de plus en plus obligés d’utiliser leurs véhicules pour aller travailler (doublement de la distance domicile-travail en 20 ans) ou qui vivent dans des logements mal isolés ne peuvent supporter indéfiniment des hausses des prix de l’énergie, dont la part dans les budgets est très forte. Un système de taxes peut être utile s’il sert à empêcher telle ou telle pollution, mais il nécessite des niveaux de taxation très élevés. Mais en l’absence de projets alternatifs, imposer une taxe carbone aurait peu d’effets. Parmi les mesures à prendre dans ce sens, figurent en priorité l’interdiction de dépasser certains taux de consommation d’énergies fossiles, la hausse des tarifs d’achat de l’électricité pour les clients industriels, mais aussi des soutiens pour que les industries produisent leur électricité elles mêmes en échange de quoi elle reverseraient à EDF leur surplus de production ; il s’agit ici d’inciter notamment au développement de la cogénération. L’enjeu est néanmoins aujourd’hui d’agir dans les secteurs de l’habitat et des transports. Or aujourd’hui, les infrastructures routières par exemple continuent d’être largement financées par l’Union européenne et les gouvernements, considérant qu’elles sont indispensables à la croissance économique et à la compétitivité des entreprises. Et rien n’est entrepris pour que la norme thermique soit appliquée réellement dans les constructions neuves et étendues aux constructions rénovées. Enfin, le principe d’une taxe carbone, si on le met en parallèle avec celui d’établir le véritable prix des services rendus par la nature, peut ouvrir la voie à une monétarisation des biens naturels permettant de polluer à partir du moment où on en paye le prix. On retrouve les mêmes problèmes que le principe pollueur /payeur, qui peut facilement constituer une autorisation à polluer. Concernant la politique des transports, il faut donc plutôt mettre en place des mesures visant à réduire les flux de véhicules émetteurs de CO2. Nous proposons de développer et de rendre gratuits les transports publics, comme réponse à la prolifération de la voiture individuelle, de subventionner le transport de marchandises par rail et voies d’eau et d’interdire les transports longue distance par camions. Par ailleurs, il est nécessaire de baisser considérablement la consommation d’énergie et de matières premières dans des secteurs inutiles et dangereux, en premier lieu l’armée. Contre les dépense énergétiques consacrées à préparer ou faire la guerre, une politique de justice sociale et de paix est indispensable pour atteindre des objectifs écologiques ambitieux.


3) Réorienter les subventions agricoles vers une agriculture de qualité

Le système de subventions agricoles, en particulier au niveau européen, articulé avec l’ouverture mes marchés des pays du Sud constitue une catastrophe tant d’un point de vue social qu’environnemental, provoque la disparition de milliers d’exploitations et l’appauvrissement de millions de paysans. Si les pouvoirs publics doivent avoir à cœur de proposer des débouchés à une agriculture de qualité, c’est avant tout l’ensemble du système de subventions et de la PAC qui est à revoir car l’agriculture est aujourd’hui mondialisée. Un système d’aides ou de subventions devrait se fixer comme objectifs l’aide aux petits agriculteurs, ce qui implique un certain protectionnisme dans les agricultures des pays pauvres, a contrario d’une insertion dans le marché mondial qui les conduit à la ruine. Au niveau français, les aides devraient être conditionnées à des critères sociaux (maintien et développement de l’emploi paysan) et environnementaux (limitation des pesticides, usage raisonné de l’eau...). Mais cela nécessite un renversement de logique et un affrontement avec un certain nombre de gros exploitants, bien représentés par la FNSEA, et avec les firmes agroalimentaires. Car pour protéger et développer l’agriculture que nous prônons, il est urgent d’interdire la culture d’organismes génétiquement modifiés hors des milieux confinés, d’interdire le brevetage du vivant et d’appliquer un moratoire sur les OGM au niveau européen.


4) Systématiser les procédures de démocratie participative

On a vu récemment, qu’il s’agisse de la question des transports ou du nucléaire, à quel point les gouvernements ont à cœur d’afficher leurs aspirations démocratiques... mais de ne jamais tenir de l’avis des citoyens. Plus que de systématiser des procédures souvent inexistantes, il s’agit aujourd’hui d’inventer des nouvelles formes de démocratie, au sein des quartiers comme des entreprises. Les conférences de citoyens ont prouvé qu’elles pouvaient apporter énormément. Ces conférences ont été développées en France entre 1996 et 1998, notamment sur deux sujets importants : l’effet de serre et les organismes génétiquement modifiés (OGM). Mais il ne s’agit pas seulement d’informer et de consulter, il faut aussi que les décisions aient un poids. Or il arrive que malgré des consultations (du type « conférences citoyennes » ou autres) qui vont à l’encontre des choix dominants, ces choix soient entérinés par les gouvernements, ce qui montre bien que le problème ne peut se résumer à une consultation, mais à « qui décide ? ». Autrement dit, nous estimons que les citoyens ne prendront véritablement leurs affaires en main que lorsque ce qu’ils font, ce qu’ils décident débouche sur des véritables changements, et que leur parole n’est pas confisquée par le pouvoir politique et économique. Mais cela n’est pas possible si les principales ressources sont 
contrôlées par des détenteurs de capitaux privés. La privatisation de Gaz de France est un obstacle à l’élaboration d’une politique raisonnée de la consommation d’énergie. De même pour EDF, SNCF, Air France... Les secteurs clé de l’économie (énergies, transports...) doivent rester ou revenir dans le giron public.


5) Mettre en place une grande politique d’éducation et de sensibilisation

Bien entendu, une éducation et une sensibilisation aux problématiques environnementales est nécessaire, et à n’importe quel âge de la vie, pour tous les publics. Encore faut-il qu’une telle éducation soit protégée de toute influence de grandes entreprises, Bouygues ou EDF par exemple, qui auront à cœur de défendre leurs intérêts industriels et économiques plutôt que les équilibres des écosystèmes.


En conclusion

Comme vous pouvez le constater, sur certaines questions nous pouvons trouver des plages d’accords, et rien n’empêche de penser que nous pourrons nous retrouver pour mener des campagnes communes. Mais la faiblesse de vos propositions sur des questions cruciales comme l’absence complète de propositions sur d’autres domaines sur lesquels il est nécessaire de prendre position expliquent que nous ne pouvons signer aujourd’hui votre pacte écologique.

Concernant l’absence de certains problèmes, nous nous étonnons qu’à aucun moment ne soit mentionnée la question du nucléaire. Pour nous qui défendons un service public de l’électricité dénucléarisé, il est impensable de ne pas se prononcer : d’abord sur la question du nouveau réacteur EPR en cours de construction, et qui ne répond à aucun besoin ; et ensuite sur la façon dont on peut envisager une sortie du nucléaire. Avec quelles économies possibles en matière d’énergies ? Et quel développement des énergies propres ?

Ensuite, un programme écologiste digne de ce nom ne peut se cantonner aux frontières hexagonales. Or, les inégalités de richesse à l’échelle de la planète sont redoublées par les inégalités environnementales : les pollutions sont produites essentiellement par les pays industriels ou en voie de l’être, mais ce sont les pays les plus pauvres qui subissent les dégradations, quand ils ne servent pas carrément de poubelles aux pays du Nord.

Pour nous, la lutte écologiste ne peut que se mener de concert avec la lutte contre la pauvreté et pour une autre répartition des richesses. Nous reconnaissons l’existence d’une dette écologique du Nord envers le Sud, dette qui nous oblige moralement : à annuler la dette financière qui écrase le Tiers Monde, et à collaborer à un éco-développement, notamment par un transfert gratuit de technologies propres (éolien, solaire, etc,..).

Si vous souhaitez des développements sur l’une ou l’autre de ces questions, nous nous tenons à votre disposition.

Veuillez recevoir nos salutations écosocialistes..


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message