Guerre d’Algérie  : le contingent, les JC et le PCF

mercredi 7 mars 2012.
 

Table ronde Jean Clavel, soldat du refus. Alfred Gerson, un des responsables en Algérie de la Voix du soldat. Raphaël Grégoire, soldat du refus. François Hilsum, dirigeant des Jeunesses communistes en charge de la confection 
et de la diffusion des journaux clandestins.

1) Rappel des faits

L’activité des communistes auprès des soldats du contingent français pendant la guerre d’Algérie est partie intégrante de la lutte du PCF contre le fait colonial.

En grande partie clandestin pour des raisons imputables au contexte répressif de l’époque, le travail politique a pris diverses formes  : édition et distribution de journaux interdits, organisation de mouvements de résistance dans les casernes, refus d’aller combattre en Algérie… De nombreux jeunes communistes se sont engagés pleinement dans ce combat, souvent au prix de dures années d’emprisonnement, de tortures, de pressions psychologiques. Comme nos interlocuteurs de cette table ronde. Cinquante ans après, les débats de l’époque resurgissent. De même que l’ensemble de cette activité particulière du PCF, qui est restée ignorée jusqu’à ces dernières années parce que non rendue publique par ses protagonistes. Il est temps aujourd’hui de recueillir et faire connaître les témoignages de ces militants. Cette histoire est à écrire.

Durant la guerre d’Algérie, le PCF a conduit un important travail politique en direction des soldats. Pour une grande part, cette action était clandestine. En quoi consistait-elle  ?

François Hilsum. Ce travail était dans la droite ligne d’une tradition qui remonte à la création du PCF, héritière du concept de l’armée nationale cher à Jean Jaurès. Les jeunes communistes s’adressaient aux conscrits et les organisaient en « amicales ». À chaque départ de classe, un numéro spécial d’Avant-Garde, journal des Jeunesses communistes, appelé « Le conscrit », était édité. De leur côté, élus communistes et sections syndicales de la CGT avaient l’habitude de manifester leur solidarité matérielle et morale avec les appelés. Ce sont autant d’actions qui, au moment où éclatent les guerres coloniales, servent de point d’appui pour organiser dans l’armée des mouvements de résistance. Dans cette même période, Henri Martin, Claude Lecomte et d’autres ont été emprisonnés pour avoir mené sous les drapeaux des actions dénonçant ces guerres et la répression en Indochine et au Maghreb.

Alfred Gerson. Nous sommes une génération de la guerre et de l’après-guerre. La lutte pour la libération nationale est un concept naturellement acquis dans le prolongement du combat de la résistance. Ce qui est loin à l’époque d’être le cas pour la majorité de l’opinion publique, particulièrement pour l’Algérie… Dès les événements en Indochine, le travail spécifique en direction de l’armée avait été relancé autour de Soldat de France, une publication clandestine créée en 1950.

En quoi consiste cette réactivation  ?

Alfred Gerson. La seule possibilité dont dispose le PCF pour développer un mouvement de masse dans l’armée est l’activité clandestine, ce qui n’a rien à voir avec une entreprise de subversion. Elle est dans les conditions de l’époque partie intégrante des luttes menées par le PCF contre les guerres coloniales et étroitement liées à celles du mouvement social. L’Humanité est interdite dans les casernes. Il fallait trouver dans l’armée des formes de travail adéquates.

François Hilsum. Nous sommes dans une période d’extrême tension. Lors du soi-disant « complot des pigeons » en 1952, le juge d’instruction voulait trouver un chef d’inculpation dans ce travail des Jeunesses communistes parmi les conscrits. Nous sommes un certain nombre, dont moi-même, à plonger pour le coup dans la complète clandestinité. La direction du PCF demanda à un groupe de militants de commencer à structurer le travail parmi les soldats en mettant sur pied un « appareil », à côté du Parti et des JC, qui fonctionnerait de façon distincte pour ainsi dire autonome au plan organisationnel. La structure principale était dirigée, par un « triangle », selon le schéma qui prévalait dans la résistance, composé par un dirigeant du Parti, un des Jeunesses communistes et le responsable de l’appareil, « le technique », selon les expressions héritées de la clandestinité de la Résistance. Ce triangle était composé de Raymond Guyot, Paul Laurent et de moi-même à partir de 1957.

Quel était le travail de cet appareil  ?

François Hilsum. À ce niveau national se discutaient l’analyse et l’évolution de la guerre, du mouvement pour la paix en Algérie et surtout de l’état d’esprit du contingent. Partant de là se définissaient l’orientation et les mots d’ordre s’adressant aux militaires. Un responsable de l’appareil – le technique – était désigné au niveau de chaque région militaire  ; dans l’est, le régional couvrait les unités cantonnées en Allemagne. Ces régionaux étaient en relation avec un triangle en place dans chaque département. Le technique départemental était en contact avec une équipe en charge d’une caserne. La structure au plan national s’occupait de la rédaction, de l’édition, du transport et de la diffusion du journal, à partir de Paris. Soldat de France était distribué dans tout le pays et en Allemagne soit par des soldats communistes, soit par des militants qui faisaient le mur la nuit à l’envers. Des cheminots, des dockers, des marins, laissaient aussi des journaux sur les banquettes de train ou de bateau transportant des permissionnaires. Au moins, 250 militants ont été impliqués dans l’appareil les cinq dernières années de la guerre.

Alfred Gerson. J’ai été engagé dans ce réseau depuis le début des années 1950. J’ai d’abord milité au niveau du 18e arrondissement sur la caserne de Clignancourt, puis j’ai été en charge de la 1re région militaire. Le travail consistait essentiellement à prendre contact avec les soldats communistes, à faire entrer les tracts et Soldat de France dans les casernes… Susciter toute dénonciation des guerres coloniales mais toujours en étroite relation avec l’activité générale du Parti.

François Hilsum. Lorsqu’en 1955 le gouvernement décide de rappeler les réservistes, éclatent de forts mouvements dans de nombreuses casernes. L’un des plus connus est celui de la caserne Richepanse, à Rouen, où des soldats communistes dont l’unité part pour l’Algérie refusent de monter dans un camion, entraînant une action collective soutenue par la population.

Jean Clavel. Je suis de quelques années plus jeune que François et Fredo mais je peux témoigner qu’en tant que jeune militant de base j’étais partie prenante du combat anticolonial. J’ai participé en 1956 aux manifestations pour aider les soldats à la caserne Charasse, à Courbevoie, qui en avaient pris le contrôle durant quelques jours.

Raphaël Grégoire. De même pour moi. Fin 1955, j’étais à la manifestation au fort de Nogent avec le lycée de Montreuil pour soutenir le refus des rappelés de partir en Algérie. Mais la compréhension du problème algérien est alors très confuse.

Se pose aussi rapidement la question de poursuivre en Algérie le travail politique auprès des soldats. Comment se met-il en place  ?

Alfred Gerson. En Algérie, les soldats étaient sous la pression du service spécial d’action psychologique de l’armée. Le but est de ne pas rompre le contact avec les jeunes appelés, ne pas les laisser seuls face à l’appareil militaire et à sa propagande colonialiste. Il y a eu une rencontre entre Jacques Duclos et André Moine, dirigeant national du Parti communiste algérien (PCA), pour mettre sur pied une organisation en Algérie sous autorité du PCA, en réplique à ce qui était fait en France. J’ai débarqué à Alger le 20 juillet 1955. Quelques mois après le début de l’insurrection. Nous mettons rapidement en place un réseau dirigé par André Moine, Lucien Hanoun, responsable du PCA pour l’Algérois, et moi-même. Il étend ses activités dans l’Algérois, le Constantinois et l’Oranais. Des militants du PCA se chargent de la distribution du matériel et de la prise de contact dans les casernes. Le premier numéro de la Voix du soldat sort en août 1955. Le dernier en février 1957. Il y a eu 17 numéros en quinze mois. Nous ne savons pas, encore aujourd’hui, quel a été l’impact du journal mais nous savons que son existence a inquiété Massu et Aussaresses (voir ci-contre).

Dans quelles conditions avez-vous travaillé  ?

Alfred Gerson. La situation était extrêmement tendue. Le PCA a été interdit en septembre 1955 ainsi que son journal Alger républicain. J’ai vu le climat se dégrader rapidement en faveur de l’Algérie française au sein même d’une population pied-noir auparavant de gauche. Dans la clandestinité, nous étions de plus en plus vulnérables. On a vite pris conscience qu’il aurait été préférable que ce soit le mouvement national algérien qui se charge de ce travail auprès des soldats français. Comme l’avaient fait les patriotes vietnamiens. Nous étions dans un autre contexte. Nous avons cherché à étendre notre activité par des contacts sur ce point avec le FLN.

Qu’en est-il sorti  ?

Alfred Gerson. Nous avons été arrêtés. Le 27 mars 1957, à 5 heures du matin, les parachutistes du 1er REP sont venus chez moi. J’ai été directement conduit à la villa Susini, centre d’interrogatoire. J’y suis resté trois semaines durant lesquelles j’ai été torturé à la gégène et j’ai subi la baignoire. Je trouve chez mes tortionnaires une soif de revanche sur Dien Bien Phu. Ils voulaient savoir quelles étaient exactement mes activités au sein du réseau, mon degré de responsabilité, et surtout mes liens avec le PCF. Le procès du réseau la Voix du soldat a lieu en novembre 1958. André Moine, Lucien Hanoun, une trentaine de militants comparaissent. André a revendiqué la responsabilité du réseau. Il a été condamné à cinq ans de détention, Lucien à trois. Et j’ai pris dix-huit mois. À ma sortie de prison, ils m’ont enfermé douze mois au camp d’internement de Lodi. Au total, j’ai été privé de liberté pendant trente-deux mois. Mon avocat, Jules Borker, m’avait demandé si j’étais d’accord pour qu’une campagne soit organisée pour moi en France. Mais comme ils n’ont jamais pu établir que j’étais l’envoyé du PCF – mon nom d’état civil n’est pas le même que celui sous lequel je militais –, j’ai jugé préférable d’en rester à ma version d’un engagement individuel. À la fin de ma détention, j’ai été expulsé d’Algérie et j’ai repris mes activités militantes à Paris.

Le réseau de la Voix du soldat tombe au moment où est tentée en France une autre forme d’action  : le refus d’aller combattre en Algérie à la suite de la décision d’Alban Liechti. Dans quelles conditions ces initiatives sont prises  ?

Jean Clavel. Lorsque Alban exprime en juillet 1956, dans une lettre signée par une trentaine de soldats, ses motivations de ne pas partir combattre en Algérie, sa décision fait débat au sein des JC. Peut-on, doit-on suivre son exemple  ? On salue son geste courageux mais il n’y a pas d’encouragement à l’imiter dans un premier temps. La position de principe qui était la nôtre à l’époque est de mener la bataille politique au sein des unités.

Raphaël Grégoire. Il n’y avait pas que l’Algérie. C’était aussi la période des événements en Hongrie  : dans des chambrées de trente, ça discutait dur.

Jean Clavel. Je suis mobilisé en mai 1957 et je pars faire mes classes en Allemagne dans une base de l’Otan, convaincu que mon combat le plus efficace se livrait au sein de l’armée. Lors d’une permission en septembre, je prends connaissance du refus de Léandre Letoquart, fils du député communiste du Pas-de-Calais, arrêté et emmené de force après avoir écrit au président de la République. L’information est en une et l’Huma publie sa lettre. Pour moi, c’est le déclic. La position du parti a évolué.

Comment l’expliquez-vous  ?

Jean Clavel. En septembre 1957, Henri Martin, au nom de la direction des JC, propose de multiplier les actions du refus, lors d’une intervention devant le comité central. Maurice Thorez est favorable à cette proposition.

François Hilsum. Cette intervention a été discutée au sein du collectif national avec Raymond Guyot, moi-même et Henri Martin, qui était alors à la tête des JC. Nous avions le souci de ne pas présenter ces refus comme des gestes individuels mais des points d’appui pour des actions collectives.

Jean Clavel. Les discussions et cette intervention n’ont pas été rendues publiques et c’est Henri Martin qui, le premier, les a révélées récemment. Je regrette que tous ces débats n’aient pas été connus plus tôt.

Qu’avez-vous fait  ?

Jean Clavel. J’ai organisé mon refus. J’ai averti mes camarades de l’entreprise où je travaillais, Hispano-Suiza. De la base en Allemagne où j’étais retourné, je leur ai communiqué un double de ma lettre au président de la République pour publication dans l’Huma. J’ai tenté de mobiliser les appelés autour de moi. Ce fut un échec total. Mais la mobilisation des communistes d’Hispano avait joué. Lors de mon arrestation, une délégation est venue manifester devant la base.

Raphaël Grégoire. Je suis resté quatorze mois sous les drapeaux à Épinal et je devais partir finir mon service en Algérie. Lors de ma permission de départ, en décembre 1957, un camarade de la direction fédérale est venu me demander ce que je comptais faire. Pour moi, ce qui importait, c’était l’impact mobilisateur d’un tel geste. Dans une ville comme Montreuil, où mon père était maire adjoint, populariser mon refus et faire monter l’opposition à la guerre devaient rencontrer un large écho.

Croyiez-vous à l’époque que cet engagement pouvait déclencher un mouvement plus vaste parmi les soldats  ?

Jean Clavel. Le souci était de ne pas opposer l’action du refus au reste du travail politique. Entre 1957 et 1959, nous n’avons été qu’une petite quarantaine de soldats communistes à refuser de partir dans ce cadre. Le parti ne pouvait ouvertement appeler à la désertion. Nous avons été à deux doigts de l’interdiction. Nous étions accusés de tentative de subversion. C’est d’ailleurs le premier chef d’inculpation. Lors de mon procès, on m’a d’abord accusé d’avoir participé à une « entreprise de démoralisation de l’armée ». À travers moi, c’est le PCF qui était visé. D’ailleurs, la question de mon appartenance au Parti revenait dans tous les interrogatoires. J’ai toujours répondu que cela n’avait rien à voir avec ma décision. Il fallait être très prudent. J’ai détruit mon carnet d’adresses. En mars 1958, je suis transféré à la prison de Montluc, à Lyon, pour être traduit devant un tribunal militaire. Nous sommes à la fin de la IVe République, les gouvernements tombent les uns après les autres. Des délégations de soutien sont dans la salle. Les juges sont ennuyés et me condamnent à trois mois de prison. Je venais d’en faire sept. On me signifie des mutations dans différentes casernes. Je vais de l’une à l’autre. On me laisse voyager seul. Les autorités voulaient me voir déserter. Le gouvernement préférait avoir affaire à des insoumis.

Raphaël Grégoire. Nous n’étions pas les seuls à refuser de partir. Il y a eu des milliers de jeunes qui ont déserté. Ça ne gênait pas le pouvoir, personne n’en parlait. C’était sans effet politique.

Jean Clavel. Comme je n’ai pas déserté, je me suis retrouvé en « section spéciale » à Albertville (Savoie) par décision ministérielle. J’y suis resté huit mois, dont six et demi de cachot. À l’isolement et dans l’obscurité totale. Puis, on m’a envoyé au bagne militaire de Tifechoun. J’y ai retrouvé quatre camarades réfractaires  : Voltaire Develay, Lucien Fontenel, Marc Sagnier et Paul Lefebvre. Après sept mois d’internement, j’ai été libéré de mes obligations militaires en janvier 1960.

Raphaël Grégoire. Je suis parti en Algérie contraint et forcé fin décembre 1957 et j’ai été mis aux arrêts de rigueur à Maison carrée. J’ai été dégradé puis jugé, par chance, le 13 mai 1958 à Alger. Mon avocat, Pierre Braun, a demandé aux officiers qui me jugeaient s’ils étaient certains qu’ils n’étaient pas eux aussi en train de refuser d’obéir. Du coup, ma condamnation est de dix-huit mois et non de vingt-quatre comme tous mes copains. Quelques mois plus tard, nous étions une douzaine de communistes à être rapatriés en France. J’ai été enfermé à la prison de Loos-Lès-Lille. À la fin des dix-huit mois, j’ai été renvoyé en Algérie, en août 1960, dans un bataillon d’infanterie. Le commandant avait déjà sur les bras trois ou quatre communistes qu’on lui avait envoyés par mesure disciplinaire. Je réitère mon refus de prendre les armes. Mais à la fin de 1960, l’état d’esprit dans l’armée avait déjà considérablement évolué dans le bon sens.

Comment le rôle croissant des ultras en Algérie et le retour de De Gaulle au pouvoir infléchissent l’action au sein de l’armée  ?

François Hilsum. Après le premier putsch d’Alger du 13 mai 1958, le 28 est organisée à Paris une manifestation antifasciste contre la prise du pouvoir par de Gaulle. Nous ne nous faisions aucune illusion sur Guy Mollet, qui effectivement négociait dans le même temps son ralliement à de Gaulle. Le soir même, juste après avoir quitté le cortège, les dirigeants des JC et ceux du PCF qui travaillaient dans l’appareil en direction de l’armée sont allés en province pour organiser la clandestinité du parti. Nous nous attendions à une interdiction. En trois jours, nous avons reconstitué des imprimeries clandestines, désigné des agents de liaison et mis en place des triangles dans tous les départements.

Alfred Gerson. Les deux années qui ont suivi ont été extrêmement dures. De Gaulle appliquait une politique militaire en Algérie. Il a amplifié les opérations, la pratique de la torture. L’action des communistes sous l’uniforme était particulièrement délicate, encore plus à contre-courant que les années précédentes.

Est-ce l’une des motivations qui a amené à ne plus pousser les jeunes communistes à refuser de partir en Algérie  ?

Raphaël Grégoire. Finalement, les refus ne donnaient pas les effets escomptés. Il ne fallait pas rêver. Les soldats nous ont soutenus pour l’essentiel mais ils n’étaient pas prêts à nous suivre. Un officier de réserve montreuillois est venu me voir lorsque j’étais à Épinal  : il m’a dit bravo mais a reconnu qu’il ne ferait jamais ça. Beaucoup d’entre nous en ont bavé dans les bagnes. Il y a eu beaucoup de solidarité autour de nous mais l’expérience a montré les limites des refus. En mai 1959, Maurice Thorez réaffirme que le travail à l’armée doit se mener coûte que coûte.

François Hilsum. Quand le réseau de la Voix du soldat est tombé, nous n’avons pas subi de conséquences en France. L’appareil était complètement cloisonné pour raison d’efficacité et de sécurité. Mais nous avons décidé dès 1958 de remplacer la Voix du soldat par un nouveau journal, Secteur postal Algérie, destiné à être envoyé individuellement par La Poste aux appelés du contingent en Algérie. Un tel matériel était d’autant plus nécessaire que nous sommes dans une guerre à outrance, avec des risques de fascisation de l’armée qui imposent de nouvelles mesures.

Quelles sont-elles  ?

François Hilsum. Nous avons considérablement développé notre action dans les départements à forte concentration militaire et dans les sections comprenant des casernes sur leur territoire. Sont créés d’autres journaux clandestins  : le Marin de France et le Parachutiste. La confection et la distribution de Secteur postal Algérie nécessitaient un soin et des précautions très particuliers. Le journal est édité sur papier bible. Il fallait trouver des stocks. Les papeteries qui le produisaient étaient sous haute surveillance. Collecter les adresses des soldats auprès des mairies, des syndicats, des cercles des JC, des familles, était un vrai travail de Pénélope en raison de la rotation des effectifs sur le terrain. Les enveloppes étaient écrites à la main et postées dans différentes localités. À partir de 1960, nous avions un fichier de 20 000 à 25 000 adresses. Ce qui était beaucoup.

Durant les sept années de guerre, quelles ont été les évolutions du contenu des journaux  ?

Alfred Gerson. Les articles de toutes ces publications allaient au-delà de ce qui pouvait être écrit dans la presse communiste. L’Humanité a été vingt-sept fois censurée ou saisie. Soldat de France titre en novembre 1954  : « Pas de nouvelle sale guerre ». En mai 1955, il publie des photos envoyées par des soldats contre les exactions et la torture et un article d’analyse titré  : « Non, l’Algérie n’est pas la France ».

François Hilsum. Nous épluchions chaque mois des centaines de lettres de soldats récupérées auprès des familles, des mairies, des cercles des JC… S’y trouvent de précieux indices sur le « climat » dans l’armée et sont révélés les tortures, les pillages de villages, les exactions de toutes sortes. Nous publiions ces informations dans nos journaux. Réciproquement, une large place était faite dans nos colonnes aux mouvements en France contre la guerre, aux grèves sociales, à l’évolution de l’opinion publique.

Au moment du putsch d’Alger, en 1961, comment est appréciée la résistance des appelés aux factieux  ?

François Hilsum. Le refus du contingent de suivre les putschistes est massif. Au-delà des rangs des soldats communistes. Nous avons recueilli de très nombreux témoignages qui prouvent que la position du contingent a été déterminante.

Table ronde réalisée par Dominique Bari


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