« Plus on est riche, moins on a de morale »

samedi 10 mars 2012.
 

Comment mesurer le succès d’une campagne comme la nôtre ? Aux sondages ? Non. Evidemment non. Pour moi, le succès se constate au nombre des thèmes et des mots que nous aurons diffusés et inscrits dans le vocabulaire ordinaire de l’actualité. Car avec les mots s’incrustent la syntaxe et la grammaire de la pensée qui les absorbe. A cette étape de la renaissance de notre courant politique, notre bataille est d’abord culturelle. Quand « usine », « ouvrier », « riches », « puissant », « capitalisme », « finance », « partage » deviennent les mots clefs du vocabulaire dominant d’une campagne électorale, nous savons que le reste nous sera donné par surcroît. Ici ou là quelqu’un finit toujours par faire une surenchère verbale qui raccourcit le trajet qui nous reste à faire. Ainsi quand Ségolène Royal dit que l’enjeu de l’élection c’est « la lutte de classe », je l’enregistre comme un indice de l’air du temps. Et je sais que, pour finir, la pente est prise dans notre sens. Les mots déforment l’espace politique et lui donne des plis et des pentes qui déterminent ensuite le cours des pensées et des choix du grand nombre.

C’est de cette façon aussi que je reçois ce papier que j’ai découvert avec gourmandise dans le journal « Le Monde ». Une hirondelle, en quelque sorte. Il est paru sous la signature de Stéphane Foucart. Ce n’est pas seulement son contenu qui me réjouit. C’est qu’il soit paru. C’est qu’il ait ce titre. C’est que le journal l’ait publié. Toute une époque commence ! Le titre sonne comme celui d’un tract maoïste des années 70 : « Plus on est riche, moins on a de morale, c’est prouvé ». Je pense à cet instant à ces tracts où les amis de « La Cause du Peuple » prétendaient que le notaire de Bruay-en-Artois était l’assassin du fait de sa position sociale et du fait qu’il avait fait son repas d’un très gros steak. Mais là, c’est du sérieux et scientifique. « Dans un climat politique où il est tant question d’opposition entre les "élites" et le "peuple", commence Stéphane Foucart, voici une étude qui devrait faire couler beaucoup d’encre. Et pour cause : des chercheurs américains et canadiens documentent, dans l’édition du lundi 27 février de la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), l’existence d’une relation inverse entre élévation dans la hiérarchie sociale et éthique du comportement individuel. C’est-à-dire, exprimé de manière un peu plus directe, que plus vous êtes riche, plus vous êtes susceptible de vous comporter de manière moralement lamentable. L’équipe américano-canadienne menée par Paul Piff (université de Californie à Berkeley) a quelques arguments. Les chercheurs ont mené pas moins de sept protocoles expérimentaux différents, qui concluent tous dans le même sens. » Cette affaire ira loin. Car comment s’en remettre aux riches, à leur « patriotisme » où quoique ce soit de semblable, comme le suggère le « not dangerous » François Hollande, pour gérer les intérêts communs de la société ? On se posera donc la question différemment à la fin de la lecture.

Donc sept protocoles expérimentaux ont été testés. « Le premier est simple : il s’est simplement agi de se poster à un carrefour et d’observer les véhicules pris en flagrant délit de refus de priorité. La deuxième expérience, très semblable, a, quant à elle, consisté à relever les situations dans lesquelles un piéton engagé sur un passage ad hoc se fait couper la route par une voiture. Dans les deux cas, les chercheurs ont classé les véhicules en cinq catégories, des épaves roulantes (groupe 1) aux berlines de luxe (groupe 5). Résultat : près de 30 % des véhicules du groupe 5 forcent le passage aux voitures prioritaires, un taux quatre fois supérieur aux groupes 1 et 2, et trois fois supérieur aux groupes 3 et 4. Corrélation quasi identique pour le respect dû aux piétons… Mais, direz-vous, ce n’est pas parce qu’on a une belle voiture qu’on est nécessairement riche. Ce qui n’est pas faux. Aussi, les chercheurs ont complété ces deux expériences par d’autres, menées en laboratoire. A chaque fois, une centaine d’individus ont été invités à prendre connaissance de divers scénarios ou situations : atteinte d’un objectif au prix d’une entorse à la morale, captation d’un bien de manière indue au détriment d’un tiers, mensonge au cours d’une négociation, caution d’une faute dans le cadre professionnel. Puis les participants ont rempli un questionnaire répondant à la question de savoir dans quelle mesure ils seraient prêts à reproduire ces comportements. A chaque fois, une corrélation entre le statut social des participants et leur capacité à enfreindre l’éthique est mise en évidence. » Ainsi il est prouvé que les riches sont spontanément mauvais et enclins à l’abus de pouvoir. Pour sauver les riches et les protéger d’eux-mêmes, une seule solution : la taxation qui les soulage de la surcharge pondérale qui les pousse au vice a-social ! Mais ce n’est pas fini !

« Une dernière expérience a consisté à placer près de 200 personnes devant un jeu informatique de lancer de dés : une somme d’argent leur était promise si le score atteint après cinq lancers était élevé. Mais, bien sûr, le jeu était pipé et le score ne pouvait excéder 12 points. Ceux qui ont rapporté des scores supérieurs aux expérimentateurs ont donc triché. Même en tenant compte de nombreux paramètres comme l’ethnie, le sexe, l’âge, la religiosité, l’orientation politique, il n’y a rien à faire, "la classe sociale prédit positivement le fait de tricher". A quoi tient ce lien entre hauteur sociale et bassesse morale ? En partie, répondent les chercheurs, "à une perception plus favorable de la cupidité". » Les riches trouvent positif d’être guidés par l’appât du gain et cette appétence maladive les conduit à pratiquer banalement le mal. De tout ceci nous ne tirerons aucune autre leçon sinon celle de nous être bien amusé à cette lecture. Cependant je recommande d’utiliser abondamment cette étude. Elle me paraît être une juste réponse au mépris ordinaire des élites médiacrâtes qui ne manquent jamais une occasion de stigmatiser le peuple, la bassesse supposée de ses passions, et ainsi de suite. Et on y puisera aussi un argument contre l’idée que notre idée de « tout prendre » au-dessus de 30 000 euros par mois serait déraisonnable car elle démotiverait les importants. Cette expérience démontre au contraire qu’elle pourrait les soigner contre une addiction qui les conduits aux comportements immoraux et anti-sociaux. Prouvé scientifiquement ! J’en viens à notre traitement dans les médias.


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