L’Europe du « Oui » a son programme commun, l’austérité.

mercredi 15 février 2012.
 

Mercredi et jeudi, on était en séance à Bruxelles au Parlement européen. Le principal sujet de débat était une fois de plus le traité intergouvernemental « sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’union économique et monétaire » (« TSCG »). Ce document est finalisé. La version finale de ce traité a été rendue publique (en anglais bien sûr) mardi midi après que 25 Etats membres de l’UE sur 27 se soient mis d’accord pour le signer. J’ai déjà eu l’occasion de vous parler de ce traité. Vous trouverez sur mon blog européen une note sur son contenu final. Les modifications qu’il a subies depuis sa première version, présentée le 16 décembre par monsieur Van Rompuy sont pour la plupart marginale.

La « règle d’or » renforcée et sa constitutionnalisation sont toujours à l’ordre du jour. Les sanctions automatisées aussi. La Cour de Justice de l’Union européenne pourra même désormais appliquer des sanctions financières si un Etat refuse de transposer la « règle d’or » dans sa Constitution. Quant aux possibilités de modification du Traité, elles ne sont pas évoquées. Ce Traité ne serait donc modifiable qu’au moment où les Etats parviendraient à se mettre d’accord pour le transposer dans le Traité de Lisbonne. Notez qu’une telle modification est loin d’être acquise car elle requiert une ratification par l’ensemble des Etats-membres. Mais les rédacteurs de ce pacte d’austérité ont pensé à tout.

Si on lit attentivement les « considérants », on découvre que la Commission prépare la transposition des dispositions du Traité dans le droit européen via la « méthode communautaire ». Tout le monde évidemment ne sait pas ce que cela veut dire. Cela signifie qu’il y a un pouvoir d’amendement et de rejet du Parlement européen et que les représentants des Etats-membres au Conseil, votent à la majorité qualifiée et non plus à l’unanimité. Dans ces conditions particulières, ce qui est décidé de cette façon s’applique vite à tous sans avoir besoin d’être gravé dans le marbre des constitutions. Jeudi donc, le Parlement européen devait se prononcer sur le Traité finalisé. Avec mon groupe, la GIUE/NGL, nous avons rédigé une résolution qui a été soumise au vote. Elle dénonce le contenu du Traité et appelle à la tenue de référendums sur sa ratification partout où c’est possible. De plus elle demande la mise en place de consultations populaires partout où des mécanismes de référendums ne sont pas prévus par la loi nationale. C’est le cas en Allemagne par exemple. Nous l’avons voté seuls et nous avons été battus. Puis nous sommes passés à l’examen de la deuxième motion sur le sujet. Celle du programme commun de la droite et des sociaux-démocrates.

Comme lors de la séance précédente, la droite, les libéraux, les sociaux-démocrates et les verts ont présenté une résolution commune. L’Europe du « Oui » à son programme commun : l’austérité. Ils y ont réitéré leur accord avec le fond du Traité et ont à nouveau appelé à son inscription dans le Traité de Lisbonne. Ils n’ont pas envisagé la possibilité d’un référendum. Toute la social-démocratie européenne a voté pour grenoble-13ce texte. Vous êtes donc prévenus : si leurs représentants arrivent au pouvoir vous n’aurez pas le droit de donner votre avis sur ce Traité. Ils transposeront la « règle d’or » dans la Constitution et la feront appliquer. Côté français il n’en ira pas autrement. Car les députés du PS se sont contentés de s’abstenir. Le coup de l’abstention est un grand classique du PS. C’est grâce à cela que le Traité de Lisbonne est passé au congrès de Versailles. Nous avions été 115 parlementaires socialistes à voter contre. Si le reste du groupe avait voté contre, comme nous, au lieu de s’abstenir, le Traité était repoussé et le président était obligé de faire un référendum pour le faire passer. Dans ce cas, de nouveau, c’est la même mascarade qui s’annonce. Car c’est un comble annonciateur que cette abstention. François Hollande en effet, affirme qu’il veut renégocier le Traité. Si c’est bien son intention pourquoi ne commence-t-il pas par désapprouver la version actuelle ? J’ai noté que Vincent Peillon a voté contre. Pourquoi ? Il le dira sans doute. Par contre, les députés de la gauche du PS qui siégeaient se sont abstenus. Ici gît le « Non socialiste » de 2005. Depuis le rappel à l’ordre de François Hollande, ce qui restait de la gauche du PS s’est fait hara-kiri. Quant aux députés d’Europe-Ecologie-Les Verts, leurs votes sont allés du pour au contre en passant par l’abstention. José Bové a voté. De loin on s’est fait un signe d’amitié avec José Bové car il voté contre cette résolution. Nous aussi. Elle a été adoptée.

Un dernier mot encore sur l’actualité européenne. Cela vous a sans doute échappé mais lundi dernier ce n’est pas un mais deux traités qui ont été validés par le Sommet de l’Union européenne. La règle en Europe est de faire compliqué pour que personne ne s’y retrouve. Le second Traité institue la mise en place du Mécanisme européen de Stabilité dit « MES ». Ce MES, c’est l’institutionnalisation de l’actuel Fonds européen de stabilité financière. Les prêts qu’il propose aux Etats en difficulté ou « à titre de précaution » sont subordonnés à l’application de plans d’austérité infligés par l’Union et le FMI. Ceux-ci sont à l’origine du martyre actuel de la Grèce. Mais le Portugal et l’Irlande mangent bon eux aussi. Sachez que ce Traité est par ailleurs conçu comme « complémentaire » du Traité sur la rigueur budgétaire (TSCG). Vous ne suivez pas j’espère ? Apprenez ainsi que les rédacteurs des deux traités ont poussé le chantage à l’austérité au point qu’à partir du 1er mars 2013, un Etat n’ayant pas ratifié le Traité TSCG n’aura pas droit à une assistance financière. Le Traité MES donne en outre un droit de véto à l’Allemagne, à la France et grenoble-05à l’Italie pour décider quel pays aura droit à une assistance financière d’urgence. Il donne aussi un droit de véto à l’Allemagne, la France, l’Italie et l’Espagne pour la date de son entrée en vigueur, d’où l’importance des votes de ratification de ces quatre pays.

Or j’ai été alerté par ma camarade et co-présidente du Parti de Gauche Martine Billard que ce second Traité serait soumis à la ratification de l’Assemblée Nationale dès le 21 février prochain. Il sera soumis à ratification en même temps que l’amendement au Traité de Lisbonne qui permet l’inscription de ce mécanisme et donc du FMI dans le droit primaire de l’Union européenne ! Je rappelle que conformément à l’article 11 de la Constitution française « Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux Assemblées, publiées au Journal Officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions. Un référendum (…) peut être organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales ». Ce Traité entrainant un engagement économique conséquent de la France, le peuple français devrait pouvoir être consulté. Il n’en sera rien bien sûr. Les amis de la liberté au Venezuela et à Cuba n’ont pas l’intention de se rebeller contre un déni de démocratie aussi flagrant. Du temps de l’URSS, les pays du Comécon n’étaient pas traités aussi grossièrement. De toute façon, François Hollande a prévenu qu’il ne demanderait pas de référendum. « Le prochain président » ne sera donc guère différent de l’actuel sur ce point.


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