François Bayrou toujours à droite, jamais à gauche

mardi 14 février 2012.
 

1) Bayrou « Il a toujours été ni gauche ni gauche »

Olivier Dartigolles, porte-parole national du PCF, conseiller municipal de Pau (Pyrénées-Atlantiques) montre, preuves à l’appui, que Bayrou est profondément un homme de droite.

Bayrou se présente comme un homme antisystème, qu’en est-il sur le terrain  ?

Olivier Dartigolles. Depuis trente ans, dans les Pyrénées-Atlantiques, de par ses alliances et sa politique – il a été président du conseil général – c’est un homme de droite. Il peut, à Paris, dire ni droite ni gauche, en Béarn et à Pau il a toujours été ni gauche ni gauche.

Avez-vous des exemples  ?

Olivier Dartigolles. Par exemple, cela nous fait bien rigoler quand il parle de « made in France ». Nous avons connu une bataille emblématique dans la région, celle de la défense de l’entreprise Celanese, seul site de production d’acide acétique en Europe et comptant 350 salariés. Deux ans de lutte pour conserver cet outil industriel qui, finalement, a été massacré pour augmenter les dividendes des actionnaires texans. Bayrou n’a jamais été vu dans cette bataille. Un autre exemple. Il y a trois ans se menait une offensive terrible pour expulser les sans-papiers. Comme responsable politique du PCF des Pyrénées-Atlantiques, je soutenais cette lutte et je parrainais un enfant de cinq ans. J’avais interpellé l’ensemble des responsables sur ces situations dramatiques. La seule réaction de Bayrou fut de dire « oui, c’est vrai, il ne faudrait pas d’expulsion en hiver ». Une sorte d’humanisme saisonnier.

Et concernant ses alliances  ?

Olivier Dartigolles. Bayrou a toujours eu des alliances gravées dans le marbre avec l’UMP. C’est vrai dans ses votes au conseil municipal de Pau où il est dans l’opposition. Ce fut vrai lors des dernières élections cantonales où dans les 26 cantons renouvelables il y a eu alliance Modem-UMP. C’est vrai aujourd’hui où, dans les deux circonscriptions béarnaises où il y a un député Modem, dont lui-même, l’UMP ne présente pas de candidat.

Entretien réalisé par 
Max Staat

2) Au Parlement européen, un libéral bon teint

À Strasbourg, le Modem place ses pas dans ceux du libéralisme pur jus, avec la 
préoccupation d’en amortir juste les effets.

Le diable est toujours dans les détails. Le Parti démocrate européen (PDE), auquel le Modem est affilié au Parlement européen, stipule dans son projet que « pour assurer une croissance européenne forte et durable, nous devons garantir la libre concurrence et combattre ses entraves ». Ajoutant aussitôt  : « tout en préservant les services d’intérêt général, qui ne peuvent être abandonnés aux seules forces du marché ». Acceptant donc la présence du marché dans ces services publics. En s’acoquinant au sein du Parlement avec les libéraux de l’ELDR (libéraux, démocrates et réformateurs), il ne faut pas s’étonner que Bayrou en emprunte quelques marottes. En 2009, Martine Aubry s’amusait de constater que « sa voix a rarement manqué lorsqu’il a fallu casser et libéraliser les services publics ». S’il se démarque aujourd’hui du Manifeste de Stockholm (voulant soumettre un nombre toujours croissant de services à la concurrence) rédigé par l’ELDR, le Modem n’en a pas moins voté la directive Bolkestein. En 2005, François Bayrou expliquait de façon alambiquée que « pour éviter Bolkestein il faut voter “oui” au référendum, à supposer que cette directive soit mauvaise ». Toujours selon le projet du PDE, que copréside le Béarnais  : « il est important d’éliminer les obstacles (à la concurrence – NDLR) subsistant entre secteurs tels que le transport aérien et ferroviaire, l’énergie, ou de façon cruciale, le marché des capitaux ».

Plus à une contradiction près, le Modem assume être « en accord avec les libéraux sur les questions institutionnelles, mais pas sur les questions économiques et sociales ». En dépit de son refus d’une directive-cadre sur les services publics, ou d’une harmonisation sociale. Et de son attachement farouche à l’indépendance de la Banque centrale européenne, même quand le relèvement de ses taux plombe les exportations françaises. Dur, pour 
le candidat du « réarmement de la production française ».

Lionel Venturini, L’Humanité

3) François Bayrou, champion de l’austérité

On l’avait quitté en 2007 draguant l’électorat de gauche, le revoilà en 2012 promettant une cure de rigueur drastique aux Français. Car la présidentielle est son oasis. Après une traversée du désert et une dégringolade électorale pour le Modem à tous les scrutins intermédiaires, François Bayrou tente de s’imposer une nouvelle fois comme le troisième homme dans la course à l’Élysée. Celui qui avait rassemblé 18,57 % des voix au premier tour de l’élection de 2007 n’en a pourtant rien fait. Mais avec le bilan catastrophique de Nicolas Sarkozy, le député des Pyrénées-Atlantiques n’a pas perdu de temps pour endosser son costume de chevalier blanc, et tenter d’incarner le seul joker possible à Nicolas Sarkozy, quitte à le doubler sur sa droite sur les mesures d’austérité qu’il compte bien imposer aux Français.

Un plan de rigueur pire que Sarkozy

Alors qu’il marque le pas dans les sondages, le candidat du Modem a, pour donner un coup d’accélérateur à sa campagne, tenu, hier, une conférence de presse au cours de laquelle il a assorti ses propositions économiques, déjà connues, d’un « échéancier et de son financement » pour « remettre les idées en ordre ». Effectivement, son projet a le mérite d’être clair : c’est une cure de rigueur drastique qu’il promet aux Français. Son leitmotiv ? Le désendettement de la France. « Je serai dans cette élection du parti de la vérité. Notre ennemi, c’est le surendettement. Et nous allons le vaincre », a-t-il asséné, tout en renvoyant dos à dos François Hollande et Nicolas Sarkozy, accusés de « tromper les Français ». Ultralibéral quant à son analyse de la crise et de l’endettement public, omettant de rappeler que la dette a été creusée par le sauvetage des banques privées pendant la crise des subprimes et les allégements fiscaux imposés par ses amis de droite, c’est donc tout naturellement dans les poches des Français que François Bayrou assume d’aller piocher. Fervent partisan de la « règle d’or », il promet un retour à l’équilibre des finances pour 2016. Pour ce faire, le centriste a annoncé hier les détails de son plan draconien : gel des dépenses publiques pendant deux ans, hausse de deux points de la TVA ou encore « un coup de rabot de 20 milliards sur toutes les niches fiscales ». Concernant la fin des 35 heures, François Bayrou a feint de prendre ses distances avec Nicolas Sarkozy. Sur les « accords compétitivité emploi », « le risque est grand que cette possibilité, ouverte sans précaution, se révèle contraire aux principes constitutionnels », a concédé le patron du Modem, proposant des accords-cadres branche par branche, sans remettre en cause l’idée d’augmenter le temps de travail sans augmentation de salaires.

Au cœur d’une recomposition à droite

« Vertu », « morale », « vérité » sont au cœur du champ lexical du centriste qui, à chaque élection présidentielle, tente d’incarner la virginité politique. François Bayrou mise donc sur l’amnésie collective, qu’il s’agisse, entre autres, de son action au sein du gouvernement d’Alain Juppé ou de son soutien à Édouard Balladur en 1995, aux côtés de Nicolas Sarkozy. Son revirement depuis sa campagne de 2007, dont il a opportunément retiré les discours de son site Internet, tient en partie au rôle qu’il compte jouer dans une future recomposition à droite. Du ralliement du cofondateur de l’UMP Philippe Douste-Blazy à celui du libéral Arnaud Dassier, une partie de la droite commence à le percevoir comme un joker possible à Nicolas Sarkozy, d’autant qu’il serait un adversaire bien plus difficile à battre au second tour pour François Hollande. L’ UMP ne s’y est d’ailleurs pas trompé, Claude Guéant mouillant le candidat centriste jusqu’au cou. « François Bayrou appartient à la famille UMP », a affirmé le week-end dernier le ministre de l’Intérieur, alors que son parti venait de décider de ne pas présenter aux législatives de candidats UMP face aux députés Modem sortants. Dans un jeu d’équilibriste périlleux, l’Élysée ménage François Bayrou en vue du second tour, tout en sachant que c’est à double tranchant. Car quoi qu’il arrive, le candidat du Modem sera au cœur d’une recomposition politique à droite qui s’annonce aujourd’hui inéluctable.


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