TVA supplémentaire de 1,6% : une arnaque

lundi 6 février 2012.
 

Le gouvernement a annoncé la mise en place d’une TVA dite « sociale ». Pensez-vous, comme il l’affirme, qu’une telle mesure serait efficace contre les délocalisations  ?

Catherine Mills. Les plans libéraux prétendent que la TVA sociale permettrait de « taxer le travail fait à l’étranger ». Cela reposerait sur un mécanisme de « dévaluation compétitive ». Les entreprises seraient censées répercuter sur leurs prix les baisses de cotisations patronales sociales accordées en compensation de la TVA sociale. On viserait une baisse des prix des produits exportés afin d’accroître les exportations. À l’inverse, les importations en France seraient freinées par le renchérissement des produits importés. Mais les « effets bénéfiques » de la TVA sociale sont totalement hypothétiques. Le renchérissement des produits importés conduira à une hausse des prix des produits manufacturés. Quant à la stabilité des prix des produits fabriqués en France et destinés à la consommation intérieure, cela impliquerait que les entreprises répercutent intégralement sur les prix hors taxes les allégements de cotisations, ce qui est irréaliste.

Dérisoires, ces gains de compétitivité seraient surtout contre-productifs car reposant sur la seule baisse du coût du travail. À supposer une hausse de TVA de 2% et la baisse concomitante des cotisations sociales employeurs, comme les coûts 
salariaux moyens ne représentent que 50% des coûts de production, le gain de compétitivité-prix serait de… 1%. À mettre en regard des salaires trois fois moindres en Europe de l’Est et de vingt à trente fois moindres dans les pays émergents. Finalement, seul le consommateur serait touché par ces hausses, mais cela jouerait aussi contre le redressement de l’économie. Au lieu d’une compétitivité-prix 
fondée sur de bas coûts salariaux et un dumping social et fiscal, la France ferait bien de s’orienter vers un autre type de coopération, centrée sur la qualification et l’innovation.

Liêm Hoang-Ngoc. Pour ses promoteurs, la hausse de la TVA agirait comme une barrière douanière contre les importations en provenance des pays à bas coûts. Malheureusement, elle s’appliquera tout autant aux 
produits fabriqués à l’étranger qu’aux produits nationaux et ne 
dissuadera donc en rien les Français de consommer des produits d’importation. La baisse des cotisations patronales permettrait de réduire le coût du travail, disent-ils. Mais la compétitivité ne se joue pas uniquement sur le terrain du coût des produits bas de gamme où la France ne pourra jamais rivaliser avec les pays d’Asie du Sud-Est. Pour les pays avancés, la compétitivité dépend avant tout de l’investissement dans l’innovation, la recherche et la qualité. C’est sur ce terrain que l’Allemagne a gagné la bataille industrielle, bien avant que les réformes Schröder-Merkel n’aient abaissé les impôts et les cotisations des entreprises.

Qui seraient les gagnants 
et les perdants  ?

Catherine Mills. Cette augmentation de la TVA vise surtout une nouvelle baisse massive des cotisations patronales, avec la disparition de celles consacrées à la politique familiale. La plupart des syndicats d’employeurs, Medef en tête, y sont favorables. Mais pas les syndicats de salariés, la CGC exceptée.

En pesant sur les consommateurs, elle pénaliserait plus fortement les plus modestes, elle serait foncièrement inégalitaire, et aggraverait les inégalités entre consommateurs modestes et aisés. Sur le plan économique, elle serait inefficace et dangereuse. Jouant comme un puissant mécanisme de compression de la demande effective, de l’emploi et de la croissance réelle, elle freinerait la recherche d’un autre type de « compétitivité » fondée sur la qualification de la main-d’œuvre et la qualité des produits exportés, liée à l’innovation, à la formation, à la recherche.

Liêm Hoang-Ngoc. La hausse de la TVA sera répercutée sur les prix et conduira à une baisse du pouvoir d’achat des ménages qui plombera la consommation, à l’heure où s’installe la récession. En Allemagne, la hausse de la TVA, assortie d’une baisse des cotisations, avait relancé l’inflation. Les prix à l’exportation ont même évolué plus vite que l’inflation. En réalité, la baisse des coûts fut une aubaine pour les grandes entreprises, qui ont pu augmenter leur taux de marge et distribuer des dividendes à leurs actionnaires. En France, la TVA antisociale représentera un énorme transfert de charges au détriment des ménages et au profit des entreprises, d’où l’intérêt que lui porte Laurence Parisot.

La substitution de la TVA 
aux cotisations sociales 
aurait-elle des conséquences 
pour la Sécurité sociale  ?

Liêm Hoang-Ngoc. C’est le cœur du débat. Dans le cadre de la solidarité nationale, l’argument philosophique de financer les dépenses universelles par l’impôt, et non plus par la cotisation (au demeurant non progressive), est recevable, à condition que l’impôt soit juste. Sont ici concernées les dépenses de santé et de politique familiale. Or la réforme proposée par la droite vise à substituer à la cotisation l’impôt le plus injuste (les 10% les plus riches ne consacrent que 3% de leur revenu à la TVA, contre 8% pour les 10% les plus pauvres).

À cet impôt indirect et proportionnel, défendu par les conservateurs et les libéraux, les socialistes opposent l’impôt direct et progressif sur le revenu, assis sur une assiette large, le seul qui fasse participer les revenus du travail et du capital des personnes physiques selon leur faculté contributive. Une partie des recettes peut sans problème être 
affectée au financement des dépenses sociales, comme l’est la CSG (à l’heure actuelle aussi injuste que la cotisation parce que non progressive). C’est pourquoi la fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu se justifie. L’assiette de la CSG est large et non mitée de niches. Y greffer un barème progressif aboutirait à créer un véritable impôt universel taxant tous les revenus. Certains dénoncent la suppression du quotient familial, inévitable en cas de fusion, dès lors que l’assiette CSG, individualisée, est la base du nouvel impôt. Or le quotient familial est particulièrement injuste, car il bénéficie surtout aux familles nombreuses à hauts revenus et pratiquement pas aux ménages modestes. Dans le cadre d’une 
politique familiale progressiste, il doit être remplacé par un crédit d’impôt forfaitaire par enfant, bénéficiant à tous les ménages, car il n’est pas normal qu’un enfant de riche « rapporte » plus qu’un enfant de pauvre.

Enfin, les cotisations patronales pourraient être remplacées par une CSG entreprise, assise sur la valeur ajoutée de l’entreprise (comprenant salaires et profits), afin de mettre plus à contribution les entreprises capitalistiques et d’alléger le poids des contributions des PME créatrices d’emplois.

Catherine Mills La TVA sociale renforcerait une fiscalisation 
reposant sur les seuls ménages. Elle appuierait le processus d’étatisation rationnement du système de 
protection sociale au détriment même d’un financement dynamique de la protection sociale. Elle favoriserait de nouveaux rétrécissements de la prise en charge des besoins sociaux et la montée du privé pour les retraites et l’assurance maladie. C’est bien là l’objectif des libéraux.

Nous sommes opposés aux propositions de fiscalisation et de réduction des cotisations sociales. Nous proposons de réformer les 
cotisations sociales pour les 
accroître, à partir du développement de l’emploi, de la formation et des salaires, afin d’assurer le financement des besoins sociaux.

Nous avançons une nouvelle cotisation sur les revenus financiers des entreprises et des banques, au même taux que les salaires afin de pénaliser la course à la croissance financière et inciter à un autre type de croissance réelle, source de rentrées de cotisations sociales.

Cela impliquerait également, avec une réforme de progrès social de la fiscalité, une nouvelle 
politique industrielle et une action 
véritable contre les délocalisations, les 
fermetures d’établissements en France, les licenciements. Cela 
exigerait un pôle public du crédit et une autre création monétaire en France comme au niveau de la BCE, favorisant l’emploi. Cela exigerait de nouveaux rapports de coopération avec les pays émergents et les pays du Sud et non des rapports de compétition.

C’est ce que le PCF et le Front de gauche proposent dans le programme L’Humain d’abord.

Entretiens croisés réalisés par Jacqueline Sellem, L’Humanité

2) Non à la TVA antisociale !

A moins de cent jours du premier tour de l’élection présidentielle, le risque existe que ce scrutin soit transformé en un moment de validation et d’accélération des contre réformes imposées au nom de la lutte contre la crise. Contresens absolu puisque ce sont précisément toutes les décisions poussant aux déréglementations capitalistes, à l’accentuation de l’exploitation du travail, à une nouvelle inégalité de répartition des richesses issues de ce travail en faveur du capital qui ont déclenché la crise et l’aggravent comme une vis sans fin. Il faut avoir l’outrecuidance d’un Nicolas Sarkozy pour le faire alors que le capitalisme financier mondialisé est contesté comme jamais et que nos concitoyens vont devoir choisir la politique qu’ils veulent dans quatre mois.

De ce point de vue, le complexe médiatico politique et sondagier organise une bipolarisation de l’élection entre deux seuls candidats, agrémentée, comme la dernière fois, par un deuxième candidat de la droite très austéritaire, M. Bayrou et la candidate du national capitalisme, chargés, chacun à sa façon, de bloquer et de valider cette bipolarisation qui confine à l’impasse. Et voilà que depuis quelques jours l’usine à fabriquer l’opinion agite le spectre d’un duel Bayrou- Le Pen. Ainsi tout est fait pour enfermer les électrices et les électeurs dans de faux choix d’acception d’une austérité appliquée avec plus ou moins de violence.

Pour tenter de cacher ces projets de plus en plus d’articles de presse font croire qu’il existerait « un vide des programmes ». C’est absolument faux ! Tous les candidats ont des programmes et des projets. Le candidat-président défend le sien quotidiennement et celui de François Hollande a été abondamment détaillé au cours des primaires de son parti. Ce qui est vrai, par contre, c’est qu’un seul programme propose de combattre l’austérité pour sortir de la crise, celui de Jean-Luc Mélenchon, présenté au nom du Front de Gauche, au début de l’été. Ce n’est pas une opinion, c’est un fait ! Fait dont on se demande bien pourquoi il échappe à la sagacité de tant de journalistes qui se refusent à voir que la candidature de Jean-Luc Mélenchon vise, tout à la fois, à contribuer à débarrasser la France du président qui la martyrise et à contribuer au rassemblement populaire le plus large pour qu’une politique de changement réel à gauche l’emporte et réussisse demain.

M. Sarkozy comme M. Bayrou ou la famille Le Pen défendent des projets qui ont en commun d’être au service des puissants de la finance. Mettre en place, comme le propose Mme Joly, au nom de l’anti-sarkozysme, une sorte d’union nationale pour appliquer tout ou partie du programme d’austérité et de soumission à l’Europe de l’argent que propose M. Bayrou reviendrait à confondre les loups et leurs victimes, les peuples. Cela n’a rien à voir avec le changement à gauche.

Quand les temps sont si durs pour nos concitoyens et les perspectives si sombres, y compris pour le devenir de la planète, on n’a pas le droit d’alimenter le débat politicien qui, au final, profite à N. Sarkozy. N’a-t-il pas entrepris de faire oublier qu’il est le parrain du traité de Lisbonne et de camoufler le coup de force supplémentaire qu’il commet contre la souveraineté populaire avec le traité d’austérité budgétaire qu’il négocie avec Mme Merkel, en s’agitant autour de Jeanne d’Arc ou d’une taxe sur les transactions financières, dont il disait, il n’y a pas si longtemps qu’elle était « une absurdité » ? Quand, après la contre réforme des retraites, voilà qu’il propose de porter un coup terrible à l’école publique de la Nation et au pouvoir d’achat des salariés avec sa TVA antisociale ? A mes yeux, tout commande au contraire d’aller au fond des choses dans les débats avec les électrices et les électeurs pour -ce n’est qu’un exemple- montrer que la TVA-Sarkozy participe des actuelles orientations européennes, notamment celles du projet de traité européen dont la philosophie vise à obliger par oukases européens à réduire les salaires, les dépenses sociales, les contributions patronales et à augmenter les prélèvements sociaux sur le travail au nom des équilibres budgétaires.

Au chapitre des leurres présidentiels, une place de choix revient au prochain sommet dit « social ». A quoi peut-il bien servir si les décisions sont déjà prises et à quoi servirait la confrontation électorale si on fait mine de tout chambouler- qu’on n’a pas fait pendant cinq ans- en tenant pour quantités négligeables les opinions et les votes de nos concitoyens ? Il s’agit donc bien d’un nouveau coup de force, à partir de plusieurs mensonges. Il est faux de dire que les produits importés contribueraient aussi au financement de la protection sociale. Cela défie le bon sens. Ce ne sont en effet pas les produits d’importation qui paient l’impôt mais les… consommateurs de tous les produits, produits ici ou ailleurs. Une variation même minime du taux de change de l’euro a bien plus d’effet.

Cette TVA supplémentaire équivaut à une baisse des salaires puisque ce que les libéraux appellent « le coût du travail » pour les entreprises sera abaissé et le pouvoir d’achat des salariés sera réduit, comme d’ailleurs celui des retraités et des chômeurs. En vérité, il s’agit du projet d’un nouveau cadeau d’au moins trente milliards d’euros aux entreprises. Il s’agit aussi d’une modification profonde de la fiscalité qui pèsera sur chaque famille quel que soit son revenu, alors que l’impôt sur les sociétés, la taxe professionnelle et l’impôt sur la fortune sont abaissés. Bouclier fiscal, aménagement de l’impôt sur les grandes fortunes, TVA-Sarkozy font partie de l’arsenal du président des riches ! Des propositions d’autres candidats consistant à instituer une fiscalité dite « écologique » ou une fusion de l’impôt et de la CSG, reviendraient en dernier ressort à ne pas aborder les enjeux fondamentaux. Ceux d’une nouvelle justice fiscale, d’un nouveau financement de la protection sociale, faisant participer les actifs financiers et les revenus financiers des entreprises et des banques, ceux du crédit public. De quoi avancer vers un nouveau projet de sécurisation du travail et de la formation pour toutes et tous, un changement de crédit à partir d’un pôle publique bancaire fort, en menant un combat incessant pour changer les missions de la Banque centrale européenne. Jean-Luc Mélenchon le propose. Ce n’est pas à prendre ou à laisser mais quand pourra-ton en débattre sérieusement et honnêtement à la télévision ?

L’oligarchie de la finance tente de transformer les prochaines échéances électorales, en s’appuyant sur la crise et les mécanismes de l’élection présidentielle, en un moment de validation par les citoyens de l’austérité et de l’autoritarisme des instances européennes. Contribuer à déjouer ce piège lourd de terribles conséquences pour le monde du travail et de la création n’est pas le moindre mérite de la campagne du candidat du Front de Gauche, Jean-Luc Mélenchon.

Allons-y toutes et tous avec audace !

Patrick Le Hyaric


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