Retraites à 60 ans Salaires Sécu : Marine Le Pen enfume les Français

lundi 6 août 2012.
 

Etrange dépêche de l’AFP après un passage média il est vrai spécialement confus de madame Le Pen. On y lisait que Marine le Pen se serait engagée sur la retraite à soixante ans ! Bigre. Après toutes les injures qu’elle avait déversées sur les syndicalistes pendant le mouvement de grève contre la réforme, c’est presque une conversion gauchiste ! En fait, en regardant de plus près, on constate qu’elle invente ses réponses à mesure que lui sont posées les questions. Voyez précisément cet échange sur France Inter ce 25 janvier.

Patrick Cohen : « Autre sujet économique : les retraites. Dans votre programme, vous ne dites pas précisément ce qu’on fait de l’âge légal ou de la durée de cotisation. Est-ce qu’il faut modifier ou non la réforme accomplie par le gouvernement actuel ? »

Marine Le Pen : « Ah si, il me semble au contraire que c’est très clair. J’ai dit clairement que je pense que la meilleure option est la retraite à la carte avec une retraite pleine à 40 annuités… de cotisation. »

Patrick Cohen : « Une retraite à la carte… avec 40 annuités. Donc on reviendrait à 40 annuités de cotisations… »

Marine Le Pen : « Avec une retraite pleine à 40 annuités. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que si vous travaillez moins, deux ans de moins, vous avez une légère décote et vous pouvez obtenir votre retraite avec une légère décote. Si vous travaillez plus, vous pouvez obtenir une retraite qui soit supérieure. »

Patrick Cohen : « Et l’âge légal ? »

Marine Le Pen : « 60 ans ? Je crois que c’est un âge correct ».

Récapitulons. D’abord elle se prononce pour la « retraite à la carte ». Puis le journaliste lui fait dire l’âge préférable pour le départ à la retraite et elle répond « soixante ans ». Puis le journaliste lui demande si c’est l’âge légal de départ et elle répond oui aussi. Soit Le Pen essaye d’enfumer, soit elle n’y connaît rien. Car ce qu’elle dit est contradictoire : on ne peut pas vouloir « une retraite à la carte » et un « âge légal » de départ. Ce sont deux choses contradictoires. Voyons donc par étapes.

Si elle est pour une « retraite à la carte », c’est pire que Fillon ! Si elle est pour l’âge légal à 60 ans avec 40 années de cotisations, il faut qu’elle s’explique sur le niveau de la pension, le salaire de référence pour la calculer et ainsi de suite. Sans oublier le financement de tout cela. Ces points sont décisifs comme le savent tous ceux qui ont participé au mouvement contre la réforme des retraites. On a raison de se méfier et d’être très exigeant. Car sur la retraite, Le Pen a changé d’avis souvent. Ses réponses sur France Inter signifient-elles un nouveau changement ? Dans le texte, son projet présidentiel pour 2012 fait l’impasse sur la question de l’âge légal et dit seulement : « L’objectif doit être fixé de revenir le plus rapidement possible au principe de 40 annuités de cotisation pour pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein. » Cette définition, c’est bien celle de la « retraite à la carte » où l’on part à taux plein quand on a ses années de cotisation. Cela peut-être à soixante-deux, soixante-cinq et ainsi de suite selon l’âge auquel on a commencé à cotiser et le nombre d’années validées. Dans ce cas il n’y a pas d’âge légal de départ. C’était clair d’ailleurs il y a peu pour le FN. En janvier 2011, alors qu’elle est présidente du FN, le site du parti d’extrême-droite indique que « le FN soutiendra le maintien à 40 annuités maximum de cotisation sans considération d’âge légal de la retraite ». C’est cohérent et correspond à la définition de la « retraite à la carte ». Mais il y a déjà eu autre chose chez ces gens-là. En 2007, Marine Le Pen était la directrice stratégique de campagne de Jean-Marie Le Pen. Ils proposaient de relever l’âge légal à 65 ans. Et le 27 septembre 2010, pendant le mouvement social, le FN avait organisé un colloque sur la question. C’est Jean-Marie Le Pen, alors président, qui l’avait conclu au nom du FN. Il s’était prononcé pour « une retraite à la carte ». Car la « retraite à la carte » et « l’âge légal » sont incompatibles. Ne vous embrouillez pas. Je fais un petit paragraphe d’explications.

Il existe deux âges légaux pour la retraite en France aujourd’hui. Le premier c’est l’âge légal de départ. Il était à 60 ans et il est progressivement relevé à 62 ans d’ici à 2017. Sauf régime spécial, il est impossible de partir à la retraite avant cet âge, même si un salarié a le nombre d’années de cotisations requises. Le second, c’est l’âge légal pour avoir une retraite à taux plein, même sans le nombre d’années de cotisations obligatoires. Il était à 65 ans. Il passera progressivement à 67 ans d’ici à 2017. A partir de cet âge, un salarié qui n’a pas toutes ses années de cotisations ne subira pas de décote. Faisons le point. L’âge légal de départ est une protection collective. Il ouvre le droit au départ en retraite indépendamment de la durée de cotisation. Un salarié fatigué qui n’a pas cotisé 41,5 années peut choisir de partir à la retraite même s’il n’a pas le nombre d’années de cotisations requises. Actuellement sa retraite sera minorée par la décote, mais il n’est pas obligé de continuer à travailler. En 2010, plus de 8% des salariés partis à la retraite l’ont fait sans avoir cotisé la durée requise. Ils ont préféré partir à la retraite, malgré la décote, car ils étaient épuisés ou parce qu’ils considéraient que le montant de leur retraite serait suffisante pour vivre. C’est donc une liberté. Personne n’est obligé de partir à 60 ans (repoussé à 62). A l’inverse, dans le cadre d’une retraite « à la carte », un salarié qui n’a pas atteint la durée de cotisation requise est obligé de continuer à travailler. Il ne peut pas décider de partir à la retraite, même avec une retraite plus faible. Qui propose la « retraite à la carte » ? L’Institut Montaigne, le MEDEF, François Bayrou. Au total, la proposition de Le Pen est moins favorable aux salariés qui ont 40 années de cotisation après 60 ans. Imaginons un salarié qui a 62 ans n’a pu valider que 35 années de cotisation. Avec Fillon il peut partir avec une décote. Avec le Front de Gauche, il peut partir sans décote. Avec Le Pen, il ne peut pas partir. Avis aux benêts qui la croient : Le Pen c’est pire qu’avec Fillon.

Cette mystification n’est pas la première chez la dame. Voyez plutôt. On a beaucoup entendu parler des 200 euros nets que promet Mme Le Pen aux salariés gagnant jusqu’à 1,4 SMIC. Mais peu se sont penchés sur le détail de cette proposition et ses conséquences. Il faut d’abord préciser qu’il ne s’agit pas d’une augmentation en bonne et due forme du salaire. C’est une exonération de cotisations salariales à hauteur de 200 euros. Elle ne retourne pas au salarié, précisément en raison du fait que cet argent est déjà le sien. Car il faut bien comprendre que les cotisations salariales, qu’elle prétend rendre aux salariés, leur appartiennent déjà. Ils les récupèrent sous forme de « salaire différé », en remboursement de soins, retraites, allocations familiales et ainsi de suite. Cela signifie aussi que le salaire brut versé aux salariés, sur lequel est calculée la retraite, ne bougera pas. Mais surtout, le capitaliste n’aura pas un euro de plus à payer pour les salaires. Et la part du travail n’y gagne pas un centime dans le partage des richesses créées.

Invitée du « club Ethic » de Mme Sophie de Menton le 24 janvier, Marine Le Pen a d’ailleurs confirmé son opposition à toute hausse directe des bas salaires : « Je ne crois pas à une augmentation du SMIC qui repose sur l’entreprise. » C’est clair. Qui donc doit payer les augmentations de salaires ? Réponse de la dame : « C’est pourquoi l’Etat assumera la hausse du pouvoir d’achat. » Incroyable. Les contribuables se cotiseront pour se payer des hausses de salaires ! Inutile de dire qu’une telle trouvaille est déjà applaudie par les dirigeants patronaux ! Ainsi ce porte-parole de l’UIMM, le puissant syndicat patronal de la métallurgie, cité par le magazine « Challenges », qui parle de « propositions très alléchantes ». On le comprend. Comme l’a dit madame Le Pen au cercle des patrons qui l’écoutaient : « Je ne suis pas votre ennemie ! » Dont acte. On devine alors qui va payer les 200 euros de madame Le Pen. Le budget de l’Etat. C’est-à-dire les travailleurs eux-mêmes sous forme d’impôt ! Pourquoi ? Parce que la loi prévoit que toute exonération de cotisation sociale décidée par le gouvernement doit être compensée à l’euro près par un versement du budget de l’Etat à la caisse de sécurité sociale concernée.

Et si le budget de l’Etat compense ces 20 milliards de cotisations perdues, cela signifie que ce sont les travailleurs eux-mêmes qui paieront leur hausse de salaires en impôts. Loin d’augmenter la part de richesses destinée aux salaires, la proposition de Le Pen va donc au contraire mettre en péril la Sécurité sociale. Car elle coûte 20 milliards de recettes en moins aux caisses de Sécurité sociale. Cela reviendrait à doubler le déficit actuel de la Sécu ! Pour avoir une idée du coût de cette trouvaille sur les finances publiques, il faut se souvenir que le pays paye 50 milliards pour sa dette chaque année. La dette supplémentaire créée par Marine Le Pen représente une charge constante égale à 40% de l’actuel service de la dette du pays !

« Ah, mais ! direz-vous, madame le Pen a prévu de faire financer cette dépense par une nouvelle taxe sur les importations ». Les comptes sont donc censés s’équilibrer. Notons l’absurdité par rapport au programme annoncé par elle. Le FN ne peut pas prétendre d’un côté qu’il compte faire reculer les importations en les taxant et de l’autre, espérer que cette recette sera durablement élevée pour boucher les 20 milliards de trou supplémentaire dans les caisses de la Sécu. D’autant que le produit des droits de douane supplémentaires est estimé par le FN à environ 17 milliards par an. Cela ne suffit déjà pas à boucher le trou. Et cela est d’autant moins crédible que le projet du FN prétend déjà utiliser ces mêmes 17 milliards de droits de douane pour financer d’autres mesures. Comme « combler le déficit de la branche vieillesse », ce qui représente 6 milliards. Ou encore pour « financer la dépendance » ! Donc le FN n’a pas en réalité de solution pour financer ces 20 milliards de trou, à part préparer un nouveau recul de la Sécurité sociale. Avis aux benêts qui la croient : madame Le Pen vous prend votre montre pour vous donner l’heure en échange.


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