Bayrou : des ralliements qui confirment son ancrage idéologique dans le camp libéral.

samedi 21 janvier 2012.
 

C’est un événement en dépit des apparences pâlichonnes de l’information. Philippe Douste-Blazy soutient François Bayrou. Son arrivée indique quel est le sens de la marche. C’est le sens du regroupement que vise depuis le début Bayrou : reconstituer une alternative à droite. Comme il y a eu le RPR et L’UDF, il y aurait le Modem et la nébuleuse de centre-droit. Le modèle de Bayrou c’est Giscard : la « France décrispée », le bloc central des classes moyennes et la main tendue aux socialistes pour qu’ils quittent l’alliance à gauche. C’est donc le moment de jeter un œil sur ces nouveaux soutiens et ralliements à François Bayrou. Je ne le fais pas pour mettre en cause les personnes. Mais pour pointer la cohérence de la construction politique de François Bayrou comme alternative de droite à Nicolas Sarkozy. Car ces ralliements forment bien un tout qui confirme l’ancrage idéologique de Bayrou dans le camp libéral.

Philippe Douste-Blazy est le dernier en date des nouveaux soutiens de Bayrou. Il est sorti de sa réserve de secrétaire-général adjoint de l’ONU pour le dire. Dans une tribune publiée sur le site internet du journal Le Monde, il en explique les raisons. Il critique le « tournant droitier » pris par l’UMP depuis deux ans. Il considère que l’UMP n’est plus « un grand parti de centre-droit, humaniste, libéral » comme à sa création en 2002 et que François Bayrou correspond mieux à cette définition aujourd’hui. Philippe Douste-Blazy assume être un homme de droite. Il a été président du groupe UDF à l’Assemblée Nationale quand ce parti luttait contre le gouvernement Jospin. En 2002, il a été l’un des principaux dirigeants de l’UDF à participer à la création de l’UMP à la demande de Jacques Chirac et d’Alain Juppé. Il a même été secrétaire général de la nouvelle UMP de 2002 à 2004. Député, il avait co-signé en 2003 une proposition de loi non discutée qui visait à reconnaître « l’œuvre positive de l’ensemble de nos citoyens qui ont vécu en Algérie pendant la période de présence française ». Après avoir été ministre de la culture dans le gouvernement Juppé, il a été de nouveau ministre de 2004 à 2007 dans les gouvernements Raffarin puis Villepin. Ministre de la santé et de la protection sociale de 2004 à 2005, c’est lui qui a lancé la réforme de l’assurance-maladie de 2004. On lui doit notamment la franchise médicale d’un euro par acte, la hausse du forfait hospitalier et l’élargissement de la CSG. Voilà qui se sent à l’aise avec Bayrou. Et vice-versa.

Je continue mon tour d’horizon. Bayrou vient aussi d’accueillir le soutien d’Arnaud Dassier. Il s’agit du responsable de la campagne internet du candidat Sarkozy en 2007. Rien de moins ! Dans deux interviews à « marianne2.fr » le 6 janvier et à « francesoir.fr » le 9 janvier, il donne les raisons de son soutien. C’est éclairant. Pour lui, Bayrou est « le plus courageux sur le plan économique, puisqu’il demande de réduire les dépenses publiques de 50 milliards d’euros ». Il affirme avoir « eu une révélation synthétique, je me suis dit : "Bayrou c’est la meilleure solution pour atteindre un bon nombre d’objectifs politiques indispensables pour entamer le redressement du pays." » Lorsqu’on l’interroge sur ces « objectifs politiques indispensables », sa première réponse est la suivante : « Premièrement, faire barrage à la gauche que je trouve irresponsable ». Donc si Hollande ou Joly veulent s’allier avec Bayrou, ils devront aussi avaler celui qui les trouve "irresponsable" et veut les battre. Bon courage ! Il précise qu’il soutient Bayrou car il « ne pense pas que Sarkozy soit capable de lutter contre le candidat socialiste ». Arnaud Dassier est un libéral assumé. Sur « marianne2.fr » il le dit : « Ma famille politique a toujours été le centre et le droite, j’étais membre du Parti républicain, ensuite de Démocratie libérale, puis nous avons rejoint l’UMP. On ne peut pas me reprocher de ne pas afficher mes convictions ! Je vais continuer à défendre mes idées, il y a un certain nombre de structures politiques qui peuvent les porter. » Donc il ne rejoint pas Bayrou parce qu’il aurait changé d’idées mais bien parce qu’il pense que c’est la manière la plus utile de les faire avancer. D’ailleurs, il pense ne pas être le seul à agir ainsi. Il affirme qu’« il y a plein de gens à "Galaxie libérale" qui vont voter Bayrou ». "Galaxie libérale" est un groupe d’exaltés libéraux dont il est membre. Ce groupe écrit par exemple en préambule sur son site internet : « Alors que depuis 30 ans les politiques publiques mises en œuvre au nom de l’Etat providence ont conduit notre pays au bord de la ruine, nombre de dirigeants politiques continuent de ressasser les recettes d’un dirigisme pourtant coupable d’avoir provoqué une crise sans précédent ». Arnaud Dassier précise que « les libéraux sont en train de rejoindre François Bayrou. C’est un mouvement de fond » et il annonce que son rôle sera de « participer à la reconstruction du pôle libéral du Modem aux côtés d’autres libéraux comme Alain Lambert, sans compter tous ceux qui vont encore nous rejoindre. »

Alain Lambert ? Voyons. Il vient aussi d’annoncer son soutien à Bayrou après avoir soutenu Sarkozy pendant plusieurs années. Le 27 décembre dernier sur RMC, il a affirmé que « Nicolas Sarkozy n’a fait aucun effort en matière de dépenses publiques ». A croire que les dizaines de milliers de postes d’enseignants supprimés, les fermetures de tribunaux et d’hôpitaux, la contre-réforme des retraites ne lui suffisent pas. Alain Lambert a été ministre du budget de 2002 à 2004 dans le gouvernement Raffarin. On lui doit notamment la suppression de 52 000 postes d’emplois-jeunes dont 20 000 dans l’Education Nationale et des allègements de cotisations dans le cadre du plan Fillon contre les 35 heures. C’est lui aussi qui a achevé la privatisation du Crédit Lyonnais en 2003. A l’époque, le Crédit Lyonnais était dirigé par Jean Peyrelevade qui soutient désormais lui aussi François Bayrou.

Je pourrais aussi vous parler de Jean Arthuis, autre soutien de fraîche date. Longtemps président de la Commission des finances du Sénat. C’est lui aussi un libéral qui s’assume. Il défend la suppression de l’impôt sur la fortune. Il est partisan la « TVA sociale ». Il a voté la réforme Fillon des retraites de 2010. Avec Alain Lambert, il est l’un des "ex-ministres" de droite que Bayrou met en avant. Ils sont ce qu’ils sont et c’est bien leur affaire. Mais leur présence dans la coalition qui entoure François Bayrou surligne combien nous avons bien fait de marquer les distances dès le premier jour de l’appel au centre de François Hollande et de recommencer lorsque Eva Joly s’y est risquée à son tour. Il est impossible de gouverner le pays sur une base de gauche avec ces gens. J’espère que cette fois-ci Joly et Hollande l’ont compris. Les deux lui ont servi la soupe en s’adressant à lui en faisant mine de croire à la fiction d’après laquelle il serait disponible pour la gauche. Cela dans le même temps où les dirigeants de l’UMP en faisaient autant depuis la droite. En l’adoubant de cette façon, les uns et les autres lui ont donné son brevet de « centriste » de ni droite ni gauche qu’il ne parvenait pas à construire tout seul. En cela ils sont co-responsables de son décollage. Belle réussite !

Du coup je me désole de voir José Bové se ranger à l’idée de l’alliance avec le Modem. José Bové est un ami et une figure de l’alter-mondialisme. Il n’a rien à faire dans cette galère ! Pourtant, lundi 9 janvier, dans un entretien à « Public Sénat », il revient sur la proposition d’Eva Joly d’un "désistement réciproque" entre elle, Bayrou, Hollande et moi. Voici ce qu’il en dit : « La proposition d’Eva Joly est un débat pour faire en sorte qu’avec le PS, le Front de Gauche et le Modem il y ait un débat alternatif à celui de l’UMP. Le Modem n’est pas un parti indécent. En interne, ils ont aussi des gens de qualité. Personne, seul, ne peut avoir une majorité dans ce pays. Il est évident pour nous, comme nous le faisons au niveau européen, d’avoir une majorité qui porte une alternative. On ouvre la porte à ceux qui peuvent participer à cette alternative sur un sujet ou un autre. Ça ne veut pas dire qu’on est d’accord sur tout avec le PS ou le Modem. Mais on ne va pas mener une campagne en disant "nous sommes les meilleurs, nous sommes les seuls capables de mener l’alternative". Ce n’est pas sérieux ». Ce qui n’est pas sérieux c’est de vouloir "plumer la volaille centriste en la prenant au détail". L’argument des "gens de qualité" qui seraient à l’intérieur du Modem n’en est pas un. Il y a des gens de qualité partout, ce n’est pas le sujet. J’atteste qu’Alain Lambert que j’ai connu au Sénat, est un personnage charmant, très documenté et n’agissant qu’à bon escient. Mais c’est politiquement un réactionnaire. Je pourrais citer de parfaits mufles à gauche tout à fait insupportables humainement. Mais ce sont politiquement des progressistes pour plusieurs d’entre eux. Le seul sujet qui vaille c’est toujours le programme, non les personnes.


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