Interview de Jean-Luc Mélenchon : bilan de Sarkozy, dette publique, campagne, SMIC, Hollande, Le Pen

mardi 10 janvier 2012.
 

L’entretien que j’ai eu avec l’AFP ouvrait mon année. Il est paru la veille du discours des vœux que j’ai prononcé à l’Usine, notre quartier général de campagne. Si j’ajoute ce texte à ce post, c’est parce cela me permet de faire connaître davantage son contenu que les brèves lignes qui en ont été tirées ici ou là. J’y tiens, dans la mesure où j’attache de l’importance à ce que j’avais décidé de dire à cette occasion. Julie Ducourau, la journaliste qui a réalisé cet entretien l’avait titré de cette manière : « Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de Gauche à la présidentielle, estime, dans un entretien à l’AFP, qu’il est "davantage" le candidat des socialistes que François Hollande et pousse un "cri d’alarme" pour une gauche de gauche ».

AFP : Quel bilan faites-vous du mandat de Nicolas Sarkozy ? Et quels sont vos vœux pour 2012 ?

Jean-Luc Mélenchon : Sa victoire en 2007 n’était pas seulement la déroute de la gauche organisée autour du PS. C’était un changement d’époque. Ca y est, il y avait le Thatcher français qui allait affronter les syndicats et l’Etat social né de la Libération. Il n’a pas trainé. Et puis cet homme a été fauché par quelque chose à quoi il ne s’attendait pas : l’heure avait sonné dans le monde de la fin du système libéral qu’il voulait mettre en place. Dès lors ses vœux du premier janvier étaient la récitation d’un catéchisme libéral crépusculaire. C’est un dogmatique ! Maintenant il veut même démanteler la protection sociale avec la TVA soit disant sociale. Nicolas Sarkozy est le premier démolisseur de France. Notre pays a les mains clouées sur la table et les clous s’appellent Sarkozy. Aucun changement de cap ne peut venir de lui. C’est un obstacle pour la sortie de crise du pays.

AFP : Face à la crise de la dette, quelles mesures préconisez-vous ?

Jean-Luc Mélenchon : Il faut trancher le nœud gordien, éteindre l’incendie. L’urgence c’est que la BCE prête directement aux Etats a un pour cent ! Puis il faut briser les mécanismes spéculatifs. Et aussitôt il faut une harmonisation sociale et fiscale par le haut en Europe. Sinon où va-t-on ? Mauvais traitement des ouvriers, recul de l’Etat social, résultat : on vit moins longtemps déjà dans huit pays avancé en Europe dont en Allemagne. Tout ça pour, à la fin, dire sa fierté « Bien ! J’ai mon triple A, je suis une bonne andouillette de qualité". Et puis il faut oser être la France ! Nicolas Sarkozy se comporte comme un petit garçon face à Mme Merkel. On n’est pas que deux en Europe ! On doit aussi discuter avec les autres pays pour trouver des alliés. Et ne pas accepter le coup d’Etat des financiers qui ont déjà imposé comme chefs de gouvernement des fondés de pouvoir de la Banque Goldman-Sachs comme en Italie et en Grèce.

AFP : Quels sont vos principaux thèmes de campagne ?

Jean-Luc Mélenchon : L’idée centrale est le refus des politiques d’austérité ! La politique de l’Europe « austéritaire » est une vis sans fin. On ne sortira de la crise que par la relance de l’activité. D’abord avec un horizon commun de progrès : la planification écologique. Ensuite avec une méthode : le partage des richesses qui récupère la ponction faites sur la richesse produite des poches du travail vers les poches du capital. Il faut aussi introduire des mécanismes vertueux dans l’entreprise, avec l’instauration d’un salaire maximum et des droits de décision nouveaux pour les salariés. Nous allons donner deux mots d’ordre à notre campagne : « résistez », « prenez le pouvoir ». Les deux parfois marchent ensemble par la grève et la transformation en coopérative des entreprises que les dirigeants veulent délocaliser ou abandonner. Ma campagne s’inscrit dans une perspective de longue durée, celle de la révolution citoyenne.

AFP : Comment pouvez-vous proposer un Smic à 1.700 euros en temps de crise ?

Jean-Luc Mélenchon : Augmenter le Smic, c’est la gauche ! Comment vivre sinon avec mille euros ? C’est le cri d’alarme que je lance : si la gauche ce n’est pas la retraite à 60 ans, l’augmentation des petits salaires et plus de démocratie, c’est quoi au juste ? Je me considère comme le candidat de la gauche traditionnelle. Je suis autant le candidat des électeurs socialistes que François Hollande et, à certains égards, davantage. Je rappelle aussi à ceux qui se veulent les héritiers de François Mitterrand que quand on a gagné en 1981, on a augmenté très fortement le Smic. Quand on a un cœur et une tête socialistes, on est plus proche de Mélenchon que de Hollande, et ils sont nombreux à me le dire. Il veut donner un sens à la rigueur, je veux donner un sens à la gauche.

AFP : Finalement, cela vous arrange de l’avoir comme concurrent à gauche ?

Jean-Luc Mélenchon : Sa ligne tournée vers Bayrou et les politiques centristes est une ligne qui affaiblit toute la gauche. Quand le candidat de gauche qui est à 30% dans les sondages pense qu’il faut de l’austérité comme le candidat de droite, tous les repères sont brouillés et pour nous le travail de clarification est plus difficile. Les chefs socialistes espèrent que les ralliements se feront tous seuls. Leur arme de conviction massive c’est le trouillomètre du vote utile. Rien d’autre ! Mais cette élection est d’une volatilité inouïe. Le nombre de ceux qui rejettent tout le système n’a jamais été aussi élevé. Enfin c’est une erreur historique que de compter sur une élection par défaut, le pays à besoin d’enthousiasme. En toute hypothèse, déjà il n’y pas de victoire de gauche possible sans le Front de gauche". Je veux à présent que ce soit autour de lui que ça se fasse.

AFP : En cas de victoire de la gauche, le Front de gauche, PCF en tête, devra bien conclure un accord avec le PS ?

Jean-Luc Mélenchon : Les partis du Front de gauche se prononceront puis je m’exprimerai le dernier. A titre personnel je le répète, je ne siègerai dans aucun autre gouvernement que celui que je dirigerai. Et je préviens : aucun accord d’appareil d’aucune sorte ne pourra forcer la main ni tordre le bras des Français.

AFP : Quelle est votre stratégie pour lutter contre Marine Le Pen ?

Jean-Luc Mélenchon : Déminage, reconquête des endroits où plus personne ne touche terre, porte-à-porte dans les cités, argumentaire des syndicalistes dans l’entreprise. Le Front de gauche est la première force sur le terrain. La vérité est que le gros des milieux ouvriers de droite est passé au FN. Les ouvriers UMP ont suivi les idées de leurs chefs en quelque sorte. Pour nous le plus pénible est de se heurter au mur de consentement dont est entouré Mme Le Pen dans la sphère médiatique. Là, elle est autoproclamée représentante des préoccupations des travailleurs ! Pourquoi, alors qu’elle est contre l’augmentation du Smic, la retraite à soixante ans, le blocage des loyers et le pôle public financier. Les Le Pen restent les diables de confort du système !


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message