Poutou et Arthaud montent dans le bateau des présidentielles

mercredi 30 novembre 2011.
 

1) Trotski (NPA, LO) hors pistes pour 2012

Par LILIAN ALEMAGNA et CHRISTIAN LOSSON : Libération du 25 novembre 2011

C’est Alain Krivine qui le dit : « La crise économique actualise plus que jamais ce que la gauche anticapitaliste apporte, sourit le cofondateur de la Ligue communiste révolutionnaire. On n’apparaît plus comme des zombies ! » Mais pourquoi, en ces temps « d’horreur économique », les deux partis d’extrême gauche sont aujourd’hui renvoyés à la figuration de morts-vivants dans la séquence présidentielle de 2012 ?

Cruel constat : le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) et Lutte ouvrière (LO) rament en cet automne préélectoral pour atteindre, à eux deux, la barre des 2 % dans les sondages. Le plus bas niveau pour l’extrême gauche depuis 1974.« Une catastrophe absolue », se lamente un théoricien des « multitudes » chères à Toni Negri. Les beaux jours trotskistes semblent loin. Lorsqu’en cette année 2002 Arlette Laguiller (LO) cartonnait avec 5,72 % et Olivier Besancenot, jeune premier de 28 ans de la LCR, flambait avec ses 4,25 %. Une présidentielle avec 10 % au premier tour : un record. Dix ans plus tard, inconnus du grand public, leurs successeurs, Nathalie Arthaud (LO) et Philippe Poutou (NPA), jouent les lanternes rouges). Pire : « Les voitures balais de la gauche radicale », avoue une jeune militante. La crise de 2008 leur offrait un boulevard ? Celle de 2011 devrait faire grimper la cote de leurs candidats ? « Elle est notre cercueil », peste un militant, qui essaie d’ouvrir des brèches « en tentant d’infiltrer » les Indignés. « La destruction de l’espace démocratique par l’hyper-présidentialisation nous a asphyxiés », avance Samuel Johsua, du NPA.

Paradoxe. La gauche anticapitaliste victime de la crise du capitalisme ? « Les solutions proposées par l’extrême gauche constituent un saut vers l’inconnu, pointe Florence Johsua (la nièce de Samuel), docteure en sciences politiques à l’IEP de Paris. Or, la crise accentue la peur et crée un désir de sécurité. D’où, à l’inverse, une extrême droite forte : fermer les frontières, sortir de l’euro, réactions xénophobes de rejet de l’étranger… » Vrai. Mais ça ne suffit pas. « La réalité, c’est que le large électorat de Besancenot et Laguiller était antilibéral mais pas anticapitaliste », estime Stéphane Rozès, politologue et patron de CAP (Conseils, analyses et perspectives). Et qu’aujourd’hui le désir de changer de monde pollinise moins que le désir de réformer, déjà, le système actuel. Surtout : les mots anti-système, la rhétorique anti spéculation, irriguent tout l’échiquier politique…« L’électorat potentiel de l’extrême gauche ne veut pas des idées abstraites mais une alternance de gauche ! » assure ainsi Philippe Raynaud, professeur à Paris-II. En 2002, au sortir du gouvernement Jospin, l’électorat de gauche pouvait se faire plaisir à rougir son vote. En 2012, dix ans après le « trauma » du 21 avril, « il est plus attirant d’utiliser l’autoroute que la route départementale, pour se débarrasser de Sarkozy », ironise Pierre-François Grond, membre de la minorité du NPA, courant prêt à discuter avec le Front de gauche.

RÉVOLTE. Une extrême gauche victime donc du vote utile. Mais aussi de ses erreurs de tactique et de stratégie. « On n’est pas parvenus à rénover notre parti », admet Samuel Johsua. L’extrême gauche « s’est endormie sur ses facilités verbales, ses vieilles lunes, sa surenchère face au Front de gauche et au PS au lieu d’explorer de nouveaux territoires idéologiques », flingue Yann Moullier-Boutang, économiste et directeur de la revue Multitudes. Sévère ? Injuste ? « Nous avons un besoin de recrédibiliser un projet de rupture avec le capitalisme », reconnaît Frédéric Borras, membre de la direction du NPA et de la minorité. « L’intervention dans le champ politique doit être subordonnée aux mobilisations, dans les entreprises, dans les quartiers populaires », complète Gaël Quirante, également de la direction du NPA. Peut-être, mais, pour l’instant, la révolte ne frémit guère… Principal bénéficiaire des « abstractions » anticapitalistes – ou de l’absence de concrétisation tangible : Jean-Luc Mélenchon, en alliance « Front de gauche » avec le Parti communiste depuis les européennes de 2009. L’ex-tribun du PS occupe à plein la case médiatique délaissée par Besancenot. Et vampirise donc une partie de son électorat potentiel. « Son discours type “nouveau programme commun” passe mieux », souligne Philippe Raynaud. L’image de « rassemblement » et l’« assise institutionnelle » du Front de gauche lui donnent, selon Florence Johsua, « une prime très forte ». C’est un fait. En trois ans, le NPA a été incapable de transformer l’enthousiasme militant de ses débuts en succès politiques. Les déchirements féministes et laïques autour d’une candidate portant le foulard aux régionales de 2010 n’y ont rien arrangé… LO est, elle, orpheline de l’« effet Arlette », son « socle électoral porté par le discours ouvriériste de Laguiller disparaît en raison d’une base sociologique qui s’effrite », analyse Philippe Raynaud. Oubliée, donc, « la forme de synthèse qu’avaient su catalyser les figures totémiques de Laguiller et la plasticité de Besancenot », note Stéphane Rozès. Peut-être, aussi, des modes de fonctionnement dépassés ? « C’est une vraie question, avoue Samuel Johsua. Le Nouveau Parti anticapitaliste marche sur deux jambes : le parti et les mouvements sociaux. Les seconds ont perdu. » Le premier boite sévèrement…

FANTÔMES. « LO comme le NPA sont déphasés, pyramidaux, arc-boutés sur leurs appareils, critique YannMoullier-Boutang. Ils n’arrivent plus à capter les nouvelles générations. » Précisément l’un des objectifs que s’était fixé le NPA, retombé à 4 000 militants après avoir frôlé les 10 000… Exception française ? Convergence continentale plutôt. « La France est aussi à l’image de l’extrême gauche en Europe qui baisse ; au Portugal, en Allemagne, même au Pays-Bas où elle a fait jusqu’à 18 % », note Christophe Aguiton, chercheur et ex-adhérent à la LCR. « La gauche radicale est censée représenter les couches populaires qui s’abstiennent, avance Willy Pelletier, responsable de la Fondation Copernic et proche du NPA. Or, les collectifs de travail sont aujourd’hui atomisés. » Balkanisés. Sans parler des fantômes communistes qui dorment encore dans les placards : « On se débat encore dans les décombres du mur de Berlin ! » dit Frédéric Borras du NPA. « L’effondrement de l’URSS a eu pour conséquence de fragiliser la conviction qu’un autre système était possible, souligne Florence Johsua. La LCR et LO, qui ont constamment lutté contre le stalinisme, subissent les effets de cette fragilisation du principe d’espérance. »

ALTERNANCE. Leur indicateur de bonne santé est indexé sur celui des mobilisations. L’échec sur les retraites les aurait affaiblis ? « Cela n’y change rien, écarte Aguiton. L’extrême gauche partidaire n’est plus perçue comme un débouché politique. » Plus que jamais, donc, la militance radicale s’expérimente ailleurs. « L’extrême gauche irrigue désormais les associations, les mouvements sociaux », observe, de son côté, Annie Pourre, co-fondatrice de Droit au logement (DAL) et de Droits devant !!. Il faut donc désormais distinguer les partis d’extrême gauche de… la gauche radicale mouvementiste. Les militants de la politique partidaire, et ceux de la politique « hors-sol ». Gustave Massiah, membre du conseil international du Forum social mondial : « Les seconds ont abandonné l’idée du grand soir et accepté le principe d’une transition pour remettre en cause le système capitaliste, souligne-t-il. Ils acceptent de répondre à l’urgence (fiscalité, redistribution, socialisation de la finance…) pour construire une autre société. L’extrême gauche partidaire ne répond, elle, à aucune de ces questions. Normal qu’elle soit en crise. » Associations et collectifs éphémères, réseaux horizontaux ou engagements locaux aimantent davantage les sympathisants d’extrême gauche déçus des débouchés politiques. Un désenchantement de l’extrême gauche « made in » parti politique ?« Oui, tant que durera la crise, estime Stéphane Rozès. Car ceux qui sont touchés par la mondialisation comptent sur les remparts de la République, une protection nationale. » Les jeunes, les ouvriers –socle traditionnel de la gauche radicale– auraient, selon lui, une tendance au repli. Préférant une figure plus populaire ou tribunicienne « à la Mélenchon ». Jusqu’à quand ? Pas longtemps, veut croire Samuel Johsua : « Attendez le troisième plan de rigueur que le gouvernement va être contraint de faire, et vous allez voir, ça va rugir. Si les mouvements sociaux ne sont pas anticapitalistes, le fond de l’air l’est viscéralement : reste à montrer comment on peut en sortir. » L’extrême gauche compte aussi sur son meilleur ami naturel pour se refaire : « Les sociaux-libéraux, contre lesquels on a toujours capitalisé historiquement », résume un penseur de l’anticapitalisme français. Vivement, donc, la prochaine alternance… « Si le PS l’emporte, cela ouvrira un nouveau contexte d’opportunités politiques à gauche de la gauche institutionnelle », insiste Florence Johsua. Alain Krivine ne dit pas autre chose : « Quand la gauche gagne, la gauche anticapitaliste est toujours plus forte. Elle se renforce de la déception des gens qui ont voté à gauche. » Comme en 2002.

2) Interview d’Alain Krivine (26 novembre 2011)

Question : Les candidatures d’extrême gauche - Philippe Poutou (NPA) comme Nathalie Arthaud (Lutte Ouvrière) - sont créditées de moins d’1% dans les sondages. Comment expliquer que ces campagnes aient du mal à décoller ?

Alain Krivine : Il y a d’abord la situation politique qui fait qu’il y a un décalage encore plus grand que d’habitude entre l’écho que les organisations d’extrême gauche peuvent avoir dans les mobilisations, y compris dans l’implantation sociale, et la crédibilité électorale de ces partis. Aujourd’hui, il existe une confusion politique très forte dans la tête des gens. Non seulement en France, mais partout en Europe, on le voit bien avec les alternances politiques en Espagne, en Grèce et en Italie. Il y a une vraie volonté de chasser Nicolas Sarkozy, surtout après l’échec du mouvement sur les retraites. Il y a l’idée, chez certains, que cela peut se faire par les élections. Sur le plan électoral, le vote utile pour le Parti socialiste risque de peser plus que d’habitude. Il est évident que pour beaucoup, le Parti socialiste est plus capable de « vider » Nicolas Sarkozy que le NPA.

La crise économique semble offrir un boulevard aux idées d’extrême gauche. Comment expliquer le fait que l’électorat populaire se tourne plus vers les partis d’extrême droite ?

Avec la crise, il est évident qu’aujourd’hui, être anticapitaliste, ce n’est pas apparaitre comme un « zombie ». Le système est pourri, cela parait comme une évidence. Mais là encore, il y a un vrai problème de crédibilité électorale. Je crois que les idées d’extrême-gauche ont un écho beaucoup plus important qu’avant mais ce sont les forces déjà présentes sur le plan électoral qui risquent d’en bénéficier. Face à la crise, il y a une poussée des groupes d’extrême droite et des partis nationalistes car je pense que c’est la voie de la facilité dans la situation actuelle.

Les différents groupes d’indignés, idéologiquement proche de l’extrême gauche, ne votent pas et quand ils votent, ce n’est pas pour vous. Comment expliquez-vous cela ?

D’abord, contrairement à certains pays en Europe, les groupes d’indignés restent faibles en France. D’une part, je pense que les idées de ces groupes sont radicalement anti capitalistes, encore plus que le mouvement altermondialiste. En même temps, cela témoigne d’une déchéance totale vis-à-vis des institutions et des partis politiques. Je ne pense pas que cela soit juste, mais c’est pourtant légitime. Il y a un sentiment général, l’idée qu’au niveau institutionnel la droite et la gauche sont la même chose. C’est cela qui pousse fortement à l’abstention.

Le programme d’Olivier Besancenot en 2002 et celui de Philippe Poutou aujourd’hui semblent en tous points identiques. Peut-on expliquer le décalage entre les intentions de vote par la personnalité moins charismatique de Philippe Poutou ?

D’abord, nous ne sommes qu’au début de la campagne. Au tout début de la carrière d’Olivier Besancenot, lors de la première émission que nous avions faite ensemble, il était quasiment ignoré. Marc-Olivier Fogiel ne lui adressait presque pas la parole. Je ne peux donc faire aucun pari sur l’évolution de la popularité de Philippe Poutou. Ensuite, la personnalité du candidat joue bien-sûr beaucoup, mais cela ne fait pas tout. Il y a deux ans, et encore aujourd’hui d’ailleurs, Olivier Besancenot était l’une des personnalités politiques les plus populaires. Il n’a fait pourtant que 5% à l’élection présidentielle, il y a un gouffre entre la popularité et la crédibilité électorale.

Philippe Poutou a déclaré : « Les meetings ? Ce n’est pas mon truc, cela ne m’éclate pas mais il faut le faire. » Le candidat du NPA parait désabusé par la campagne. Qu’en pensez-vous ?

Je ne crois pas du tout. D’après ce que j’ai pu voir, Philippe Poutou semble véritablement passionné par l’ouverture d’un nouveau champ d’intervention. Comme il le dit, il apprend tous les jours des choses qu’il ne connaissait pas. Les émissions radio, télé et les débats politiques ce n’est pas sa formation, il est avant tout un dirigeant syndical. Philippe Poutou a l’habitude des meetings syndicaux. Je vous assure que quand il fait un meeting à la porte de son usine, sans notes ni rien, il est fantastique. Mais il est vrai que, comme il le dit lui-même, il n’est pas un politicien.

À l’instar d’EELV, qui fait ses meilleurs scores aux élections législatives ou européennes, il semble que les partis d’extrême gauche ne soient pas réellement battis pour la campagne présidentielle. Est-ce aussi votre avis ?

Plus ou moins, c’est quand même lors d’une présidentielle que l’on a fait le plus de voix (plus d’un million de voix pour Olivier Besancenot). Plus que jamais, pour une présidentielle, je crois que la personnalité de celui qui est candidat joue beaucoup. Le Parti communiste n’avait personne à proposer, ils se sont donc ralliés à Jean-Luc Mélenchon. Ils n’ont trouvé personne qui soit capable de faire un score honnête.

Propos recueillis par Jean-Benoît Raynaud

Le lien : http://www.atlantico.fr/decryptage/...

3) Nathalie Arthaud : « Je suis la seule candidate communiste à l’élection présidentielle »

Source : Site de Lutte Ouvrière

En meeting à Vaulx-en-Velin, l’élue a mis en avant « son programme de lutte » et critiqué les tenants de la « démondialisation.

Candidate de Lutte ouvrière à l’élection présidentielle, Nathalie Arthaud était hier soir sur ses terres d’élections, salle Victor Jara à Vaulx-en-Velin, où elle est élue municipale.

Devant environ 250 personnes, elle a animé une réunion durant laquelle elle a fait un discours avant de consacrer un long moment à un échange avec le public, les participants pouvant l’interpeller sur un sujet de leur choix.

Chacune des interventions de la candidate furent l’occasion de rappeler notamment les originalités de sa démarche : « Je mets en avant un programme de lutte, pas un programme électoral » devait-elle lancer tout en soulignant qu’elle serait dans ce scrutin « la seule représentante communiste. C’est très important car nous sommes confrontés à la faillite du capitalisme et nous devons donc proposer autre chose, mettre en avant les perspectives communistes ». Elle a aussi affirmé que « la démondialisation n’est pas une idée de gauche ».

Nathalie Arthaud sera de retour en campagne, le 18 avril pour un meeting à Lyon.


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