Les chaînes de l’esclavage : la communication mensongère (Jean-Paul Marat en 1774)

samedi 26 novembre 2011.
 

« Le Mal est dans la chose même et le remède est violent. Il faut porter la cognée à la racine. Il faut faire connaître au peuple ses droits et l’engager à les revendiquer ; il faut lui mettre les armes à la main, se saisir dans tout le royaume des petits tyrans qui le tiennent opprimé, renverser l’édifice monstrueux de notre gouvernement, en établir un nouveau sur une base équitable. Les gens qui croient que le reste du genre humain est fait pour servir à leur bien-être n’approuveront pas sans doute ce remède, mais ce n’est pas eux qu’il faut consulter ; il s’agit de dédommager tout un peuple de l’injustice de ses oppresseurs. »

« Dénaturer les noms des choses.

Peu d’hommes ont des idées saines des choses, la plupart ne s’attachent même qu’aux mots. (…) Abusés par les mots, les hommes n’ont pas horreur des choses les plus infâmes, décorées de beaux noms ; et ils ont horreur des choses les plus louables, décriées par des noms odieux. Aussi l’artifice ordinaire des cabinets est-il d’égarer les peuples en pervertissant le sens des mots.

En fait de politique, quelques vains sons mènent le stupide vulgaire, j’allais dire le monde entier. Jamais aux choses leurs vrais noms. Les princes, leurs ministres, leurs agents, leurs flatteurs, leurs valets, appellent art de régner celui d’épuiser les peuples, de faire de sottes entreprises, d’afficher un faste scandaleux, et de répandre partout la terreur :

- politique, l’art honteux de tromper les hommes ;

- gouvernement, la domination lâche et tyrannique ; (…)

- soumission, la servitude ;

- loyauté, la prostitution aux ordres arbitraires ;

- rébellion, la fidélité aux lois ;

- révolte, la résistance à l’oppression ;

- discours séditieux, la réclamation des droits de l’homme ;

- faction, le corps des citoyens réunis pour défendre leurs droits ;

- crimes de lèse-majesté, les mesures prises pour s’opposer à la tyrannie ;

- charges de l’état, les dilapidations de la cour et du cabinet ;

- contributions publiques, les exactions ;

- guerre et conquête, le brigandage à la tête d’une armée ;

- art de négocier, l’hypocrisie, l’astuce, le manque de foi, la perfidie et les trahisons ;

- coups d’état, les outrages, les meurtres et les empoisonnements ;

- officiers du prince, ses satellites ;

- observateurs, ses espions ;

- fidèles sujets, les suppôts du despotisme ;

- mesures de sûreté, les recherches inquisitoriales ;

- punition des séditieux, le massacre des ennemis de la liberté.

Voilà comment ils parviennent à détruire l’horreur qu’inspire l’image nue des forfaits et de la tyrannie. »

Marat, Les chaînes de l’esclavage.


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