Syrie : vers une révolte armée ? un scénario à la libyenne ?

dimanche 20 novembre 2011.
 

2) Syrie, un scénario à la libyenne ?

La Ligue arabe et la Turquie ont écarté toute idée d’intervention étrangère. Elles se sont prononcées en faveur de mesures de protection de civils. Mais l’idée d’un sanctuaire militarisé reste d’actualité.

Le régime syrien n’est peut-être pas encore en phase terminale, mais il est sans doute à un tournant. L’attaque menée hier par l’Armée syrienne libre (ASL, militaires dissidents), contre un centre des services secrets à Harista près de Damas, n’est pas la première du genre. Cette force d’opposition armée, basée en Turquie, qui a multiplié ces derniers temps les opérations armées contre les forces syriennes, assure même la protection des manifestations populaires contre le régime syrien. Dirigée par un conseil militaire provisoire de huit membres dont quatre colonels, basé en Turquie, à proximité de la frontière syrienne, elle se fixe pour objectif de « faire chuter le régime », de « protéger les biens publics et privés et empêcher l’anarchie dès la chute du régime  ». En outre, l’ASL a lancé un appel pour la création d’une zone tampon militarisée à l’intérieur du territoire syrien proche de la Turquie. Il va sans dire qu’elle bénéficie de la protection de l’armée turque  !

Cette attaque s’est produite à quelques heures de la réunion des ministres des Affaires étrangères de la Ligue arabe à Rabat (Maroc) boycottée par Damas. Au menu de la rencontre, outre l’officialisation de la suspension de la Syrie de la Ligue arabe, le projet de mise en place d’une zone d’exclusion aérienne pour « la protection des civils  » soutenu par le Qatar et l’Arabie saoudite avec l’appui de monarchies arabes, devait y figurer. Il faut savoir qu’en plus de l’Armée syrienne libre, des opposants syriens ont multiplié les appels en faveur d’une option qui rappelle le scénario libyen. Au nom du Conseil national syrien (CNS), Najib Ghadbian a appelé à partir de Tripoli en Libye (est-ce un hasard  ?) à l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne ou d’une zone tampon à la frontière syro-turque. L’ex-vice président syrien, Abdelhalim Khadam, s’est également prononcé en faveur d’une intervention étrangère. En revanche, le Comité national de coordination pour le changement démocratique (CNCCD, regroupement de 13 partis de gauche, kurdes et nationalistes arabes et des organisations de jeunes) présidé par Michel Kilo, hostile à toute intervention étrangère, s’est prononcé pour «  un compromis historique  » permettant d’en finir avec le pouvoir du Baas. À l’arrière-plan du jeu d’influence qui se joue dans cette région, Ankara, dont le chef de la diplomatie turc, Ahmet Davutoglu, a déclaré hier à Rabat, que «  le régime syrien va payer très cher ce qu’il a fait  », entend peser sur l’évolution de la situation et ne pas se faire doubler par Doha et Riadh. Et aux manettes de ceux qui poussent à la confrontation militaire, Washington, qui a demandé à la Ligue arabe d’adresser «  un message énergique  » à Damas  ! Mais aussi Paris dont le chef de la diplomatie Alain Juppé se rendra jeudi en Turquie !

Finalement, en raison de l’opposition de l’Égypte et de l’Algérie, mais aussi de l’Irak, du Liban et du Yémen, l’organisation panarabe et la Turquie se sont accordées pour l’adoption de «  mesures urgentes pour protéger les civils  » de la répression du régime syrien. Il n’en reste pas moins que le scénario à la libyenne n’est sans doute pas tout à fait abandonné. Ce n’est peut-être que partie remise si jamais le régime de Bachar Al Assad persistait dans son aveuglement répressif.

L’armée syrienne Libre

Forte de 15 000 déserteurs, l’Armée syrienne libre, structurée en dix-huit bataillons, est dirigée par 
un Conseil militaire provisoire de huit membres avec à sa tête le colonel Riad Al Assad, basé en Turquie, tout prêt de la frontière syrienne. L’Armée syrienne libre, qui a revendiqué plusieurs attaques contre 
les forces syriennes, affirmant avoir tué plus de mille soldats et policiers, est favorable à l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne, à l’image de ce qui a été fait en Libye.

Hassane Zerrouky, L’Humanité du 18 novembre 2011

1) Syrie. Le risque d’une révolte armée

Une « Armée syrienne libre », ­basée en Turquie, revendique les attaques contre les troupes fidèles au régime de Bachar Al Assad. Un scénario « à la libyenne » n’est pas à exclure.

Tout peut arriver en Syrie. L’insurrection populaire tend désormais à se transformer en conflit armé avec la multiplication des affrontements entre soldats, membres des forces de sécurité et déserteurs, qui ont notamment fait, samedi, 47 morts en vingt-quatre heures dans les rangs des forces du régime, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). Les défections se sont multipliées ces dernières semaines dans les rangs de l’armée, de nombreux déserteurs rejoignant l’« Armée syrienne libre », une force d’opposition armée dont la création a été annoncée en juillet par le colonel déserteur Riad Al Assad, soutenu par la Turquie, où il s’est réfugié.

Supplanter la mobilisation pacifique

Cette aile armée pourrait supplanter la mobilisation pacifique, sans que les comités populaires, véritable moteur de la révolte, ne l’aient décidé. D’autant que cette « Armée syrienne libre » n’a, pour l’heure, aucun lien officiel avec le Conseil national syrien (CNS), organe regroupant presque toute l’opposition, comme l’a confirmé à l’Humanité le président du CNS, Burhan Ghalioun.

Mais l’augmentation des attaques contre l’armée syrienne pourrait s’expliquer par la volonté de certains groupes, soutenus par des pays étrangers, de lancer un scénario à la libyenne. Vendredi, certains manifestants réclamaient la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne, alors que quelques jours plus tôt, l’ancien candidat républicain à la Maison-Blanche, John McCain, défendait une telle idée, arguant qu’une telle éventualité pourrait permettre la création d’enclaves à l’intérieur de la Syrie, des « ­Benghazi syriens » en quelque sorte, d’où pourraient être lancées des actions militaires d’envergure contre le régime de Damas.

On n’en est pas encore là. Malgré la situation, le président syrien, Bachar Al Assad, paraît serein. Il a donné une interview au journal britannique The Sunday Telegraph, dans laquelle il affirme que son pays est « complètement différent de l’Égypte, de la Tunisie ou du Yémen », et reconnaît que les forces de sécurité syriennes ont commis « beaucoup d’erreurs » au début de la contestation, mais visent désormais uniquement des « terroristes ». Le chef de l’État syrien note que les pays occidentaux « vont faire monter la pression », mais rappelle que la Syrie est un « élément central désormais dans la région. C’est la ligne de fracture et, si vous jouez avec, vous provoquerez un tremblement de terre ». Et de poser la question  : « Voulez-vous voir un nouvel Afghanistan, ou des dizaines d’Afghanistan  ? Tout problème en Syrie enflammera la région entière. Si le plan est de diviser la Syrie, cela revient à diviser la région entière. »

La ligue arabe monte au front

Pour l’heure, la Ligue arabe monte au front. Et ce n’est sans doute pas un hasard si le Qatar joue un rôle clé, en pointe dans la guerre contre la Libye et en charge de la nouvelle coalition militaire dans ce pays. Mercredi, une délégation, présidée par le premier ministre du Qatar, cheikh Hamad Ben Jassem Al Thani, a demandé au président Assad de s’engager sur un calendrier précis de réformes, d’accepter une réunion de représentants du régime avec l’opposition à l’étranger et l’arrêt de la violence. Citant des sources arabes bien informées, l’influent quotidien koweïtien Al-Qabas affirme que la délégation de la Ligue arabe a averti Damas que l’échec de sa médiation « aboutirait à une internationalisation de la crise », notamment à « une intervention étrangère et un embargo économique ».

Damas semble donc isolée. Pourtant, contrairement à ce qui s’est passé en Libye, aucune défection politique majeure n’a été enregistrée. Et le Conseil national syrien n’a été reconnu officiellement que par… la Libye de l’après-­Kadhafi. C’est dire si l’attitude des pays européens et des États-Unis semble plus dictée par des considérations géostratégiques qu’humanitaires. À cet égard, Bachar Al Assad a raison  : la Syrie n’est pas la ­Libye ou l’Égypte. Pourtant, ses principaux alliés s’impatientent. L’émissaire de la Chine au Moyen-Orient, Wu Sike, a fait savoir aux dirigeants syriens qu’ils doivent « respecter et répondre aux aspirations et aux revendications légitimes du peuple syrien ». Et le président Assad a répété compter « sur le soutien de la Russie ».

Pierre Barbancey, L’Humanité du 31 octobre 2011


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