Pascal formule une critique de l’Ancien régime qui annonce les Lumières

samedi 12 novembre 2011.
 

Pierre Guenancia revisite l’œuvre du philosophe de l’âge classique. Dans une langue empreinte du lyrisme du maître mais avec un vocabulaire à la portée de tous dans :

Divertissements pascaliens, de Pierre Guenancia. Hermann Éditeurs, 2011, 256 pages, 22,50 euros.

Les lettrés et les mondains du XVIIe siècle se sont volontiers émerveillés devant Pascal  : l’enfant prodige, le mathématicien et le physicien si novateur, le causeur de génie, le polémiste pourfendeur des Jésuites, et enfin cette sorte de saint qui, au terme d’une courte vie, souhaita accueillir, dans sa chambre d’agonisant, un miséreux rejeté par l’hôpital… Aujourd’hui, qu’est-ce que cet esprit étonnant, que le scepticisme paraît avoir conduit au mysticisme, peut apporter à nos contemporains, indépendamment du lyrisme brûlant qui anime certaines pages comme le Mémorial ou le Mystère de Jésus  ?

Pierre Guenancia répond d’autant mieux à cette question que, spécialiste de la philosophie de l’âge classique, il semble souvent s’exprimer dans la langue de Pascal lui-même. Relisant, commentant, expliquant non seulement les Pensées ou les Provinciales mais aussi les Traités scientifiques, les Discours sur la condition des grands ou les Lettres à l’ami Roannez, l’historien montre d’abord quels rapports subtils entretiennent Montaigne, Descartes et Pascal.

Il souligne combien la critique que formule Pascal, de la société humaine en général et de celle de l’Ancien Régime en particulier, est révolutionnaire et annonce les Lumières, les hommes de 1789 ou même Marx, par exemple, lorsque les Pensées suggèrent que le droit n’est jamais que la légalisation de la domination d’une classe sociale sur les autres. Étudiant ensuite longuement et finement les fragments célèbres sur le « divertissement » et sur ce que les moralistes jansénistes, de Nicole à La Bruyère, ont appelé « l’amour-propre » ou « l’amour de soi », Pierre Guenancia dévoile la portée des analyses de Pascal qui apparaissent à la fois comme un écho de la sagesse extrême-orientale et comme une dénonciation de l’individualisme et du libéralisme sauvages, dont s’inspire le discours des petits maîtres qui nous gouvernent actuellement…

Les développements sur la conception pascalienne du temps et sur « la destruction de la chose » qui concluent ce recueil d’études composées entre 1997 et 2011 attestent à quel point la lecture de Pascal par Pierre Guenancia est féconde, d’autant que, fort heureusement, elle ne requiert pas, à chaque page, la consultation d’un dictionnaire du vocabulaire philosophique  !

François Berriot professeur émérite 
des universités


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