A la veille du second tour de la primaire socialiste

samedi 15 octobre 2011.
 

Rappelons que ces primaires, les socialistes les ont organisées pour régler la crise du leadership dans leurs rangs. La crise venait d’une compétition de personnes d’autant plus indémêlable que celles-ci étaient d’abord d’accord en tout et sur tout. En résumé : la ligne était clairement positionnée au centre gauche mais la personne pour la porter n’était pas facile à désigner sans conflit susceptible de devenir mortel. En effet, si l’on en croit l’enquête du journal « Le Monde », la décision d’organiser les primaires fut prise alors même que beaucoup de dirigeants n’en voulaient pas, à cause des tricheries du congrès de Reims. On se souvient que ces tricheries avaient permis d’empêcher Ségolène Royal de prendre la tête du parti d’où elle aurait été la candidate naturelle. Mais les méthodes de triche utilisées, d’habitude réservées à minorer les courants de gauche du PS, ainsi appliquées pour la première fois aux importants du Parti avaient, du coup, délégitimé toute procédure de vote interne. La compétition des tricheurs avait créé une ambiance de totale et mutuelle suspicion. Les épisodes des votes internes suivants, comme celui de la désignation de Georges Frèche dans les cinq fédérations socialistes de la région Languedoc-Roussillon, puis les guerres autour de la Fédération des Bouches-du-Rhône avaient fini de décrédibiliser tout le système interne. Montebourg eut donc le dernier mot et les primaires ont eu lieu. Tout était en place pour un match joué d’avance. Patatras ! Le problème du choix de personne va être réglé, bien-sûr. Le vote de dimanche va y pourvoir. Mais celui de la ligne politique est dorénavant totalement embrouillé ! En effet, il y a eu l’irruption des thèmes portés par Arnaud Montebourg qui ne se limitent pas à la question de la « démondialisation ». Ils sont si proches de ceux du Front de Gauche ! Tous les observateurs l’ont relevé. Et il y a eu les avancées de Ségolène Royal sur le terrain de la lutte contre le système financier. Tout cela a totalement déréglé la belle mécanique de la bataille pour occuper l’espace centriste. On a vu les deux candidats restants condamnés à se déporter vers ces thèses pour grappiller des voix dans le grand public.

A la veille du second tour de la primaire socialiste, mon avis est plus que jamais de s’en tenir au respect du droit pour le PS de désigner comme il l’entend son candidat. Et de ne point s’en mêler sauf à créer de terribles illusions. Car le face à face entre Martine Aubry et François Hollande est bien moins frontal que l’a été la séquence précédente où les thèmes de Montebourg, Valls et Royal proposaient de véritables clivages. Voici ce qu’a dit Arnaud Montebourg, avant le vote de dimanche dernier, à propos de Hollande et d’Aubry : « Ce sont deux candidatures parfaitement légitimes mais parfaitement identiques. Elles sont solubles dans la mondialisation. Elles ne remettent pas en cause le système. Ce sont des gestionnaires du moindre mal » (Libération, 24/05/11) Il a ensuite précisé son point de vue. "Aubry et Hollande sont deux candidats officiels de la direction du Parti socialiste. Et on ne voit pas pourquoi il y a deux candidats pour représenter un seul courant politique. Le duel Hollande contre Aubry n’a aucun sens. Ils ont tous les deux cogéré le PS, ils ont tous les deux voté pour le traité constitutionnel européen. Ils sont tous les deux les héritiers politiques de Delors. Il y a des barons et les mêmes propositions des deux côtés. Ce sont tous les deux d’anciens élèves de l’ENA qui, sur le nucléaire comme sur le contrat de génération, ont un débat de techniciens" (Libération 30/09/11). Ce point de vue n’était pas isolé. Ce n’était pas seulement celui d’un de leurs concurrents. Jean-Pierre Chevènement en a dit autant à propos des deux mêmes, en connaisseur : « Ils sont tous les deux des bébés Jospin, ou plutôt des bébés Delors, les héritiers des choix faits au milieu des années 1980. Choix que j’ai combattus, et dont l’échec a été rendu manifeste par la crise du néolibéralisme en 2008-2009 et celle de l’euro en 2010-2011. ». (L’Express, 25 juin 2011). Ce que Bertrand Delanoë, soutien de Martine Aubry confirmait de façon plus suave : "Jacques Delors a eu deux enfants spirituels, l’une est de gauche, c’est Martine, et l’autre est de droite, c’est François.". De bien des façons, je n’ai rien à ajouter.

En décidant d’interpeller ses camarades par un courrier précis, Arnaud Montebourg a pris ses distances avec la méthode simpliste et peut-être même simplette qui reporte le concept de désistement ou de report de voix dans une élection où cela n’a pas lieu d’être. Dans le désistement joue la « discipline républicaine », vieille règle qui veut que l’on se désiste pour le candidat de gauche le mieux placé pour empêcher celui de la droite de l’emporter. Cette tradition remonte à la période des premières élections libres où les candidats républicains faisaient front pour empêcher les monarchistes de l’emporter. Entre Hollande et Aubry il n’y a ici ni droite ni monarchiste en cause. Il n’y a pas de figure imposée ni rien d’automatique par conséquent. Ce sont au contraire les contenus, les propositions, qui seuls comptent pour former sa décision. C’est si vrai que de notre côté nous n’agissons pas autrement que Montebourg vis à vis de ses camarades. Bien sûr nous n’avons pas à exprimer de préférence dans le vote pour désigner le candidat socialiste. Ce n’est pas notre affaire puisque nous ne voterons pas pour lui. Rappelons en effet que le candidat du Front de Gauche est déjà investi. Pour autant nous ne sommes pas indifférents. C’est tout le contraire. Nos amis, nos électeurs veulent chasser la droite du pouvoir. Non par détestation personnelle mais du fait des politiques qui sont appliquées. C’est avec elles que doit se marquer la rupture. Notre devoir est bien alors d’interpeller les candidats socialistes sur le contenu de leur programme et leur stratégie d’alliance politique. Car nous avons lieu d’être inquiets compte tenu de ce que l’un et l’autre ont déclaré sur les questions qui comptent. Je pense à la politique d’austérité et à l’alliance avec le centre ! Sur ces deux questions l’appétit droitier des deux candidats restés en lice ne s’est pas démenti. De même que leur refus de dire comment ils comptent s’y prendre pour gouverner face aux banques. Ou d’en finir avec le régime de la monarchie quinquennale qu’est la cinquième République. Ce n’est pas avec ce flou ou ces refus d’agir qu’on pourra convaincre une majorité populaire de se rassembler autour de la gauche.


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