Taxe Tobin en Europe : une avancée qui vient trop tard (Attac France)

dimanche 16 octobre 2011.
 

Le Président de la Commission européenne, M. Barroso, va proposer au Conseil européen un projet de directive sur la taxation des transactions financières. Il y a dix ans nous aurions crié victoire. Mais aujourd’hui c’est trop peu, trop tard.

Que tous les responsables politiques européens reprennent une proposition que nous portons depuis 12 ans re-présente une victoire des idées d’Attac. Les modalités proposées par la Commission rejoignent sur plusieurs points nos propositions : un taux de 0,1%, appliqué à toutes les transactions impliquant des opérateurs financiers européens, aurait indiscutablement un effet régulateur important en dissuadant les opérations les plus spéculatives, notamment le "trading à haute fréquence". La prise en compte des transactions sur les produits dérivés, à leur valeur nominale, serait également une avancée importante, même si on peut regretter que le taux proposé ne soit alors que de 0,01%. L’ampleur de la proposition est malheureusement limitée par l’exclusion de la taxation des transactions sur le marché des changes (entre l’euro et d’autres devises ) car ce marché pèse 4.000 milliards de dollars par jour, soit près de la moitié des transactions financières dans le monde.

Des interrogations majeures subsistent sur l’utilisation des fonds récoltés. Si le produit n’est utilisé que pour com-bler les déficits et renflouer une nouvelle fois les banques sans contrepartie, l’efficacité sera nulle. Les dizaines de milliards d’euros que la taxe pourrait rapporter doivent alimenter des fonds européens et mondiaux pour financer la lutte contre la pauvreté en Europe et ailleurs, contre les épidémies et le réchauffement climatique, et pour amorcer la transition écologique.

Nous ne sommes pas dupes : les dirigeants européens ne se sont résolus à nous donner raison que pour mieux justifier auprès des opinions publiques le passage du rouleau compresseur de l’austérité, avec son lot de politiques injustes. Une offensive d’une virulence inédite se déroule en ce moment en Europe contre l’État social alors que les dettes publiques et la crise de l’euro, loin de résulter d’un excès de dépenses, proviennent de la crise financière et des cadeaux fiscaux consentis depuis vingt ans aux privilégiés. La taxe sur les transactions financières ne suffira aucunement à redistribuer les richesses à la hauteur des nécessités actuelles. Il n’est pas non plus anodin qu’elle soit annoncée au moment où se profile une recapitalisation des banques européennes par les fonds publics : il s’agit d’éviter une révolte contre ce nouveau sauvetage des banques, en donnant l’impression que la finance est elle aussi mise à contribution.

Cette taxe – et seulement en 2014 – c’est trop peu, trop tard. Trop peu car le désarmement des marchés finan-ciers, nous l’avons toujours dit, ne peut se limiter à une taxe : il faut aussi des réglementations énergiques (démantèlement des banques "trop grosses pour faire faillite", contrôle de flux des capitaux, interdictions des transactions de gré à gré, stricte limitation des marchés de produits dérivés, surtout sur les marchés de produits alimentaires...). Trop tard, car la crise financière provoquée par trente années de laxisme prend aujourd’hui des dimensions dramatiques. Des solutions radicales deviennent désormais incontournables, comme la socialisation du secteur bancaire et sa mise sous contrôle de la société ; l’audit des dettes publiques et la répudiation de leur part illégitime ; la réforme de la Banque centrale européenne pour qu’elle puisse financer directement les États... Nous avions raison sur la taxe Tobin ; souhaitons qu’il ne faille pas encore dix ans et une crise cataclysmique pour que nos propositions actuelles soient elles aussi prises au sérieux. Nous les réaffirmerons dans la rue le 15 octobre avec les indignés d’Europe et du monde, et au contre-G20 à Nice du 1er au 4 novembre.


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