LES 4 VERITES DE JOSE BOVE (interview)

samedi 30 décembre 2006.
 

SO : Vous êtes toujours sur le devant de la scène médiatique, mais n’avez-vous pas l’impression que votre image s’est brouillée depuis le démontage du McDo en 1999 ?

José Bové. Non, il me semble être resté fidèle à ce que j’ai toujours été. J’avais mené des luttes sur le Larzac avant le McDo, j’en mène encore à l’échelle mondiale. J’estime que mes combats s’enchaînent logiquement.

SO : Vous aviez pourtant juré que vous ne feriez jamais de politique. Or, on vous a retrouvé il y a peu candidat potentiel des antilibéraux à l’élection présidentielle.

José Bové : J’avais participé avec la Confédération paysanne à la campagne contre le traité constitutionnel européen. Le non avait été ressenti comme une victoire et j’avais pensé qu’à partir de cette dynamique, on pouvait mener d’autres combats électoraux et peser à gauche.

SO : Mais vos partenaires ont vite retrouvé leurs maillots habituels pour la présidentielle ?

José Bové : Il s’est passé ce que je redoutais : le patriotisme d’appareil a rapidement repris le dessus. A partir du moment où nous ne pouvions plus agir de façon collective parce que le PC et la LCR jouaient individuellement, je n’avais plus qu’à me retirer.

SO : Vous ne regrettez rien ?

José Bové : Si, que ces partenaires n’aient pas compris que les gens avaient envie d’autre chose en politique et que nous pouvions obtenir un score à deux chiffres, permettant de poser des questions fondamentales. L’émiettement est une maladie infantile et incurable de la gauche française.

SO : La candidate du Parti socialiste est-elle capable de donner du poids à vos idées ?

José Bové : Je connais Ségolène Royal depuis plus de quinze ans. J’ai participé avec elle en Poitou- Charentes à des débats sur les OGM, l’irrigation... Elle n’était pas alors sous les projecteurs et elle me paraissait réellement intéressée par ces sujets. Nous verrons la suite des événements.

SO : Vous connaissez également son principal rival ?

José Bové : Oui, il m’a envoyé un hélicoptère en juin 2003 pour m’amener plus rapidement en prison. Il faut tout faire pour battre Nicolas Sarkozy. C’est quelqu’un de très libéral et dangereux. Ses discours sur les banlieues, par exemple, ne font qu’attiser les haines. Il ne peut qu’accroître la fracture sociale.

SO : Et Le Pen ?

José Bové : Il est toujours là et surfe sur la même désespérance. C’est un danger pervers, car il prend maintenant des airs de papy bonhomme, comme Pétain en 40.

SO : L’écologie est au centre des débats. Comment jugez-vous la démarche de Nicolas Hulot ?

José Bové : On ne peut pas contester sa sincérité, mais son constat a été fait depuis longtemps. Quant au projet, je le trouve creux, car il ne s’attaque pas aux vrais responsables de la crise écologique. Hulot donne dans le discours catastrophiste et propose ensuite des solutions qui ne sont pas de nature à effrayer les pouvoirs et les lobbys en place. Que se passera-t-il une fois que Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy auront signé son pacte pour l’écologie ? Rien. On ne peut pas défendre l’environnement sans remettre en cause l’ordre économique de la planète. Ne restent alors que Les Verts ? (Sourire.) Quand on a vu Dominique Voynet ne pas démissionner d’un gouvernement qui autorisait les premiers essais OGM et la création d’un centre d’enfouissement des déchets nucléaires, on a le droit de se dire que leurs résultats sont minces.

SO : Dans ces conditions, participerez-vous à la prochaine campagne électorale ?

José Bové : J’y participerai à ma manière, si je ne suis pas en prison.

SO : Vous semblez admettre cette hypothèse avec un certain fatalisme.

José Bové : A partir du moment où l’on commet des actes de désobéissance civique à visage découvert, on sait que l’on s’expose à des condamnations. Mais tant qu’il n’y aura pas un moratoire sur les OGM et un référendum permettant aux Français de se prononcer pour ou contre, ce ne sont pas ces risques qui m’empêcheront d’aller au bout de mon combat.

SO : Quel est ce combat ?

José Bové : C’est la lutte pour le droit des peuples à se nourrir avec les produits de leur agriculture et d’utiliser leurs semences ancestrales, plutôt que de vivre sous le joug des multinationales et de leurs OGM. Mon rôle est de mobiliser, de créer des liens entre pays. On affirmait que les paysans étaient condamnés à se taire et à mourir, mais ils se rebiffent.

SO : Peut-on se sentir encore paysan quand on est une semaine à Nouméa, une autre en Bolivie, et davantage sur les plateaux de télévision que sur celui du Larzac ?

José Bové : Je suis porte-parole de Via Campesina, un syndicat regroupant 200 millions de paysans sur la planète, ce qui explique ces déplacements. Mais je suis aussi membre d’un Gaec, ici à Montredon. Je suis associé avec Damien et Evelyne, un couple de jeunes arrivant de Savoie. Je m’occupe de l’entretien des terres, Damien du troupeau de 150 brebis et Evelyne, des fromages. Ce jeune couple savait très bien que je n’étais pas un associé comme les autres. Nous nous sommes connus en 2002, devant la prison de Villeneuve-lès-Maguelonne.

SO : Des mauvaises langues chuchotent que vous avez payé votre maison avec des aides agricoles.

José Bové : Ma maison fait 110 m2 habitables et le mètre carré revient à 1 200 euros. J’ai obtenu auprès d’une banque un prêt personnel habitat de 90 000 euros. La différence est de l’autofinancement. A 53 ans, il me semble que j’avais le droit de construire ma maison sur ce plateau où je me suis battu et où j’ai choisi de vivre.


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