Nouveau suicide d’une professeur. Vers le syndrome France Telecom ?

vendredi 16 septembre 2011.
 

Caroline Garnier avait 29 ans. Le 11 août dernier, elle se trouvait à Gap au domicile de ses parents. Sa mère est partie randonner en montagne. “Elle semblait aller mieux. Jamais je n’aurais imaginé…”

Les yeux rougis, Françoise Garnier n’ira pas au bout de sa phrase. Cette journée d’été, sa fille Caroline a mis fin à ses jours quelques heures après le départ de ses parents, les laissant dans la peine et l’incompréhension.

“J’ai passé les vacances de février à cauchemarder...” Caroline Garnier avait choisi l’enseignement après avoir effectué des études variées. Au terme de deux ans de travail, elle avait réussi le concours de professeur des écoles. En septembre 2010, elle intégrait l’école Joseph-Vallier de Grenoble. Une année très difficile pour la jeune enseignante qui démarre sa carrière face aux élèves.

Sa mère avec ses mots et sa colère de mère décrit une “humiliation”, “un manque d’aide et d’écoute”, du “harcèlement”. Sa fille témoigne de son malaise dans le journal du syndicat FO : “J’ai passé les vacances de février à cauchemarder sur la reprise. J’essaye de tenir compte des conseils et des critiques qui me sont donnés et qui sont dans les nombreux rapports, mais à chaque fois, on me trouve quelque chose qui ne va pas. Je travaille le matin, le soir, même à la pause de midi. Il y a quelques semaines, j’étais tellement épuisée que mon médecin a prescrit un congé.”

L’année se termine. Caroline passe devant un jury qui peut offrir trois issues : la titularisation, le renouvellement pour un an ou le refus d’admission.

Ce sera la dernière solution pour la jeune femme. Le 18 juillet, elle reçoit la lettre lui signifiant cette décision et le vit très mal selon ses proches. Trois semaines plus tard, elle en vient au pire.

Quelle est la part de drame personnel et quelle est celle de l’échec et du mal-être professionnel dans le geste de Caroline ?

Pour le syndicat FO-éducation auquel elle avait adhéré, “Caroline est une victime de la mastérisation”. Pascal Costarella, représentant syndical, indique avoir d’ailleurs reçu de nombreux appels de professeurs-stagiaires en détresse dans l’année.

Le recteur “scandalisé” !

Le recteur de l’académie de Grenoble Olivier Audéoud affirme être “scandalisé” par l’analyse de FO. Nommée dans une école sans histoire de Grenoble (Joseph-Vallier), Caroline Garnier a bénéficié selon le recteur d’un accompagnement constant. “Il s’est révélé très tôt qu’elle avait des difficultés, indique-t-il. Elle avait un manque d’autorité très clair, et elle n’arrivait pas à mettre en application son enseignement.”

Pour lui, un soutien exceptionnel lui a été apporté avec un nombre de visites dans sa classe et de journées d’observation bien supérieur aux autres professeurs-stagiaires.

“En mai et juin, elle a été de nouveau en doublon, poursuit le recteur. Le jury a considéré qu’elle n’avait pas progressé. Il a décidé de ne pas l’intégrer dans la fonction publique”. Le recteur compatit à la douleur de la famille : “C’est dramatique.”“Mais nous avons tout fait pour l’aider“, estime-t-il.

FO attend le résultat de l’enquête du comité d’hygiène et sécurité qui va enquêter sur le cas de Caroline. “Nous craignons clairement un syndrome France Télécom”, indique Pascal Costarella. Le syndicat réclame aussi l’arrêt de la mastérisation. Et il lance une pétition pour demander au ministre de l’Éducation de faire évoluer l’accompagnement des professeurs-stagiaires.

La mère de Caroline, elle, le concède les yeux rougis : “Elle n’était peut-être pas faite pour être enseignante. Mais elle aurait mérité une seconde chance.”

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