Le vote FN révèle « une demande de protection » des milieux populaires (La Croix d’après étude IFOP)

samedi 10 septembre 2011.
 

Dans une étude publiée par la Fondation Jean-Jaurès, le sociologue Alain Mergier et Jérôme Fourquet, de l’Ifop, décryptent les ressorts du vote d’extrême droite en milieux populaires. Selon eux, les catégories populaires ne sont pas d’extrême droite, mais seul le FN répond à leur demande de protection.

Ce n’est pas la première et ce ne sera pas la dernière étude sur le vote FN. Mais celle qui vient d’être publiée par la Fondation Jean-Jaurès, liée au PS, présente la particularité d’être centrée sur les milieux populaires - employés et ouvriers dont le salaire mensuel est inférieur à 1 250 € net - et de croiser les analyses qualitatives du sociologue Alain Mergier, directeur associé de l’Institut Wei, avec les données quantitatives de Jérôme Fourquet, directeur adjoint du département Opinion de l’Ifop.

Ses tenants et aboutissants ne sont pas sans rappeler la fameuse note d’Emmanuel Todd, en 1994, pour la Fondation Saint-Simon (Aux origines du malaise politique français), à l’origine de la thématique de la « fracture sociale ».

Dans leur étude intitulée Le Point de rupture, Alain Mergier et Jérôme Fourquet renversent l’ordre des facteurs : il s’agit, selon eux, non pas d’un « phénomène Marine Le Pen », du côté de l’offre politique, mais d’un « phénomène milieux populaires », du côté de la demande politique. La présidente du FN bénéficierait en effet d’une « empathie de points de vue » de la part des catégories populaires, parce qu’elle serait la seule à satisfaire une triple « demande de protection » : « protection des personnes physiques »,« protection économique des salariés »,« protection nationale face à la mondialisation ».

Sûrs d’eux, les auteurs estiment que « ces trois registres de demande constituent dans leur unité indivise la condition sine qua non de la crédibilité de toute offre politique » en direction des milieux populaires qui refusent, au nom du volontarisme politique qu’ils attendent, les « "réalités indéniables" chères aux élites » (l’euro, la mondialisation, la rigueur contre la dette publique, etc.). « Si, à cette demande, ne répond qu’une seule offre qui est celle de Marine Le Pen, il ne faut pas s’étonner du succès de cette dernière », concluent-ils. Sur ce point, toutefois, l’étude n’explique pas pourquoi les discours de Jean-Pierre Chevènement ou Nicolas Dupont-Aignan, voire Jean-Luc Mélenchon et Arnaud Montebourg avec la « démondialisation », ne profitent pas, eux aussi, de cette aspiration.

Prenant le contre-pied d’une récente étude de la Fondation Terra Nova (Gauche : quelle majorité électorale pour 2012 ?), celle de la Fondation Jean-Jaurès se veut optimiste : « C’est une erreur de juger les milieux populaires comme culturellement ou intrinsèquement d’extrême droite au prétexte que l’unique offre qui reconnaisse leur demande soit aujourd’hui formulée par la candidate du FN », écrivent ses auteurs. Elle se conclut sur un appel urgent à l’élaboration d’une autre offre politique qui ne confonde pas, elle, « populiste » et « populaire », « demande de protection » et «  protectionnisme », « demande de sécurisation » et « idéologie sécuritaire ». D’autant, mettent-ils en garde que cette aspiration à « changer la réalité et non plus s’y plier » se développe « désormais au sein de la classe moyenne ».

LAURENT DE BOISSIEU


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message