Kadhafi. La fin d’un despote, as des demi-tours contradictoires, après 42 ans de règne (3 articles)

dimanche 28 août 2011.
 

Au pouvoir depuis 1969, Mouammar Kadhafi, à qui les capitales occidentales déroulaient il y a moins d’un an le tapis rouge, vit sans doute ses tout derniers jours à la tête de la Djamahiryia, « l’État des masses ».

« Dans le grand Sahara, dans les forêts africaines denses et obscures, nous défierons toutes les armées », lisait-on sur l’une des banderoles ornant la place Verte en ce 1er septembre 1999. Tripoli, en fête, commémorait alors le trentième anniversaire de l’arrivée au pouvoir du colonel Kadhafi qui caressait le rêve de créer « les États-Unis d’Afrique ». Dix ans plus tard, en février 2009, il se faisait couronner « roi des rois d’Afrique »  ! Et quand son « frère » Ben Ali est renversé en Tunisie, il se dit persuadé que le despote tunisien va revenir au pouvoir.

C’est à la tête d’un groupe de jeunes officiers libyens, regroupé au sein du Conseil du commandement de la révolution (CCR), que le capitaine Kadhafi (vingt-sept ans) a pris les rênes du pays à la suite d’un coup d’État mettant fin au règne du roi Idriss Ier et proclamant la République arabe libyenne. Dès sa prise du pouvoir, cet admirateur du président égyptien Gamal Abdel Nasser, qui s’octroie le grade de colonel, annonce le doublement des salaires, ferme les bases militaires britanniques et américaines, expulse les colons italiens après avoir saisi leurs biens. Durant l’année 1970, le CCR crée la Compagnie nationale du pétrole (NOC) et impose aux compagnies pétrolières le doublement des royalties versées. En 1971, il nationalise les champs pétroliers. En juin de cette même année, Kadhafi fonde un parti, l’Union socialiste arabe (USA), prônant un socialisme teinté de panarabisme et de références à l’islam mais fortement anticommuniste. Aussi rien de surprenant qu’il ait livré en juillet 1971 au dictateur soudanais Jaafar Nimeyri plusieurs dirigeants communistes soudanais, dont Joseph Garang, qui furent exécutés dès leur retour à Khartoum.

Au sein du CCR, les dissensions n’allaient pas tarder. Se sentant menacé, Kadhafi prononce un discours en 1973 à Zwara  : s’inspirant certainement de Mao Zedong, il appelle à la révolution populaire contre la bureaucratie et l’administration. Il dissout le parti ainsi que le CCR et procède à une épuration en règle. En 1975, prétextant d’une tentative de coup d’État, il écarte ses rivaux, publie le Livre vert, qui reprend les grandes lignes de son discours de Zwara, et prône une troisième voie de développement qui serait une alternative au capitalisme et au socialisme. Il s’autoproclame guide, sans fonction officielle, qu’il a comparé plus tard à celle de la reine Élisabeth. En mars 1977, il proclame la Djamahirya, « l’État des masses populaires », instaure une nouvelle institution, le Congrès général du peuple, avec une direction tournante de la base au sommet, de sorte à empêcher la création de groupes d’intérêts. Ce faisant, Kadhafi a créé du même coup une organisation politico-sociale unique au monde  : pas de Constitution, pas de syndicats, pas de partis politiques, pas de réel gouvernement, pas même de société civile à même de remplir le vide créé par une éventuelle chute du régime. Le système politique mis en place repose en fait essentiellement sur l’alliance entre les principales tribus du pays. En outre, il a mené une campagne d’assassinats ciblée de ses opposants en Europe.

Au plan international, après avoir échoué à unifier les pays arabes en une seule nation, Kadhafi se tourne vers l’Afrique, intervient au Tchad, soutient militairement Amin Dada en Ouganda, finance à coups de millions de dollars des dictatures africaines. Accusé de soutien au terrorisme international (attentats contre une discothèque à Berlin en 1986), il échappe à la mort suite au bombardement de sa résidence par des avions américains. Isolé, il ne doit son retour sur la scène internationale qu’à la reconnaissance de l’implication de son pays dans ces attentats, notamment ceux de Lockerbie, et à l’ouverture des champs pétroliers (une dénationalisation qui ne disait pas son nom) aux compagnies américaines. Devenu fréquentable, l’Occident capitaliste lui déroule le tapis rouge, ferme les yeux sur son côté fantasque et les frasques de ses fils dans les capitales européennes, la corruption et le placement de millions de dollars détournés dans les banques occidentales... En attendant de l’abattre, quarante-deux ans après son arrivée au pouvoir.

Hassane Zerrouky

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