"Le Front de gauche propose que le peuple s’empare du pouvoir au lieu de l’abandonner à des institutions non élues" (Jean-Luc Mélenchon)

mercredi 7 septembre 2011.
 

Vous avez rompu une pause estivale pour vous exprimer sur la crise de la dette pour dire deux choses : que la situation était grave, mais pouvait être porteuse d’espérance.

Jean-Luc Mélenchon. Très grave ! La crise aux États-Unis est incontestable. Leur économie repose sur le fait qu’on leur fait confiance politiquement pour rembourser un jour. Or l’atelier du monde, la Chine, est en train de passer en tête des nations. Quand ce sera fait, les États-Unis seront ramenés à la réalité. Ils ne pourront plus vivre à crédit. C’est une bifurcation majeure de l’ordre mondial. Et nous pouvons tirer notre épingle du jeu dans ce basculement.

La situation de l’Europe est, dites-vous, tout à fait différente.

Jean-Luc Mélenchon. Si l’appauvrissement volontaire de l’État est aussi à l’œuvre dans l’UE, nous avons des moyens d’action très importants. Nous pouvons, en Europe, briser les reins de la spéculation. Voyez quand les agences de notation nous menacent. M. Barroso fait l’outragé  ! C’est d’une hypocrisie absolue  ! En juin 2010, il leur a donné un pouvoir de libre circulation dans toute l’UE. En juin dernier, une directive leur a permis de s’auto-saisir sur n’importe quel instrument financier en Europe. Ainsi a été donné à des entreprises privées un pouvoir arbitral exorbitant, qui est d’habitude celui des institutions étatiques. Ça prend le temps d’une signature de décider le contraire et d’abroger toutes ces dispositions. Ce ne sont pas les marchés qu’il faut rassurer, ce sont les productifs. Rassurer ceux qui produisent, entreprises et travailleurs, pas la finance.

Mais comment lutter contre cette fausse évidence qu’il faut à tout prix « rembourser la dette » des États ?

Jean-Luc Mélenchon. Les gens croient que le budget de l’État est comme leur budget familial : « On fait avec ce que l’on a. » En fait, c’est très différent. Les gouvernements ont volontairement appauvri l’État : ils ont réduit les impôts des hauts revenus et creusé la dette pour discréditer l’État. Quand Nicolas Sarkozy a été ministre du Budget d’Édouard Balladur, il a augmenté la dette de 20 points. Depuis qu’il est président de la République, autant. L’État pourrait au contraire parfaitement rééquilibrer ses comptes en augmentant ses recettes. Je n’ai pas là un point de vue exagéré ; les banques ont fait l’an dernier 21 milliards de profits, Total  : 40 milliards sans payer d’impôt… Nous ne sommes pas par conséquent dans une crise de la dette, mais une crise de l’inégalité de la contribution de chacun au bien commun.

Ces jours-ci, le monde franchit un seuil, estimez-vous

Jean-Luc Mélenchon. Oui, et n’oublions pas aussi que la crise écologique, bien plus irréversible, continue son chemin. Nous, au Front de gauche, nous sommes une force responsable, nous ne pensons pas que nous pourrions construire notre projet plus facilement sur des ruines. L’histoire nous a assez montré que dans le désordre, c’est parfois le parti sécuritaire qui l’emporte. Le meilleur est possible aussi : regardez en Amérique du Sud, c’est la révolution citoyenne qui l’a emporté…

Autre écueil, l’idée d’impuissance politique dans une économie mondialisée

Jean-Luc Mélenchon. Le discours de la résignation se donne toujours les apparences de l’évidence. La finance peut être dominée. Les marchandises aussi. Avec un système de visas sociaux et écologiques pour celles qui entrent dans l’UE, du jour au lendemain le paysage changerait. Le marché européen avec 450 millions de consommateurs est suffisant pour permettre les économies d’échelle nécessaires à une production à bon marché.

Dominer la finance, cela peut-il se faire à l’échelle de la France, aussi  ?

Jean-Luc Mélenchon. La France est forte  ! C’est la deuxième économie de l’Union ! Plus riche qu’elle ne l’a été de toute son histoire. Nous sommes le peuple le plus jeune et bientôt le plus nombreux de l’Union. Le Front de gauche propose que le peuple s’empare de ce pouvoir au lieu de l’abandonner à des institutions non élues. Voyez leur dérive autoritaire  ! Voyez comment M. Trichet donne des ordres à l’Italie  ! C’est la France de droite qui est au premier rang de la mise en œuvre de la mondialisation libérale  : des Français à la tête de la BCE, du FMI, de l’OMC, et en ce moment au G7-G20. Quand ce sera notre France au pouvoir, il se jouera une tout autre musique. Oui, vraiment, place au peuple  !

Entretien réalisé par 
Lionel Venturini


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