Les agences de notation sont les tigres de papier du capitalisme en crise

lundi 30 juin 2014.
 

Plus la dérégulation s’avance plus les crises reviennent vite. Les faits que nous avons sous les yeux sont trompeurs. L’esprit s’égare à courir au fil des dépêches d’agences et des déclarations politiques. Un jour ce sont les banques en crise, le lendemain les dettes souveraines, puis ce sont les dettes privées et ainsi de suite. Bien sur chaque aspect du dysfonctionnement du système à son explication localisée, sa dynamique spécifique. Il faut en tenir compte si l’on veut hiérarchiser les répliques et formuler des propositions crédibles. Mais il reste pourtant urgent de ne jamais perdre le fil conducteur général. Ce que nous vivons est une crise du système capitaliste dans son ensemble. Ce n’est pas la première. Et tant que durera ce système, il en ira ainsi.

Le capitalisme est un système hautement instable depuis son origine. Mais cette instabilité a été aggravée du fait même des mesures avec lesquelles les précédentes crises ont été réglées depuis un siècle. J’ai lu dans la presse qu’une sortie de crise comme une guerre ou une hyper inflation généralisée ne sont pas exclue par quelques analystes qui ne sont pas de mon bord tels qu’Alain Minc ou Jacques Attali. Pour ne pas surcharger cette note je renvoie sur ce point à ce que j’en ai déjà écrit dans des notes précédentes. Je n’en répète qu’une conclusion : le pire ne serait pas qu’il y ait la crise mais que nous soyons incapables d’en tirer un monde nouveau.

Pour l’instant, libéraux et sociaux libéraux ne se préoccupent que d’une chose. Guérir le seul système qu’ils croient indépassable. Le guérir en répondant à ses exigences, d’après ses propres normes. Et nous nous proposons de l’affronter et de soumettre l’action publique à d’autres normes.

Je voudrais m’en tenir au moment. Dans tout ce qui se dit s’écrit et s’échange à propos de la « crise » en cours, il y autant à boire qu’à manger. Du meilleur et du pire. Tout dépend du point de vue sous lequel on se place. Tout est vrai et tout est faux en même temps, pour la raison que c’est selon ce que l’on veut défendre au bout du compte. Il est juste de dire que « l’explication de la crise » est la poursuite de la politique par d’autres moyens. Elle est donc un enjeu. A présent, selon moi, notre première tâche est de résister intellectuellement. Ne rien croire sur parole. Tout vérifier, tout questionner. Ce n’est pas facile car la machine à rabâcher tourne déjà à plein régime. Quand on vous dit que « Standard and Poor’s » déclasse la note des Etats-Unis, tenez compte du fait que le propriétaire de cette agence est un gros républicain, ennemi juré des démocrates. Quand vous voyez les mines pédantes des docteurs « je sais tout » présenter les déclarations de cette agence comme des faits scientifiquement établis, souvenez vous qu’elle a reconnu s’être trompé de deux mille milliards dans ses calculs à propos des Etats-Unis. Deux mille milliards, rien que ça ! Sous le titre « triple zéro aux agences de notation », une enquête du journal Libération montre le degré incroyable de suffisance et d’amateurisme de ces agences.

Pourquoi ce devoir de résistance intellectuelle est-il si essentiel. Voyons. Une terrible cure d’austérité est en vue. Comme c’est nouveau ! Et comme c’est étrange ! Pour l’essentiel elle consiste à accélérer et approfondir la réorganisation de la société autour des objectifs, des méthodes et des exigences du libéralisme. Moins d’Etat moins de services publics, plus de privatisation et ainsi de suite. On connait. On pensait avoir atteint une limite. La « crise de la dette » survient à point nommé pour justifier un nouvel et terrible assaut. J’entends déjà le chœur des outragés « comment ? Vous niez la gravité de la situation ? » Et ainsi de suite. Je ne la nie pas. Je pense que le système est très malade et qu’il n’y a pas de guérison en vue. C’est pourquoi je propose de rompre avec ce qui provoque la maladie. C’est cela le projet du Front de Gauche depuis le premier jour. Il n’y a aucune fatalité à devoir subir ce qui se prépare. C’est pourquoi la résistance commence par la contestation, mètre par mètre, de tout ce qui cherche à passer pour une évidence justifiant « objectivement » la politique de privations qui est annoncée.

La lutte sera longue et il faut prendre tout de suite les bonnes habitudes. Parmi celles-ci, disqualifier la parole des autorités qui prétendent déduire de vérités révélées par des « agences » des politiques aussi cruelles que celles qui sont annoncées. Dans le moment présent c’est sur les agences de notations qu’il faut concentrer les projecteurs. C’est elle dont il faut abattre le crédit et l’autorité dans les esprits. Car face aux dangers que met en scène le système devant les peuples récalcitrant la résignation est souvent au rendez vous. Oui les gens du commun ont peur d’être traités comme des grecs. Et puis ils se représentent le budget d’un pays comme celui de leur famille. Ils se disent « on fait avec ce qu’on a ». Il faut rembourser la dette tout de suite parce que c’est dangereux. Autour d’eux on le répète à l’envie. La machine diffuse du matin au soir des arguments de soumission. Elle fait peur. Et comment se méfier quand le plus important parti d’opposition reprend à son compte les modes de calcul et les normes du système pour faire des propositions de « réduction du déficit » exactement conforme au plan de route fixé par son adversaire. Les gens en déduisent que si tout le monde est d’accord c’est que ça doit être vrai. Avoir eu raison avant l’heure ne nous servira de rien dans ce domaine. Dans un premier temps les crises n’ont jamais incité à l’audace. Cette réalité là pèse lourd sur nos épaules.

Pour autant tout est-il écrit ? Non, bien sur ! Car la réalité se moque des schémas qui la décrivent où la nient. Elle fait son chemin sur une ligne de probabilités, plus ou moins grandes, où l’impact de la liberté humaine reste décisif. Car il y a un détail essentiel. En matière de rapports sociaux, comme c’est le cas en économie, maints grands penseurs négligent de se souvenir que tout commence et tout finit par de l’activité humaine. Ce sont des êtres réels en chair et en os qui produisent, échangent, consentent ou se rebellent. Certes, leur comportement est assez imprévisible ! C’est pourquoi les puissants se donnent tant de mal à bourrer les crânes ! Mais pour finir, si forte que soit la part d’illusion que les quidams nourrissent à leur propre sujet comme à propos de la société dans laquelle ils vivent, eux aussi sont pris en main par des nécessités qui parfois finissent par s’imposer à eux. Tout est dans ce détail.

Ce que l’on appelle politique de rigueur est en réalité une politique de privations. L’inconvénient des politiques de privations, pourtant si rationnelles sur le papier, c’est qu’elles s’appliquent à des gens réels qui ne peuvent pas être privés de tout, tout le temps. C’est une limite objective. Dès lors, ils sont contraints de réagir un jour ou l’autre. Leurs réactions compliquent donc tout. Mais surtout, en cela même, elles rendent irrationnelles la prévision qui n’en tient pas compte. Tout le monde connait peut-être l’anecdote qui réjouit les matérialistes de mon espèce. On raconte que des philosophes de l’antiquité discutaient de la réalité. Chacun y allait de sa chanson et brillait selon son génie propre dans l’art de la discussion. Survint Diogène le cynique, libertaire à travers les âges. Son argument fut le suivant : avec un bâton il frappa tous ceux qui passaient à sa portée parmi les faiseurs de discours. La réalité de la réalité était démontrée sans contestation possible par les cris et la fuite des bastonnés. La plupart des raisonnements qui se répètent en boucle ces temps-ci ne résisterait pas à un solide coup de bâton. Tout est rapport de force. Surtout l’économie humaine. Les gouvernements européens, de droite et sociaux libéraux marchent dans les pas de leurs homologues d’Amérique du sud en matière d’aveuglement politique. Leur culture académique, leur mode de sélection, les rend absolument incapables de penser autre chose que la bonne gestion de l’ordre établi. Ce n’est pas seulement leur attachement personnel ni leur intérêt dont je parle ici. C’est de leur conditionnement. Ils ne doutent pas un instant de la formulation des problèmes qui leur sont posés. On leur dit que les agences de notation formulent un diagnostic défavorable. Ils avalent tout rond. Ils ne se posent pas de question. Ils ne se demandent pas qui sont ces agences, quelle valeur ont leurs analyses, à quels intérêts elles sont liées. Ils ne les contestent pas davantage qu’ils n’ont contesté leur système de notation dans les grandes écoles.

Pourtant ce que nous avons tous sous les yeux ne devrait-il pas au moins les intriguer ? Par exemple, la décision de rétrogradation de la note des Etats-Unis, aujourd’hui, est absurde. En toute logique elle aurait du être prise il a bien longtemps. Par exemple ce jour d’aout 1971 où les Etats-Unis ont supprimé la convertibilité du dollar en or, avouant ainsi leur défaut de paiement. Ce sera ce quinze août le quarantième anniversaire de cette décision prise par Richard Nixon. Depuis cette date les Etats-Unis vivent à crédit du reste du monde. Ils manient la planche à billet comme ils veulent, sans contrepartie ni contrôle. Ils ont ainsi mis en circulation le poison qui gangrène depuis toute l’économie mondiale. Pourquoi alors dégrader les Etats-Unis maintenant ? Par exemple, la baisse de la note aurait pu être décidée quand la banque centrale américaine a décidé de racheter les titres de la dette de l’état pour un montant de 700 milliard de dollars. C’était l’aveu que le papier américain ne trouvait plus preneur dans la quantité voulue, non ? Et ces agences de notation. Pourquoi ne se posent-ils aucune question à leur sujet ? Même « Libération » s’en pose !

Vous en serez bien étonné tout comme je l’ai été moi-même. Mais voila : je ne saurai dire mieux que Nicolas Demorrand dans son éditorial sur ces agences de notation. Ce jour là « Libération » avait titré : « enquête sur les agences de notations : triple zéro ». En dehors de « l’Humanité » ce fut le seul acte de résistance intellectuelle au rouleau compresseur des affolements de circonstances. Demorrand montre quelle supercherie est la soi disant objectivité de ces agences. Je vais y ajouter, un peu plus loin, en plus de ce que j’en ai déjà dit le même jour aux « Quatre vérités » de France 2. Et comme c’est le jour des compliments, je n’en veux pas à « Libération » de n’avoir rien dit quand ces agences ont vu leur pouvoir étendu en Europe alors que son inamovible correspondant sur place préférait s’occuper de la vie privée des hommes politiques. Plus sérieusement je veux citer la conclusion de Demorrand. Je crois qu’elle peut annoncer une prise de conscience dans certains milieux jusque là assez suiviste et conformiste de la presse. Ce serait une bonne nouvelle. Car dans les mois qui viennent au fond, à travers tous les courants et partis il y aura deux camps. Ceux qui décident de s’adapter en accompagnant le mouvement et ceux qui résistent.

J’en reviens à Nicolas Demorrand pour citer les dernières lignes de son éditorial. « Prétendre que ces agences disent le vrai est donc une fable, voire une supercherie. Plus grave encore est de leur reconnaitre une telle légitimité et de leur accorder autant d’influence. Pourtant les états pensent aujourd’hui leurs politiques dans le seul but de complaire à ces professionnels du flou. Ici les retraites sont réformées ou les fonctionnaires non remplacés ; là des services publics seront privatisés ou des pans entiers de l’économie dérégulés. La question n’est pas de savoir comment autant de pouvoir a pu être concédé à autant d’amateurs. Mais bien d’imaginer les moyens politiques de ne plus marcher sur la tête. » En toute logique j’attends de lire, dans ses lignes à venir, compte tenu de la gravité du moment, si les propositions des socialistes, à ce qu’on en lit sous la plume de Martine Aubry ou François Hollande, sont à la hauteur de cet enjeu.

Il reste à faire savoir que ces agences de notation ont reçu des pouvoirs étendus en Europe de la part de la commission et avec l’approbation du parlement européen. Quand ? Il y a…. deux mois ! L’histoire a commencé en fait en Septembre 2010. Cette fois là, le Parlement européen validait la proposition de la Commission et du Conseil de mettre en place d’un "Système européen de surveillance financière". Après le déclenchement de la crise grecque, la thèse des eurocrates était que « c’est de la faute des grecs » ! Strauss-Kahn les avait même accusés d’avoir pour sport national la fraude aux impôts. Donc tous les gouvernements devaient être mis sous contrôle. Le but du dispositif était évidemment de placer les gouvernements sous surveillance et les budgets votés par les parlements des états-nations sous autorité européenne. Cela pour garantir évidemment qu’ils soient toujours conformes aux dogmes libéraux. C’est dans cet ensemble de mesures que fut décidé d’autoriser dorénavant les agences de notations à agir sur tout le territoire de l’Union. Elles furent donc dispensées de l’autorisation d’agir qu’instruisaient jusque là au cas par cas, les autorités nationale. En effet, avant cela, le Comité européen de régulation des valeurs mobilières (CERVM) recevait les demandes d’enregistrement et les faisait valider par chaque Etat membre. Désormais, l’Autorité Européenne des Marchés financiers s’en charge seule. Elle délivre ce que l’on appelle un « passeport européen ». Elle est aussi la seule responsable de la surveillance de ses agences de notation ! Ce système est directement recopié de celui des Etats-Unis d’Amérique où la « Securities and Exchange Commission (SEC) », organisme fédéral, valide et surveille les agences de notations étatsuniennes, c’est-à-dire les principales d’entre elles au niveau mondial. Il ne fait aucun doute pour moi que cette stricte reproduction des structures participe de la construction discrète du « grand marché transatlantique » sur lequel aucun débat public n’a jamais été possible.

Au cas précis, compte tenu des conséquences d’une notation pour un émetteur de titre d’emprunt, tout ce système aboutit à créer une autorité indépendante avec un gigantesque pouvoir arbitral. Première caractéristique : il s’agit d’un organisme privé. Deuxième caractéristique, ces agences sont juges et parties compte tenu de leur mode de rémunération. Tout cela ne trouble pas les eurocrates pour qui seul l’état et la puissance publique sont suspects. Quoiqu’il en soit, une fois de plus les protestations ne furent écoutées d’aucune façon. Les moulins à prière de « l’Europe qui protège » continuèrent à tourner en pilotage automatique et les récalcitrants furent tous repeints en « populistes anti-européens » selon les normes en vigueur depuis le référendum de 2005. Je laisse à chacun le soin d’aller demander aux autres partis de gauche ce qu’ils ont voté. Et de vérifier ce qu’ont écrit certains journalistes influents et chroniqueurs célèbres sur ces questions. Ni vu ni connu, personne n’en a plus parlé du fait qu’un règlement se transpose tel quel dans le droit national. Pour les amateurs de recherches fines voici des précisions. L’ouverture des portes de l’UE aux agences de notations est entrée en vigueur le 1er Juin 2011. Le Parlement européen l’a validée en Décembre 2010. L’acte législatif définitif, finalisé en Mai 2011, est le "Règlement (UE) n° 513/2011 sur les agences de notation de crédit." On mesure, sachant cela, ce que valent les cris d’orfraies d’aujourd’hui de quelques uns des nobles personnalités qui pointent du doigt le rôle exagéré des agences de notation. Aucun journaliste perfide n’a encore été leur demander pourquoi dans ce cas ils l’ont rendu possible ! Je signale encore, et croyez bien que j’en suis désolé, qu’à la session où le parlement européen vota tout ce fourbi, il prit aussi la décision d’autoriser la libre circulation des « hedges funds » en Europe. Mais les eurocrates n’en sont pas restés là !

En effet, les agences de notations se sont vues attribuer de nouveaux pouvoirs le 1er Juin 2011, alors mêmes que les précédentes dispositions entraient seulement en vigueur. Ce n’est donc pas sur la base d’un bilan que la décision fut prise. Mais juste par a priori sur leur supposée bienfaisance. Et que décida-t-on ? Que les agences de notations concurrentes enregistrées sont désormais encouragées à émettre des notations même quand personne ne les leur a demandées. Et au moment même où ce pouvoir exorbitant leur était accordé, les institutions européennes diminuaient les leur face aux agences. Citons l’article 23 du règlement qui organise ce renoncement. "Ni l’AEMF, ni la Commission, ni aucune autorité publique d’un État membre" n’ont le droit d’"interférer avec le contenu des notations de crédit ou les méthodes utilisées" ! Ainsi une note est un fait réputé objectif, indiscutable ! Les esprits les mieux disposé se diront peut-être que du moment que l’on a contrôlé les méthodes de travail au moment de l’accréditation on peut être partiellement rassuré ! Ce n’est pas le cas. Au moment de l’accréditation d’une agence auprès de l’organisme européen, l’agence de notation peut refuser de donner les précisions qui lui sont demandées sur ses méthodes de travail. C’est le règlement ! Elles peuvent demander à être exemptées de certaines exigences si elles fournissent la preuve que "compte tenu de la nature, de l’ampleur et de la complexité de son activité ainsi que de la nature et de l’éventail des notations de crédit qu’elle émet, ces exigences ne sont pas proportionnées" (article premier, quatrième modification). Et comme si ça ne suffisait pas, un autre pouvoir leur a été donné, celui d’instruire elle-même leur dossier d’agrément. Jugez plutôt. Lorsqu’un groupe d’agences de notations demande à être enregistré auprès de l’AEMF, c’est l’une des agences du groupe, mandatée par les autres agences, qui fournit les informations pour chaque agence. Tout cela est à l’article 15.2 de ce nouveau règlement.

Les appréciations des agences de notation ne sont pas purement indicatives. Elles ont un pouvoir considérable. Il ne s’agit pas d’un pouvoir moral. La note des agences modifie le bilan et donc la valeur et la crédibilité des organismes qui en font l’objet. Par exemple dans les banques. Les agences de notation se sont vues attribuer en 2004, un rôle de quasi-régulateur du système bancaire par les accords dit « Bâle II » sensés garantir la solidité des établissements bancaires. Le risque qu’un emprunteur fasse défaut ou que sa situation économique se dégrade au point de dévaluer la créance que l’établissement détient sur lui est désormais inscrit au bilan des banques. Comment évaluer ce risque ? C’est le travail de notation de nos chères agences ! Les banques pondèrent donc dans leur bilan les encours prêtés selon un système préétabli. La pondération va de 0% (généralement pour les Etats souverains) à 150% pour les dossiers les moins bien notées. Le pouvoir des agences est donc considérable, et davantage encore que ce que l’on peut croire si l’on tient compte de l’effet domino que provoque la dégradation d’un établissement à l’autre. Un tel pouvoir, je l’ai montré, n’est guère encadré. Bien au contraire. Il a été augmenté et libéré de contrôle. A cet abus s’en ajoute un autre. On a des raisons de soupçonner l’impartialité de telles agences dans leurs évaluations.

Posons la question : qui les paie ? Réponses : les "entités qui veulent recevoir une note ou celles qui utilisent la note". Aux deux bouts de la chaine de l’emprunt se tient l’agence et ce n’est pas vraiment comme un arbitre. Celui qui veut émettre un emprunt ne peut le faire sans la recommandation d’une bonne note. Et les banques qui doivent présenter des bilans doivent « évaluer les risques », ce qui leur permet de modifier leurs taux d’intérêts en fonction de la note. Selon le barème 2009 aux Etats Unis, une grande entreprise doit verser au minimum 70.000 dollars à l’agence de notation au début du processus de notation. Puis elle doit prendre un abonnement de « surveillance ». Son prix s’élève à environ la moitié de la somme initiale. A chaque fois qu’elle émettra de la dette sur les marchés, elle s’acquittera en plus d’une commission de 0,045% de la transaction. Les montants sont du même ordre en Europe. Cette description permet de comprendre que ces chères agences n’ont rien d’académies scientifiques mues par le gout du savoir pur. De mauvais esprit feront aussi remarquer que plus la note est mauvaise, plus le taux d’intérêt bancaire est élevé et plus la commission de l’agence est elle aussi, élevée.

Pour moi, les agences notation ont donc partie totalement liée au système bancaire et financier. Pour celui-ci, au-delà des peurs et paniques qui sont le propre du métier de trader, un Etat en déroute est une bonne affaire qui produit du taux d’intérêt très juteux. Et le risque est nul comme l’a démontré l’exemple Grec. En cas de panique, les Etats payent l’ardoise. Ca, c’est le comique de situation. Les taux d’intérêt augmentent à cause du risque. Mais le risque est en réalité nul. Premier indice de lézard. Deuxième indice : les Etats Unis ne rembourseront jamais leur dette. Ils ne l’ont jamais fait, raison pour laquelle elle a augmenté jusqu’au point où la voici rendue. Quel est donc le sens de l’injonction qui leur est faites par « Standards and Poor’s » ? Nulle. Tout ce qui compte c’est que la confiance dans la monnaie dollar continue. Et c’est le cas. Les Etats-Unis sont endettés jusqu’au cou et mal notés mais leur monnaie s’apprécie face à l’Euro. La clef de compréhension est dans la politique pas dans l’économie pure et parfaite des manuels.

C’est la stratégie du choc. Encouragés par leur impunité face à la Grèce, au Portugal et à l’Irlande, les maitres de la finance veulent passer aux plus grosses proies. Pour cela, ils amplifient le choc de la menace qu’ils peuvent utiliser. Mais, ce faisant, ils mettent tout le système en danger de rupture et d’effondrement. La limite du test, c’est la docilité des gouvernements. De ce côté-là pour l’instant tout va bien. Partout c’est la même chanson. Il faut « rassurer les marchés ». Le monde à l’envers ! On a vu le banquier central européen donner des ordres au gouvernement italien et être immédiatement obéi ! Pour moi, il faut faire le contraire de ce que font ces gouvernements. Il faut rassurer les producteurs face aux « marchés », c’est-à-dire aux demandes des financiers. Au cas présent, il faut protéger le capital productif et les travailleurs. L’un contre l’étouffement par faute de crédit et de consommation, l’autre contre la précarisation sociale qui l’étrangle. Donc, à court terme, pour sortir de cette spirale il ne faut pas céder mais résister et contre attaquer. On peut éteindre l’incendie avec le retour de l’Etat et de la puissance publique. La banque centrale européenne doit avoir le dernier mot face aux financiers. Elle doit racheter massivement les dettes souveraines, laisser filer l’inflation, jusqu’à ce que l’attaque cesse. Faute de quoi la pente prise est sans fin. Là, je parle du court terme. A ce court terme devraient s’ajouter des décisions techniques touchant aux structures et aux moyens dont disposent « les marchés » pour faire régner leur tyrannie. Ce train de mesures serait destiné à donner le signal d’une riposte qui s’étendrait jusqu’à ce que cèdent ou crèvent les agioteurs. Ce qui compte c’est de faire un paquet de mesures de dissuasion. Et non de prendre en catimini et dans le désordre les mesures que nous recommandons depuis tant de temps. Par exemple cette décision de quatre pays d’interdire les « ventes à découvert », technique spéculative spécialement pourrie ! Ou bien aussi la séparation des banques de dépôts des banques d’investissements, comme après 1929. Et ainsi de suite. Je ne vais pas recopier ici tout le programme. Il existe. Il est applicable tout de suite. Il permet de retourner la situation. Répercuter les couts sur les peuples a une limite. Mais pour l’instant les gouvernants lâches n’ont pas l’air le croire. Ils agissent comme si la résignation des citoyens n’aura pas de bornes. On va voir bientôt ce qu’il en est.


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