Quelle politique face aux marchés financiers ?

mardi 23 août 2011.
 

Basta ! : Imaginez que la gauche, la vôtre, remporte les élections. Vous lancez des réformes fiscales, des politiques sociales, reconvertissez l’économie... Et là, les agences de notation dégradent la note de la France, la dette grimpe, les taux d’intérêt s’alourdissent. Comment réagissez-vous ?

Jean-Luc Mélenchon : Ce triste sort ne sera pas réservé qu’à un gouvernement du Front de Gauche. Si c’est un gouvernement socialiste, les agences de notation lui tomberont dessus avec la même sauvagerie. Les fonds de pension savent que les socialistes ne résistent pas. Ils n’ont pas résisté en Grèce. C’est un événement dont la portée dépasse la Grèce. C’est à peu près l’équivalent de ce qui s’est passé avec le vote des crédits de guerre en 1914. Les socialistes allemands avaient juré de faire la grève générale s’il y avait la guerre… Et ils ont voté les crédits de guerre ! La guerre commence avec les banques, et qui est le premier à se coucher et à faire passer son peuple à la caisse ? Le Premier ministre grec, président de l’Internationale socialiste. Et si c’est un gouvernement de droite, ce sera pareil. Les Français sont détestés par la finance anglo-saxonne. Pour eux s’il y a un pays dont il faut briser les reins, c’est bien la France. Parce que la France, ce sont les services publics, c’est « liberté-égalité-fraternité ». La méthode Sarkozy consiste à passer par-dessus bord, petit à petit, tout notre appareil égalitaire : les retraites, la santé, bientôt l’école. Et le monstre financier n’est jamais repu. Il est insatiable. La France est un fruit juteux. Elle sera attaquée.

Mais quelle alternative à un éventuel plan d’austérité ?

Le système est dans une impasse. M. Sarkozy ne tient pas tête. Les socialistes capitulent. Et nous ? On résistera sans concession ! Ceux qui viendraient nous prendre à la gorge seront servis, parce que l’emprunteur a toujours la capacité de ne rien rendre. Que tout le monde gagne sa vie, d’accord, mais pas sur le dos du peuple français, avec des taux d’intérêt à 10% ou 15% ! Pour cela il faut modifier la gestion de la monnaie unique. Il faut changer le statut de la Banque centrale européenne. Là est la clef de tout. Les libéraux ont pris la clef, l’ont jetée au fond de la mer et disent : « Il n’y a pas de clef, il n’y a pas de porte, on ne touche à rien ». L’ancien directeur de la BCE, Jean-Claude Trichet, nous dit : « Si vous rééchelonnez la dette, les compagnies d’assurance vont s’écrouler ».

Madame Merkel nous dit : « Oui, mais si jamais ils ne payent pas la dette, les banques vont s’écrouler ». Et nous en sommes là. Tout ça va se casser la figure. Nous ne savons pas à quel rythme, mais c’est parti pour. Récupérons la clef ! Comment construire le rapport de force ? En mettant en place les mesures techniques qui permettront d’assainir la sphère financière. Nous les proposons à tout le monde, et nous les appliquerons dans notre pays. Ce n’est pas à nous d’avoir peur. C’est ceux qui comptent sur notre bêtise pour continuer à les engraisser, sans aucune justification. Il est normal que tous ceux qui apportent quelque chose à la production reçoivent un retour. Mais ceux qui ne sont pas raisonnables de bon gré, le seront donc par la force ! Celle de la loi.

Sur quelles forces pouvez-vous vous appuyer, en Europe ou ailleurs, pour que la France ne se retrouve pas isolée face aux marchés financiers ?

Le premier élément du rapport de force, c’est le peuple conscient, intervenant, impliqué. On ne peut pas gagner en étant enfermé à l’Élysée ou dans trois ministères. Et en Europe ? Nous allons convaincre. D’une frontière à l’autre, il n’y a que des êtres humains, semblables dans leurs aspirations, leurs besoins, leurs amours. Je suis certain que la parole de la France serait entendue. D’abord parce que nous sommes bientôt les plus nombreux : quand même déjà 64 millions ! Nous sommes la deuxième puissance économique de l’Union. Nous sommes un grand peuple, éduqué, formé. Celui de la grande révolution de 1789 ! Notre devoir est de résister les premiers. Quand un pays résistera, la peur changera de camp, plus personne ne voudra céder. Les Islandais l’ont fait, en disant par référendum « on ne paie plus ». Ils s’assoient sur leurs dettes. Leur première décision : élire une Constituante. Grande leçon ! Tel est notre temps : la situation se noue sur le plan social – les gens n’en peuvent plus, ne supportent plus – mais elle se traduit en revendiquant la démocratie.

Ce que subissent aujourd’hui les Grecs, c’est la violence d’une Europe autoritaire. Je ne demande qu’à être démenti par les faits ! Vérifions par les urnes ! En Grèce, faites voter ! L’Union européenne préfère imposer ses pillages par la force. Sitôt qu’on entre dans le vif du sujet, les masques tombent : la liberté et la démocratie sont de notre côté, l’oppression, la tyrannie, les méthodes violentes sont du leur.

Par Agnès Rousseaux, Nadia Djabali, Sophie Chapelle


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