La droite populaire s’attaque au droit de grève

dimanche 7 août 2011.
 

Mi-juillet, en pleine période estivale, la direction d’Air France annonce unilatéralement une série de mesures aggravant considérablement les conditions de travail et détériorant la qualité du service. La raison donnée  : aligner les coûts de production sur les compagnies low cost. Comme si Air France avait intérêt à entrer dans cette course, alors que ses atouts auprès du public sont la fiabilité, la constance, la qualité du service, la sécurité. Tout le monde comprend bien pourquoi la direction fait ces annonces à la mi-juillet. C’est tout simplement du chantage  : les salariés n’oseront pas bouger en pleine période estivale. Raté. Les syndicats réagissent à ce passage en force  : préavis de grève pour le week-end de la fin du mois de juillet. Une proposition de négociations suffira à faire lever le préavis. Les salariés en sont maintenant réduits à déposer un préavis simplement pour avoir le droit de dialoguer. Ainsi vont les relations sociales. Voilà maintenant ce qu’en dit notre droite extrême du groupe Droite populaire.

Commençons par Lionnel Luca, député UMP. Il dit  : « Une nouvelle fois, ceux qui bénéficient de vacances à des prix défiant toute concurrence n’ont rien trouvé de mieux que de pénaliser des salariés qui ont travaillé et économisé une année, afin de gâcher leurs vacances méritées. » Cette phrase est infâme. Que contient-elle  ?

1/ Une diffamation  : on prête aux salariés des intentions qui ne sont pas les leurs. L’élu en effet n’exige pas des salariés qu’ils mesurent mieux les conséquences de leur intention – qui est la défense de leurs conditions de travail et la promotion du sens qu’ils donnent à leur activité professionnelle. Il s’agit au contraire d’affirmer que leur but est de nuire à la population. La perturbation du trafic n’est plus une conséquence, c’est un but en soi. C’est donc bien une diffamation, destinée à s’étendre à tous les faits de grève.

2/ La haine attisée  : dans cette phrase censée commenter un conflit du travail, les salariés sont ceux qui seraient empêchés de prendre l’avion pour leurs vacances du fait de la grève, et non les travailleurs d’Air France. Par contre, ces derniers sont, eux, décrits comme des vacanciers à qui sont réservés des privilèges pour partir en vacances. Rupture et inversion. Lionnel Luca fait sortir les travailleurs d’Air France de l’ensemble des salariés. Comme s’ils ne faisaient pas partie des salariés qui travaillent et économisent toute l’année pour partir en vacances. Comme si les remises sur les billets dont ils peuvent bénéficier n’avaient pas été négociées en échange de salaires plus bas pour arrondir la trésorerie de l’entreprise. Dans une même phrase, Lionnel Luca crée la frontière entre les travailleurs et attise la haine. On peut, sans prendre trop de risques, penser que ce point de vue peut être étendu à tout gréviste. Et dire que ces députés participent à l’élaboration de lois auxquelles nous sommes censés obéir…

3/ Le modèle populiste  : en creux, on voit apparaître le portrait du salarié idéal pour la droite – courbé, besogneux, épargnant pour les vacances, et surtout qui la ferme. Et dire que ces députés sont censés faire vivre une démocratie et qu’ils invoquent régulièrement la démocratie pour justifier, par exemple, que nous fassions la guerre en Irak ou en Afghanistan. Quand Thierry Mariani, ministre des Transports, membre du même collectif Droite populaire, parle de « mépris insupportable pour ceux qui ne sont en rien responsables du conflit », on croit presque à un éclair de lucidité. Mais non, rassurez-vous, cette phrase à double sens est une nouvelle charge contre les grévistes.

Jean-François Copé, patron de l’UMP, rajoute un élément très important  : « Dans les autres pays du monde, ce genre de chose ne se passe pas et pourtant les conditions de travail dans certains pays sont infiniment plus mauvaises. » La phrase est très vague, non circonstanciée, ce que M. Copé cherche à compenser avec l’adverbe « infiniment », un adverbe « qui en a ». C’est un élément classique de la rhétorique de l’extrême droite  : dire très fort un truc vague mais insultant pour créer l’émotion qui générera le désir de trouver dans cette phrase ce qu’on veut y trouver. Mais, surtout, c’est l’aveu de la volonté d’aligner par le bas les conditions de travail et les conditions de vie de la population. C’est un principe fondateur de la politique de la droite, comme le montre par exemple le pacte pour l’euro plus, qui prévoit entre autres la « modération salariale » comme moteur principal de la compétitivité et le contrôle des syndicats par le pouvoir politique. Et c’est tout à fait cohérent avec le modèle du travailleur courbé-besogneux-ferme-ta-gueule de Lionnel Luca, et c’est aussi cohérent avec le sens des décisions prises par la direction d’Air France et qui a mis le feu aux poudres. C’est donc bien une philosophie de classe.

La conclusion logique de cette posture politique est de demander l’interdiction du droit de grève pendant la période estivale. Compte tenu du déroulement des faits, cela revient évidemment à autoriser la direction d’Air France à prendre toutes les décisions qu’elle veut pendant l’été, en particulier celles qui font le plus de mal aux salariés. C’est tellement évident qu’on ne peut pas croire que nos extrêmes droitiers au pouvoir ne le sachent pas. Mais on comprend pourquoi ils déversent de la haine dans leurs propos  : pour faire passer une pilule aussi grosse, il faut détourner l’attention de la population, en particulier sa capacité à « s’indigner », « se révolter » contre une mesure aussi grave. L’interdiction du droit de grève créerait de la colère, et la droite désigne à l’avance quelqu’un à haïr pour la détourner et justifier la décision. Et il ne faut pas croire que ce ne sont que des petits béliers sans importance. Patron de l’UMP, ministre des Transports, membres du think tank à la mode à droite, ces hommes annoncent un programme qui est partagé par la plupart des responsables de droite. Après l’été 2010, raciste, voici l’été 2011, socialement pétainiste.

Par Sylvain Jean, secrétaire de la section de Castres du PCF.


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