Une droite populaire aux confins de l’extrême

vendredi 12 août 2011.
 

Il y a un an, une quarantaine de députés UMP avaient diffusé une charte donnant naissance au collectif de la Droite populaire. L’initiative visait à muscler le discours en vue des présidentielles de 2012 : le contenu en six parties offrait en effet un aperçu significatif de la dérive droitière souhaitée par l’aile dure de l’UMP.

L’invocation de la Nation et de la République relève de l’habituelle rhétorique droitière. Il n’y a là que supercherie. C’est bien cette fraction de la majorité de droite qui pousse à la dissolution de la souveraineté populaire par un refus de prendre en considération l’expression des mouvements sociaux ou par une construction européenne mue par la seule « concurrence libre et non faussée ». Pour preuve, l’adoption, dans le dos du peuple, par la voie parlementaire, du traité de Lisbonne invalidant le référendum du 29 mai 2005, ou encore l’abandon de toute souveraineté en matière budgétaire par le biais du pacte euro plus. Dans ces conditions, que reste-t-il de la Nation, si ce n’est une idée rabougrie se transformant de fait en machine à exclure au nom d’une identité nationale aux contours inquiétants  ?

La République est pareillement enrégimentée au moyen des notions d’unité et de laïcité. Comment parler d’unité de la République quand on s’échine méthodiquement à en démanteler tous les cadres nationaux ou que l’on cherche à privatiser un maximum de services publics  ? Et se revendiquer de la défense de la laïcité avec les discours d’un président s’effaçant devant le chanoine du Latran n’hésitant pas à glorifier de manière exclusive les racines chrétiennes de notre patrie républicaine ou à théoriser « la supériorité intrinsèque du curé sur l’instituteur », avec les multiples cadeaux financiers offerts à l’enseignement privé  ?

La solidarité nationale n’est envisagée que par le prisme de la liberté d’entreprendre. L’entourloupe sarkozyste sur la prétendue priorité accordée à la revalorisation du travail peine cependant à convaincre. La phrase précisant que « ceux qui travaillent doivent pouvoir conserver le fruit de leurs efforts » dénie en réalité clairement à l’impôt tout rôle redistributif des richesses collectivement produites. Le projet de société prôné par la Droite populaire n’est nullement fondé sur le travail, mais fait la part belle aux rentiers, aux héritiers et autres boursicoteurs. Dans une veine identique, le sort de l’École est lié à celui de la politique familiale. En filigrane émerge une double fonction réservée de manière fort réductrice à l’École  : entretenir les valeurs de soumission à la société, reproduire les dominations sociales. Il y a là une parfaite coïncidence avec la politique gouvernementale tendant à instaurer une école minimaliste et utilitariste à deux vitesses, bien loin des horizons progressistes de promotion et d’émancipation sociales.

Les vieilles recettes libérales sont préconisées au nom de la réduction de la dette publique. Avec, comme caution vertueuse, l’argument de « transmettre aux générations futures un budget équilibré et aux dépenses maîtrisées ». Savent-elles que les non-investissements d’aujourd’hui équivaudront mécaniquement aux impôts de demain  ? D’autant plus qu’il ne s’agira pas de revenir sur les cadeaux consentis aux amis de la bande du Fouquet’s, mais de tailler à la serpe dans les dépenses sociales au prétexte d’une chasse compulsive à un assistanat démesurément grossi.

Les contradictions se poursuivent en politique extérieure. En quoi l’alignement de notre pays sur la politique américaine symbolisé par le retour dans le commandement militaire intégré de l’Otan concourt-il à une « France indépendante, maîtresse de ses décisions »  ? L’appel à un « codéveloppement avec les pays du Sud » se révèle antinomique avec le concept d’immigration choisie amoindrissant le potentiel des pays du Sud, ou avec l’injure aux accents pathétiquement néocolonialistes faite à l’homme africain, accusé de n’être pas suffisamment entré dans l’histoire.

Le surgissement de la Droite populaire n’est pas le nom de rien. Elle correspond à une inflexion radicale, coïncidant avec un phénomène de fond, avec en arrière-plan la stratégie d’acclimatation d’idées dont on ne distingue plus si elles sont celles de l’extrême droite ou d’une droite aux confins de l’extrême. Le tout catalysé par une obsession sécuritaire en dépit d’échecs avérés en ce domaine. C’est une droite dure de combat qui est ainsi promue, portant une politique cynique et décomplexée de classes.

La feuille de route de la droite est ainsi tracée. En cas de victoire en 2012, rien n’arrêterait la droite alors affranchie d’une barrière psychologique  : le président de la République ne serait plus tenu à une quelconque modération par la crainte de compromettre sa réélection à la tête de l’État. Cinq années à l’horizon dégagé pour l’accomplissement d’un projet qui contribuerait à droitiser radicalement et durablement la société française, voilà à quoi aspire en définitive la Droite populaire déterminée à jouer le rôle de boîte à idées. En espérant inverser une situation compromise par un bilan terriblement décevant et majoritairement rejeté...

Francis Daspe est également chargé des questions d’éducation au Parti de Gauche

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