Trois conséquences de l’absence d’une candidature commune de l’autre gauche ( Jean Luc Mélenchon)

samedi 30 décembre 2006.
 

La réunion des organisations membres des collectifs unitaires anti libéraux a constaté qu’il n’y a pas de consensus pour proposer une candidature commune à l’élection présidentielle. C’est une grande déception, je l’ai dit en répondant à Jean-Michel Aphatie ce matin sur RTL. Je formule ici mon avis sur la question en ayant bien présent à l’esprit qu’il faut peser les mots pour ne pas ajouter aux dégâts. Je crois particulièrement vain le procès fait au Parti Communiste à ce sujet et à Marie Georges Buffet. Je ne parle pas de ce que les communistes se disent entre eux ni du ton sur lequel ils le font. C’est leur affaire. Et comme souvent en de pareils cas, une bonne partie des codes en vigueur sont illisibles de l’extérieur. Ce que j’en dis n’est pas non plus seulement en pensant qu’il y aura un lendemain à tout cela et qu’il faut protéger ses chances, si ténues qu’elles soient. C’est aussi par honnêteté intellectuelle. Il n’est pas vrai que le projet a échoué d’une pièce à cause du PC.

Le retrait de Besancenot puis de Bové avaient déjà largement installé le paysage dans lequel le reste du mouvement s’est ensuite dilué. Les pétitions intempestives contre la candidature de Marie Georges Buffet ont creusé des plaies inutiles et offensantes.

En fait, dans la dernière longueur, le système a géré des queues de comètes. Il l’a fait avec courage, ténacité mais aussi une dose considérable d’ambiguïtés dont, pour finir, chacun est sorti à ses dépens. Très souvent, les formules utilisées ont montré qu’on ne sortait pas d’une adaptation étroite au système présidentiel, les uns proposant sa mise en scène au goût du collectif (porte paroles nombreux, présence partagée etc...) d’autres le récusant naïvement dans les termes les plus contradictoires : (un candidat qui n’en soit pas un, ou bien le plus petit commun dénominateur, ou bien le visage le plus médiatisable).

Je n’entre pas dans la description des mille et unes variantes ni des épisodes qui ont exprimé tout cela. A la fin, tout sombrait dans le dérisoire et par instant même dans le folklore. Mais au fond l’essentiel ne s’est donné à voir qu’en fin de parcours. S’agissait-il de mettre en forme le parti des collectifs comme si ceux ci étaient une réalité totalement autonome ? S’agissait-il de préfigurer une force communiste élargie ? S’agissait-il de formuler une "offre politique nouvelle" comme l’est le Linkspartei en Allemagne, le parti socialiste hollandais et ainsi de suite dans toute l’Amérique latine, tirant le bilan du double échec du communisme d’état et de la social-démocratie. On peut dire que ces trois formules ont beaucoup de points de passage communs et que de maintes manières elles ne sont pas contradictoires. On peut même affirmer que de bien des façons aussi elles sont complémentaires et à tout le moins mutuellement compatibles.

Mais les contradictions existent aussi entre ces trois scénarios. Elles sont particulièrement sévères dans certains cas. Par exemple il est évident que des socialistes et des républicains et leurs électeurs ne peuvent se sentir impliqués par la fondation d’une force communiste élargie. Dès lors nous n’avons aucune part à prendre pour savoir qui de Marie georges Buffet ou de Clémentine Autain est la plus à même d’incarner cette force communiste. C’est l’affaire de la mouvance communiste. Je pense que cette évidence permet de comprendre que tout est dans le point de départ.

Si pour construire une nouvelle voie à gauche il fait d’abord s’impliquer dans la construction d’un nouveau Parti Communiste, nous attendrons que ceux qui en ont la charge aient fini leur travail. Je n’ironise d’aucune façon. Je veux seulement souligner que beaucoup se joue dans le point de départ que l’on se fixe.

En toute hypothèse on ne participe pas à une élection de cette importance pour atteindre des objectifs partidaires ou réaliser des schémas théoriques. On le fait pour proposer une alternative concrète au gouvernement du pays. Il s’agit de proposer un vote utile, c’est à dire capable d’être majoritaire à gauche pour battre la droite et engager un programme de transformation sociale à la mesure de l’exaspération populaire contre le vau l’au général de la société libérale pour le très grand nombre de la population.

Dans cette vision, le programme est premier, puis la forme de l’outil politique et la stratégie y sont directement corrélés. Dès lors chaque nom proposé pour porter ce projet correspond non à un profil médiatique ou a un compromis des egos mais à une population politique à atteindre et à entraîner. J’en reste là aujourd’hui. Le reste devra être pensé le stylo à la main. A plusieurs mains et plusieurs têtes. Le moment est plutôt à prendre la mesure des conséquences de l’absence d’une candidature commune de l’autre gauche. Il y a en a trois au moins.

- Une partie de l’électorat politisé de la gauche se démobilise. Il ne se sent pas représenté.

- Une partie de la population électorale parmi les désemparés (par la dureté de la vie) -désorientés (par l’absence d’alternative politique radicale intelligible) va continuer à flotter entre l’indifférence écoeurée et les poussées de colère électorale aveugle.

- Enfin, la centralité de la candidature socialiste à gauche est désormais totale, que cela plaise ou pas, parce qu’elle parait la seule efficace pour atteindre le programme commun le plus élémentaire : être présent au deuxième tour et battre la droite.

Le concept de vote utile se nourrit beaucoup de l’idée que d’autres votes ne servent à rien. Selon moi ces trois conséquences de l’échec de l’autre gauche se nourrissent l’une l’autre. Ensemble elles aggravent la volatilité de la situation, l’approfondissement de la crise politique et de l’état d’urgence. Rompre cette spirale. Voila où il est urgent d’agir. C’est cela l’utilité à cette heure, je crois.


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