Jean Luc Mélenchon sur RTL le 20 décembre : " Il n’y aura pas de candidat commun de la Gauche anti-libérale. C’est dommage pour deux raisons..."

mercredi 27 décembre 2006.
 

- Jean Michel Aphatie : Bonjour Jean Luc Mélenchon.

Jean Luc Mélenchon : Bonjour.

JMA - Donc, hier, à nouveau les organisations anti-libérales ont essayé de s’entendre sur un candidat commun. Ce soir, à nouveau, les militants communistes sont appelés à voter pour voir si Marie George Buffet peut ou non être leur candidate. Rien n’avance dans cette Gauche anti-libérale ?

JLM - Et c’est un Socialiste qui vous commente tout ça. C’est une situation qui ne manque pas de sel, n’est-ce-pas !

JMA - Qu’est-ce que le Socialiste a en commentaire, qu’est-ce qu’il dit ?

JLM - Non, je pense que c’est fini.

JMA - C’est fini ?

JLM - Oui parce qu’ils ont dû faire le constat que il n’y avait pas de consensus sur un nom. C’est dommage !

JMA - Il n’y aura pas de candidat commun de la Gauche anti-libérale ?

Jean Luc Mélenchon - Non, il n’y en aura pas. C’est dommage pour deux raisons. La première parce qu’il y avait une véritable attente dont je peux témoigner. Vous savez, je suis allé au meeting de Montpellier, le lendemain de l’investiture socialiste, et je dois dire que ce qui m’a le plus surpris c’est pas ma propre audace, c’est d’y voir 4.000 personnes, c’est-à-dire autant de monde (c’était la même salle) que ce que j’avais vu pour le référendum sur le NON. Il y en avait 3.000 au Mans, 2.000 à Caen, c’est-à-dire des masses de gens considérables ...

JMA - Une attente ?

JLM ... oui, une attente. Et cette attente est déçue. La deuxième mauvaise nouvelle, c’est pour le Parti Socialiste lui-même, mon parti, parce que quand bien même ferait-il un score extraordinaire, absolument merveilleux, du jamais vu dans notre histoire -30% au premier tour de l’élection présidentielle- ce serait extraordinaire, n’est-ce-pas !

JMA - Ce serait extraordinaire ! Si peut-être François Mitterrand, non ?

Jean Luc Mélenchon - ... Supposons qu’on soit cette fois-ci à 30 %. De 30 à 51 ou à 50,1 voix, il manque encore 20 points. Il va donc falloir les trouver. Après avoir fait le vide de candidats, ce qui est une bonne chose, maintenant il faut faire le plein des voix. Et honnêtement, il y a maintenant tout un secteur de la Gauche et de la population qui ne va pas se sentir représentée. Il ne faut pas croire que, moi jesuis mécontent parce que j’ai une mauvaise tête. Je ne me suis pas senti représenté après le débat interne au Parti Socialiste. Et comme moi, des milliers de gens (ce n’est pas offensant pour notre candidate que de le dire !). Premier élément : les gens pas représentés.. Et puis deuxièmement, ce sont ceux que moi j’appelle les désorientés, c’est-à-dire une masse de gens qui ne sait plus du tout à qui se référer.

JMA - Et vous Jean Luc Mélenchon, savez-vous justement la campagne de qui vous ferez ?

JLM - Oui, mais moi c’est très simple. Ca présente d’ailleurs peu d’intérêt. Qui suis-je ? Une personne. J’ai une voix, un bulletin de vote, je vais dans l’isoloir comme tout le monde et je le dépose dans l’urne, voilà.

JMA - Allez-vous voter Ségolène Royal -c’est ça ma question- vous, membre du Parti Socialiste ?

JLM - Franchement, si je ne veux pas avoir d’ennui, je vous réponds : oui, on passe à l’affaire suivante. Mais ça ne serait pas honnête. Que deviennent les gens comme moi ? C’est-à-dire ceux qui comme moi, ont cette sensibilité du socialisme qui, par exemple, n’est pas d’accord avec l’abrogation de la carte scolaire ou n’est pas d’accord avec une certaine conception de l’Etat où la Loi n’est rien et le contrat est tout. Bref, toutes ces questions ont une réalité. Je peux me taire. Je peux rentrer chez moi et dire : je n’ai plus rien à dire. Je vais faire autre chose. Mais c’est une réalité : si on veut que la Gauche gagne, il faut que les gens comme moi trouvent leur place dans cette bataille. Par conséquent, il va falloir que la candidate -Ségolène Royal- trouve le temps non seulement de parler avec les autres mais aussi avec des gens comme moi.

JMA - Mais, en tout cas, vous, pour cette campagne présidentielle qui s’annonce, qui va commencer, vous l’imaginez vivre à l’intérieur du Parti Socialiste en soutenant la candidate du Parti Socialiste ?

Jean Luc Mélenchon - Moi, je suis un citoyen engagé. Toute ma vie est dans l’engagement politique. Donc, je m’engagerai. Je vais essayer de trouver la forme utile. Mais vous imaginez bien, Monsieur Aphatie, qu’on ne va pas me demander d’aller faire des meetings pour expliquer des choses auxquelles je ne crois pas. Donc, ou bien on discute pour voir comment les uns et les autres s’y retrouvent ; ou bien on ne discute pas et puis je ferai la campagne dans mon coin là-bas en Essonne. Ils seront tout contents de m’avoir sous la main.

Mais je crois que ce n’est pas cela le fond de l’affaire. Le fond de l’affaire, c’est que ce pays - que ça nous plaise ou non à nous les Socialistes - est en ébullition. Personne ne peut dire, aujourd’hui : c’est sûr, voilà comment vont se passer les élections. Voilà comment ça va se finir. Non. Non. La situation est très volatile et nous pouvons nous attendre à d’immenses surprises dans cette élection.

JMA - L’immense surprise ce serait que, par exemple, la candidate socialiste ne soit pas au 2ème tour, quelque chose comme ça ?

JLM - Des catastrophes, on en a déjà vêcues une particulièrement meurtrissante, injuste qui nous a blessés, je crois, très profondément. On peut en vivre d’autres. Aujourd’hui, tout le monde trouve tout à fait normal de dire : ah ben oui, au 2ème tour, y’aura M. Le Pen. Donc, la question c’est de savoir qui va être au 2ème tour en face de Le Pen ? On se frotte les yeux. Quelle évolution inouïe dans le paysage politique français. Jusqu’à quelle catastrophe faudra-t-il aller pour qu’on comprenne qu’il y a une masse de gens qui a besoin d’être représentés et qui a besoin que sa vie change. C’est au point de départ de tout ce que nous vivons. Il y a la misère, la dureté de la vie, de plus en plus dure. Voyez-vous, nous venons d’entendre des gens qui pleurnichent à propos des impôts ; je leur demande de regarder dans la rue. Ca n’est pas supportable que dans un pays aussi riche, il y ait 200.000 personnes qui dorment dans la rue avec un froid pareil. Moi je suis prêt à donner ma paie pour qu’il n’y en ait plus un demain.

JMA - Puisqu’on en parle des Impôts .... Vous approuvez l’interview de François Hollande, ce lundi, qui a dit : si on revient au Pouvoir, les Impôts vont augmenter ?

JLM - Qu’il dise qu’on allait revenir sur les avantages fiscaux qui ont été consentis à certains, alors là, je suis tout à fait d’accord.

JMA - Les avantages fiscaux ... l’impôt sur le revenu a baissé et la totalité de la pression fiscale a augmenté. Opération blanche pour les contribuables. Donc, l’impôt sur le revenu va augmenter.

JLM - Oui, oui, ce ne sont pas forcément les mêmes qui paient. Je trouve qu’il est normal dans un moment de difficultés que la partie supérieure des revenus paie davantage, franchement, on aurait du mal à pleurer. A l’heure à laquelle nous parlons, la première fortune de France (on va me dire que c’est simpliste ... mais pour moi, y’a un rapport entre la misère et la richesse), la première fortune de France gagne un SMIC et demi annuel par heure, même quand elle dort.

JMA - C’est qui la première fortune de France ?

JLM - C’est pas la peine de personnaliser ...

JMA - Ah, c’est vous qui le faites !

JLM - Non, je dis la première fortune de France ...

JMA - Oui, donc c’est personnalisée quand même.

JLM - Moi je n’aime pas frapper les personnes, ni les montrer du doigt, on me le reprocherait. Je décris une situation sociale qui est absolument anormale. Il est absolument anormal que tant de richesses s’accumulent d’un côté, tandis que tant de pauvreté gagne de l’autre. Et ceux qui sont au milieu et qui disent : c’est à nous qu’on va prendre de l’argent, se trompent totalement. Il ne s’agit pas d’eux. Il s’agit des revenus les plus hauts. Je vous signale que c’est comme ça que Lionel Jospin avait repris l’économie en mains. C’est comme ça que nous avons créé 2 millions d’emplois. On a commencé par surtaxer les 75 premières entreprises du pays. Par conséquent, qu’on n’aille pas dire que ce pays manque de moyens pour s’occuper de chacun de ses enfants, ce n’est pas vrai.

JMA - Voyez, Jean Luc Mélenchon, vous êtes déjà en campagne. Vous approuvez François Hollande ; donc vous soutenez la campagne de Ségolène Royal.

JLM - Si ça vous fait plaisir à cette heure-ci, moi je veux bien tout ce que vous voulez Monsieur Aphatie ...

JMA - C’est gentil de me faire plaisir.

JLM - ... mais y’a une chose que vous ne pouvez pas m’enlever, je suis un homme de Gauche quoi. Je crois que ça s’entend.

JMA - Est-ce que Jean Pierre Chevènement ne vous a pas montré le chemin ; lui, il a rejoint Ségolène Royal sans se poser de questions ?

JLM - Mais lui il n’est pas membre du Parti Socialiste, il devait le rejoindre. Moi, j’en suis membre. Ce que je dis seulement, à cet instant : il serait vain de croire qu’avec le canon du revolver du vote utile, on va mettre tout le pays au garde à vous, derrière une candidature. On peut le croire. Si c’est comme ça, tant mieux ! On n’a même pas besoin de faire campagne. Mais je ne crois pas que ça se passera comme ça. Donc, j’adjure mes camarades de comprendre que ça n’est pas une affaire qu’ils ont à régler avec un de leur fils rebelle, au Parti Socialiste. C’est un problème qu’ils ont avec un secteur de l’opinion de Gauche, qui ne se sent pas représentée et deuxièmement, avec une masse de gens qui ne sait que penser.

JMA - Jean Luc Mélenchon qui ne demande qu’à être convaincu par Ségolène Royal, était l’invité d’RTL ce matin.

JLM - A discuter : en tout cas, ça c’est clair. C’est une offre publique que je fais là.

JMA - Bonne journée !


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