Le dollar est un artefact. Un bout de papier. Rien de plus. Les Etats Unis nous entrainent dans leur chute.

mardi 16 juin 2015.
 

La destruction de la zone euro ne serait pas une mauvaise nouvelle pour tout le monde ! Car si puissants que soient les effets de système qui sont à l’œuvre, nous devons aussi tenir compte du contexte géopolitique qui les environne. Tout n’est pas seulement pur effet de système dans ce qui se passe. La chute de l’Euro est même une très bonne chose pour les Etats Unis d’Amérique. L’existence de l’euro, surtout à une telle valeur d’échange, en fait une monnaie refuge. Le cauchemar. Les USA se rachètent déjà leurs titres de dette, ils ne publient plus de chiffres sur la masse monétaire dollar en circulation. Cette masse de papier surplombe aux Etats unis une production débile dans l’industrie comme dans l’agriculture. La part de ces deux activités dans le modèle nord américain est quasi résiduelle. Le dollar est un artefact. Un bout de papier. Rien de plus.

La planche à billets de la Réserve fédérale américaine est en effet lancée dans une fuite en avant. Pour elle il s’agit d’absorber coute que coute l’envolée des déficits américains. Depuis février s’est produit un basculement qui montre l’impasse financière dans laquelle les Etats-Unis sont en train de s’enfoncer. Le Trésor américain a annoncé que pour la première fois, le plus gros détenteur de bons du Trésor américains n’était plus la Chine qui ne possèderait plus « que » 900 milliards de bons US, mais la Réserve fédérale elle-même qui détenait alors autour de 1 400 milliards de bons dans le stock total de dette américaine (14 300 milliards de dollars). Au rythme actuel de creusement du déficit fédéral, ce chiffre doit avoir atteint les 1 600 milliards aujourd’hui. Avec plus de 1 400 milliards de trou en 2010, le déficit public états-unien dépasse les 10 % du PIB du pays. C’est-à-dire le même niveau de déficit qu’avait atteint la Grèce au printemps 2010 quand elle a été attaquée par les marchés. En valeur absolue, ce déficit public américain représente tout la richesse nationale de pays comme l’Espagne ou l’Inde. Et chaque jour ce trou se creuse en moyenne de 4 milliards de dollars de plus ! C’est-à-dire l’équivalent de la richesse nationale annuelle de la Guinée.

Pourquoi ce qui a été jugé inacceptable pour la Grèce est encore jugé acceptable pour les Etats-Unis ? Précisément grâce au moyen de financement illimité que constitue la planche à billets en dollar. Mais ce renflouement permanent en monnaie de singe fait de moins en moins illusion. Les agences de notation, aux mains des adversaires républicains d’Obama, multiplient les coups de canif. J’ai déjà signalé sur ce blog la première menace exprimée début avril par l’agence Standard and Poor’s. Avant-hier ce fut au tour de l’agence Moody’s de mettre la note américaine sous surveillance négative. Ce qui a entraîné une chute de Wall Street effrayée par le "risque très faible mais croissant de défaut passager" des Etats-Unis pointé par cette agence. Ce bras de fer avec les agences de notation recoupe un autre bras de fer entre Obama et les Républicains, désormais majoritaires à la Chambre des représentants qui vote le budget. Depuis le 16 mai, l’Etat fédéral a atteint son plafond légal de stock de dette qui est de 14 294 milliards. Et mardi Obama a essuyé un vote de rejet à la Chambre des représentants à laquelle il avait proposé en urgence de relever le plafond d’endettement à 16 694 milliards. Même sans ce relèvement, la dette publique états-unienne navigue donc désormais au-delà des 100 % du PIB du pays. Comme celle de la Grèce. Et comme le Trésor américain ne peut plus emprunter provisoirement du fait de ce vote de rejet, il bricole dans l’urgence des rustines financières. Il a annoncé jeudi soir la vente à Fiat de la part de 6 % détenue par l’Etat fédéral dans le constructeur automobile Chrysler. Soit plus d’un demi-milliard de dollars de rustine. Avec un impact symbolique énorme : cette vente permet à Fiat de franchir le seuil de 50 % dans le capital de Chrysler !

En ayant rattrapé les Etats Unis sur le plan de la production et ayant accumulé des excédents absurdes, la Chine est elle aussi fragilisée si le dollar va trop mal. Elle a prés de 3 000 milliards de dollars dans ses réserves de change. Mais comment s’en débarrasser ? En achetant tout se qui se présente ? Elle le fait. Avec prudence, compte tenu du niveau de réactivité dès qu’elle se présente comme acquéreur quelque part. Ensuite, en vendant des dollars contre des euros. Mais chaque fois qu’elle le fait, elle mine elle-même la valeur du dollar et accroit le mal qu’elle cherche à parer pour protéger ses actifs. Cercle vicieux, équilibre super instable. La chute de l’euro et la mise au tapis de la vieille Europe est une affaire qui profiterait considérablement au G2, le tandem qui se tient par la barbichette et traine le monde à sa suite. Mon raisonnement est que la chute est inéluctable. D’autres en sont convaincus comme moi. Deux choix se présentent alors.

Premier choix : la solidarité avec les Etats Unis. C’est la ligne de la constitution d’un grand marché transatlantique entre l’union européenne et les Etats unis d’Amérique. Cette stratégie est en route. Elle doit s’achever en 2015. Bien sûr elle n’est débattue dans aucun parlement national alors même que le projet avance à coup de déclarations communes et de plans de transition adoptés avec force congratulations dans les réunions internationales. Elle ne fait non plus l’objet d’aucun débat dans les médias. Mais la chose se fait. Pour moi c’est une faute lourde. Les Etats unis d’Amérique nous considèrent comme leur arrière cour. Ils négocient directement avec les Chinois sans tenir aucun compte de nos intérêts qui ne sont pas du tout les leurs. En caricaturant : eux spéculent, nous, nous produisons. Ils nous parasitent. Nous les alimentons.

Les Etats Unis nous entrainent dans leur chute. Et dans leur déclin. C’est pourquoi dans mon livre « Qu’ils s’en aillent tous », j’ai proposé de garantir notre indépendance et notre souveraineté en négociant de façon privilégiée avec ceux qui sont notre problème en matière de compétition dans la production. Ceux qui seront « le numéro un » du monde, à coup sur, dans moins de vingt ans. Les Chinois ! Mon raisonnement est qu’il vaut mieux être en dialogue et partenariat avec le plus fort que de compter sur un autre pour le faire. De cette position des commentateurs superficiels ont déduit que j’aurais je ne sais quelle « tendresse pour la Chine ». Comme si dans ces sortes de sujet il y avait place pour des sottises de cette nature. Cette formule est née dans un commentaire de Marianne 2 sur mon livre. Et, depuis, elle circule dans les fiches argumentaires des gens qui n’ont pas lu mon livre. Ca leur donne des airs importants d’ami des droits de l’homme. Que je reçoive des leçons dans ce domaine, surtout venant de telles personnes, est proprement incroyable. Mais je dois l’admettre compte tenu de ce que sont mes contradicteurs et leurs liens divers ! Pour autant cela n’enlève rien à mon raisonnement sur lequel je suis étonné de ne jamais rien entendre. Je pense et je propose dans un cadre géopolitique. Je fais de la mondialisation un enjeu, peut-être même un point d’appui pour changer son cours et l’abaissement de la souveraineté populaire en Europe et dans mon pays. En face de moi je ne trouve que des gens qui se contentent d’en faire un phantasme et un prétexte à l’inaction.


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